Pétition contre la loi Duplomb : une mobilisation record, déjà 1,2 million de signataires !
Déjà 1,2 million de signatures : une pétition citoyenne contre la loi Duplomb révèle une fracture profonde entre les orientations actuelles de l’agriculture française et les exigences écologiques.

Derrière l’indignation, il y a une critique très documentée du contenu même de la loi, perçu comme un danger pour la biodiversité, les écosystèmes et la santé publique.
Loi Duplomb : une pétition contre un tournant environnemental
Tout commence le 10 juillet 2025, quand Éléonore Pattery, étudiante en Master QSE et RSE, publie une pétition sur le site de l’Assemblée nationale : « Non à la loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective ». En une semaine, le texte dépasse le million de signatures, déclenchant un débat parlementaire obligatoire à la rentrée.
Mais ce qui frappe n’est pas tant le chiffre que le contenu rigoureux de l’argumentaire. La pétition alerte sur les dangers « pour la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire et le bon sens ». Elle mobilise les grands textes de référence : Charte de l’environnement, Code de l’environnement, rapport Brundtland, travaux du GIEC, analyses de l’INRAE et de Santé Publique France. Derrière l’élan citoyen, le fond du texte législatif lui-même suscite une inquiétude profonde, car il constitue une série de reculs environnementaux sans précédent.
Le retour des néonicotinoïdes : un non-sens écologique
Parmi les mesures les plus controversées, la loi permet — sous couvert d’urgence phytosanitaire — la réintroduction de néonicotinoïdes, interdits depuis 2018 en raison de leur dangerosité. L’acétamipride, le sulfoxaflor ou encore le flupyradifurone figurent parmi les molécules potentiellement concernées. Ces substances ont des effets délétères sur les abeilles, mais aussi sur l’ensemble de la faune entomologique. Même à faibles doses, elles perturbent le système nerveux, la reproduction, et les capacités d’orientation des pollinisateurs. Ces molécules, qualifiées de « tueuses invisibles », affectent aussi les écosystèmes aquatiques, les oiseaux insectivores, et participent à l’effondrement des chaînes alimentaires. Leur réintroduction, sans évaluation indépendante, remet en cause le principe de précaution pourtant gravé dans la Constitution française depuis 2005.
Légalisation des mégabassines : accaparement de l’eau et mise en péril des milieux humides
Autre point d’alerte : la loi qualifie désormais les projets de mégabassines de « raison impérative d’intérêt public majeur ». Cette terminologie permet leur implantation y compris dans des zones protégées, y compris en dépit d’avis environnementaux défavorables. Concrètement, ces réserves de substitution, censées capter l’eau en hiver pour une utilisation estivale, privatisent une ressource publique, concentrent l’accès à l’eau dans les mains d’une minorité d’exploitants, et assèchent les nappes phréatiques peu renouvelables.
Les mégabassines impactent durablement les zones humides, les rivières intermittentes, les amphibiens et les invertébrés aquatiques, qui dépendent d’une disponibilité hydrologique stable. Dans un contexte de sécheresse chronique et de réchauffement climatique, leur prolifération, désormais juridiquement protégée, est perçue par les scientifiques comme un contresens écologique.
L’élevage industriel à l’abri du contrôle
La loi modifie aussi les seuils d’ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement) pour les élevages. Le nombre de porcs, de volailles ou de truies pouvant être élevés sans étude d’impact ni enquête publique augmente significativement :
- jusqu’à 3 000 porcs (contre 2 000 précédemment),
- 900 truies (au lieu de 750),
- 85 000 volailles (contre 40 000).
Ces hausses permettent l’extension silencieuse des fermes-usines, sans obligation de contrôle sanitaire ni évaluation de l’impact sur l’air, l’eau ou le sol. Elles aggravent les émissions de méthane, de nitrates et d’ammoniac — déjà responsables de l’eutrophisation des cours d’eau et de la pollution de l’air dans les zones rurales. Ce choix politique se fait à contre-courant des recommandations scientifiques, alors même que la France s’est engagée dans une réduction de 30 % de ses émissions agricoles d’ici 2030.
La pétition : Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.
Recul stratégique sur l’encadrement des pesticides et affaiblissement du contrôle environnemental
Autre disposition discrète mais cruciale : la suppression de la séparation entre le conseil agronomique et la vente de produits phytosanitaires. Cette séparation, instaurée par la loi EGAlim de 2019, visait à limiter les conflits d’intérêts et les incitations à la surconsommation de pesticides. La loi Duplomb permet désormais aux coopératives agricoles et aux vendeurs de produits de reprendre un rôle de conseil, sans obligation d’indépendance. Ce choix renforce la dépendance des exploitants aux intrants chimiques, en contradiction totale avec les objectifs du plan Écophyto. Le risque est double : une intensification de l’usage des pesticides, et une perte de diversité dans les pratiques agronomiques, au détriment des systèmes agroécologiques.
Enfin, la loi modifie le fonctionnement des instances de contrôle. L’Office français de la biodiversité (OFB) voit son pouvoir de sanction réduit, et ses missions rebasculées sous autorité préfectorale. Cela affaiblit l’indépendance des contrôles environnementaux, qui deviennent plus vulnérables à des arbitrages politiques locaux. En cas d’infractions, les poursuites pénales relèvent désormais quasi exclusivement de l’initiative des procureurs, ce qui risque de réduire considérablement la fréquence des contentieux environnementaux.
Une mobilisation née d’un vide scientifique
Face à ces bouleversements réglementaires, la pétition contre la loi Duplomb ne fait pas qu’exprimer une colère. Elle comble un vide laissé par les institutions scientifiques et les agences sanitaires, restées étrangement silencieuses lors du processus législatif. « Vous persistez à légiférer contre l’intérêt général », accuse le texte d’Éléonore Pattery. Il cite avec précision les références scientifiques majeures ignorées par la loi : rapport Brundtland, Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, données du GIEC, études de Santé Publique France et de l’INRAE. La pétition articule un discours environnemental fondé, rigoureux, sans slogan, qui remet la science au coeur du débat politique.
La pétition contre la loi Duplomb aura au moins servi à cela : éclairer, dans le détail, l’ampleur du démantèlement environnemental en cours. Car cette loi n’est pas un accident, mais une orientation stratégique assumée : faire de l’agriculture française un bastion productiviste au détriment de la biodiversité, des sols, de l’eau et de la santé publique.
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