La troisième révolution industrielle est en soi un succès marketing, ne serait-ce que par la notoriété de son promoteur, le consultant Jeremy Rifkin et la notoriété qu’il a su donner à la notion. Il est vrai qu’on a envie d’y croire à cette révolution industrielle du troisième type ! Elle a tout d’un avenir radieux, bien vert, bien propre… bien loin de nos absurdes gaspillages actuels.
La troisième révolution industrielle et ses 5 séduisants piliers
Les idées de Jeremy Rifkin sont très à la mode et sont très séduisantes. La vision véhiculée par le consultant américain part de constats partagés par tous quant à la situation énergétique et écologique. Mais les « solutions » promues par l’équipe du consultant Rifkin, socle de LA grande transition énergétique que certains souhaitent, sont si ambitieuses qu’elles sont (auto-) qualifiées de « 3ème révolution« .
Pour ambitieuse qu’elle soit, cette révolution énergétique, qui fait suite à la révolution industrielle débutée au 19ème siècle, n’est pourtant pas sans laisser sceptiques, voire sans agacer bien des spécialistes.
Dans notre série sur la Fin du pétrocène, les 6 piliers de la révolution énergétique, les idées de Rifkin sont largement reprises et vulgarisées. Comme le souligne un spécialiste belge, Laurent Minguet, les piliers de la révolution énergétique rifkinienne sont très malins :
Une révolution industrielle qui pourrait transformer la société
J. Rifkin soutient que nous sommes désormais en mesure de vivre une véritable révolution énergétique, qu’il élève même au rang de révolution industrielle. Dans son ouvrage, justement intitulé La Troisième Révolution industrielle (2011), J. Rifkin décrit comment ses préceptes pourraient « créer des centaines de milliers d’entreprises et d’emplois, présager d’un nouvel ordre des relations humaines fondée sur un pouvoir latéral plutôt que hiérarchique, qui modifiera la façon dont nous faisons des affaires, gouvernons nos sociétés, éduquons nos enfants, en participons à la vie civique »(1).
Le programme a de quoi plaire ! Et force est de constater que la vision de Rifkin séduit : certaines villes (Rome ou San Antonio, au Texas) et régions (comme la région Nord-Pas-de-Calais ou la province d’Utrecht, aux Pays-Bas), ont officiellement adhéré à la vision de l’économiste américain.
La recette d’une révolution industrielle
Cette révolution industrielle reposerait selon Rifkin sur cinq piliers :
1) L’énergie doit être produite autant que possible par les énergies renouvelables…
2) … et chaque bâtiment doit être adapté en micro-centrale capable de collecter les énergies renouvelables locales.
3) Chaque bâtiment doit pouvoir stocker l’électricité qu’il produit pour palier au problème de l’intermittence des énergies renouvelables.
4) Puisque tous les bâtiments peuvent parfois être amenés à consommer plus qu’ils ne produisent, il faut que le réseau électrique échange de l’information en continu pour pouvoir permettre à un bâtiment qui dispose de stocks d’électricité de vendre ses surplus aux bâtiments voisins en cas de besoin. Rifkin déclare pour ce 4ème point que le réseau électrique doit être transformé en profondeur pour se calquer sur le modèle du réseau Internet.
5) Il faut enfin transformer l’actuelle flotte de transport en une flotte de véhicules capable de se recharger sur le réseau, ou d’y injecter de l’électricité.
> un sixième pilier, qui n’y est pas évoqué comme tel, serait l’impression 3D, qui permettrait à chacun de produire localement les objets dont il ou elle a besoin. Ce sixième point, qui bouleverserait l’organisation du capitalisme, n’est cependant pas directement lié à la question de l’énergie, de sorte que nous le laisserons de côté pour cet article.
Ces principes reposent sur une vision en laquelle spontanément tout le monde a envie de croire, une peinture si séduisante de l’avenir que J. Rifkin fait aujourd’hui fortune pour aller la vulgariser. Un peu partout dans le monde, les consultants américains sont rémunérés pour formaliser avec leurs clients les « master plans » qui tracent la route vers le nouvel avenir énénergétique mondial.
La Région Nord-pas-de-Calais en a même fait le pilier, le fil rouge de sa feuille de route pour l’avenir.
J. Rifkin tire en partie sa légitimité de son aura médiatique mais aussi du fait, que d’après lui, ses idées ont été adoptées par le Parlement européen « pour en faire la feuille de route de l’Union », comme il l’explique d’ailleurs à la page 14 de son livre La 3e Révolution industrielle. Vérification faite, il ne s’agit pourtant que d’une déclaration très courte d’une commission du Parlement composée de 5 parlementaires, et qui évoque 5 points reprenant en partie certains aspects des 5 « piliers » de Rifkin (et en en changeant le sens dans le cas des smartgrids). On est loin d’une validation officielle, définitive et globale des théories de J. Rifkin comme il l’annonce pourtant.