Le monde rêvé de Jeremy Rifkin
Cependant, les cinq piliers de la révolution industrielle voulue par Rifkin font l’objet de critiques sur la forme et sur le fond.
Rifkin critiqué sur la forme
Les principales critiques portées contre Rifkin décrient la façon dont son livre est rédigé.
Il suffit en effet d’en lire quelques pages pour découvrir les premiers noms d’hommes politiques célèbres, qui seront par la suite rabâchés tout au long de l’ouvrage : Rifkin se complaît dans le « name droping » et se pose régulièrement en homme influent et respecté qui chuchoterait à l’oreille de grands de ce monde. Le livre souffre également d’un manque évident de rigueur, tant au niveau des chiffres avancés, dont les unités ne sont d’ailleurs pas toujours précisées, qu’au niveau des sources, qui ne sont presque jamais citées.
Ceci n’empêche cependant pas Rifkin d’être aujourd’hui grassement rémunéré pour donner des conférences sur le thème de la troisième révolution industrielle.
Les imprécisions de Rifkin et sa tendance récurrente à se décrire lui-même comme inspirateur des politiques nationales ou mondiales le poussent par exemple à déclarer que l’Union Européenne aurait officiellement adopté ses idées dans son « paquet énergie climat ». Mais après vérification, il s’avère que les cinq piliers de Rifkin ne sont que partiellement repris, voire pas du tout évoqués, par les textes de l’Union.
Une exagération certes bénigne, mais qui ne fait qu’augurer des critiques que les experts portent sur le fond du propos.
Rifkin critiqué sur le fond
Nous reprendrons ici l’excellent texte de Laurent Minguet, un homme d’affaire belge ayant notamment été professeur de physique et employé d’une compagnie pétrolière. Ce texte, intitulé « pourquoi je n’aime pas la troisième révolution industrielle », est disponible en intégralité ici.
Minguet y souligne que le principal problème de l’argumentaire de Rifkin est son ignorance totale des aspects techniques de la production d’énergie.
Multiplier les sources de production locales semble certes alléchant, mais cela revient aussi :
1. À risquer la sous-production
a. Car même en recouvrant tous les toits des villes de moyens de production éoliens et solaires, nous ne produirions pas assez d’énergie pour couvrir notre consommation actuelle.
b. D’un point de vue purement pratique, car les risques de panne sont multipliés : il faudrait désormais entretenir des centaines milliers d’appareils et de connexions supplémentaires !
c. Et à cause de l’intermittence. Les énergies renouvelables ne produisent pas toujours au bon moment. Au cas où les batteries de chaque bâtiment seraient vides… alors la région serait tout simplement privée d’électricité.
d. Minguet signale aussi que l’idée de Rifkin d’utiliser les véhicules électriques comme capacités de stockage supplémentaires n’est pas crédible : les conducteurs préféreront garder les batteries de leur voiture pleine pour pouvoir rouler quand ils ont envie !
2. À faire payer très cher à toute la communauté…
a. … à cause de l’utilisation de solutions technologiquement très coûteuses, notamment en matière de stockage de l’énergie.
b. … et à cause des subventions qu’il faudra mettre en place pour soutenir les filières renouvelables (et c’est d’ailleurs pour cette deuxième raison que les allemands payent aujourd’hui très cher leur électricité.
c. … et enfin car le projet de Rifkin ne permet aucune économie d’échelle.
Minguet arrive alors à la conclusion que le modèle de Rifkin ne serait viable qu’en situation de décroissance. Rifkin n’a jamais évoqué la possibilité de la décroissance, et ne l’a sûrement jamais envisagée associée à son modèle – mais ne serait-ce pas là la solution ?
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(1) source http://thethirdindustrialrevolution.com/