Les crevettes d’Asie, les esclaves modernes et nous

Dans notre économie où les salariés sont hyper-protégés, on oublie combien, dans certaines régions du monde, les conditions de travail sont précaires. Elles frisent même l’esclavage dans certaines filières comme la pêche en Asie.

Rédigé par Jean-Marie, le 25 Jan 2016, à 17 h 00 min
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C’est également en Asie, en Thaïlande, que la filière d’exportation des crevettes et autres thons se fait remarquer pour son exploitation de migrants illégaux, transformés en quasi esclaves.

Des esclaves modernes et des conditions déplorables

Si vous achetez des scampis qui sont importés de Thaïlande, on en trouve dans certains hyper- et supermarchés, attention : il faut savoir qu’il est probable que ces produits de la mer aient été produits, nourris par des travailleurs bénéficiant de conditions de travail misérables. A tel point que certains médias, comme le Guardian britannique, un des premiers à en avoir parlé, n’hésitent pas à parler de véritable « esclavage moderne ». Déjà en 2012, le Global Post avait enquêté 3 mois pour mettre au jour toute une chaîne logistique des exportations des pêcheries d’Asie du Sud-est qui repose sur l’esclavage.

peche-crevettes

Le saviez-vous ?

90 % des quelque 300.000 personnes employées sur les navires de pêche thaïlandais sont des migrants, donc potentiellement exploitables. Mais la Thaïlande peine à réagir face à une filière qui représente 7 milliards de dollars de revenus en 2011 et un secteur clé pour son économie. Elle est en effet le 1er exportateur mondial de crevettes avec 500 000 tonnes, dont 10 % par la société Chaoren Pokphand Foods accusée d’esclavagisme.

Sont majoritairement concernés des travailleurs venant de Birmanie et du Cambodge, deux économies en phase d’ouverture et de décollage mais qui servent de « base arrière » à la Chine du fait des bas salaires qui y sont pratiqués. Ces migrants birmans et cambodgiens sont attirés en Thaïlande avec des promesses de travail bien rémunéré … qu’ils ne voient jamais.

Envoyés en haute mer sur des navires à l’état parfois effrayant, ils sont démunis de leurs papiers, quand ils en ont et forcés de travailler parfois jusque 20 heures par jour et parfois plusieurs années d’affiliée avant de pouvoir se dégager de ce piège. Impossible de s’échapper et impossible de faire autrement que de se contenter des coups, parfois mortels, de la nourriture minimale, assiette de riz et du harcèlement d’employeurs sortis d’un autre âge.

Certains rescapés et marins ont témoigné de pratiques barbares : des tortures et des malades, trop faibles pour travailler, et précipités vivants par dessus bord. Des travailleurs drogués ou assassinés, puis découpés, jetés à l’eau quand ils sont trop épuisés. Les exemples de pratiques cruelles abondent et l’actualité est émaillée de « petits » faits divers, comme ces  quatre Vietnamiens qui avaient sauté en pleine mer de leur bateau de pêche au large de Papeete pour échapper aux sévices qu’ils subissaient à bord en 2008.

Une pêche aveugle

Vous vous en doutez, ces respectables patrons de pêche ne font pas dans la dentelle : leurs filets pêchent et remontent tout ce qu’ils trouvent, sans distinction aucune. Les prises trop petites et interdites ou non comestibles sont utilisées sous forme de broyat qui finira comme matière première alimentaire dans des élevages de scampis et crevettes. Bien des patrons d’usines de transformation des produits de la mer thaïlandaises ignorent par qui a été pêché le poisson qu’ils transforment avant de l’exporter à nouveau et ils ont tendance à fermer les yeux. Ce qui compte, c’est l’exportation plus que l’éthique des approvisionnements.

L’impunité des chalutiers hauturiers

La complexité du réseau logistique de la pêche rend les choses difficiles à évaluer mais il semble que c’est bien sur les chalutiers de haute mer que se posent les plus gros problèmes ; car toute la chaîne n’est pas « pourrie ». Les deux produits les plus exportés, la crevette et le thon ont des filières bien distinctes : les fermes aquacoles qui élèvent le thon sont, elles, régulièrement contrôlées inopinément. C’est sur les chalutiers hauturiers où est pêché le thon « thaï » avant d’être importé en Thaïlande puis réexporté que sévissent les pires esclavagistes.

Cet exemple est une belle illustration de la dérive de certaines filières agro-alimentaires mondialisées dont même des groupes de distribution puissants ont du mal à démêler les fils. Soja brésilien, huile de palme indonésienne, tomates andalouses ou fraises catalanes, scampis et langoustines de Thaïlande, ces exemples soulignent le danger des monocultures à échelle industrielles.

Le circuit de la pêche pirate résumée dans un schéma (cliquer pour agrandir)

peche-pirate-Thailande

Selon le Guardian, qui a enquêté pendant six mois, un groupe notoire, le Charoen Pokphand (CP) Foods, « la cuisine du monde » qui n’hésite pas à s’approvisionner régulièrement auprès de ces fournisseurs esclavagistes. Ce qui gêne aujourd’hui des groupes de distribution comme Cora, Colruyt (Belgique), Match, Costco, Tesco ou Carrefour, c’est qu’on a pu ou on peut trouver des produits vendus CP Foods dans leurs rayons.

La direction du groupe Carrefour, saisie du problème, a rapidement réagi en suspendant la vente les produits CP Foods. L’enseigne belge Colruyt a carrément renvoyé le stock qui lui restait au fournisseur.

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Jean-Marie Boucher est le fondateur de consoGlobe en 2005 avec le service de troc entre particuliers digitroc. Rapidement, il convertit ses proches et sa...

6 commentaires Donnez votre avis
  1. tres interressant je le recomande

  2. Pouuuuuuuuuuuuuuuuuuuufffffffffffffffffff

    c’est du réchauffer tout ça APPEL qui soustraite avec des entreprise qui mène des esclaves on en parle pas , Cacao Barry enfants esclaves dans les plantation on en parle pas est etc C’est totalement utopique de croire que ce sont ce qu »ils achètent qui son coupable.

    Dans mon jardin quand je coupe de la mauvaises herbes elles reviennent si je veux quelle ne reviennent plus du tout je ne met pas du désherbant mais j’arrache la racine. Couper les têtes de ces gouvernement responsable est on n’en reparlera pas pendant très longtemps. il y a le globe terrestre et a l’intérieur toutes les nations , toutes ces gouvernement son coupables pas un seul qui a les mains propres Alors faut arrêter de rêver VIVA LA VIE VA !

  3. Merci de dénoncer ces pratiques
    Il faut boycotter les produits industriels venus de loin. A court terme cela ôtera du travail aux « esclaves » mais à long terme cela tarira les flux d’argent. De l’autre côté il faut faire pression sur nos gouvernants pour qu’ils mettent sur la table la question des droits de l’homme dans les négociations commerciales avec les pays en question

  4. c’est bien de dénoncer tous ces trafics mais alors c’est à l’origine ceux qui achètent ces « importations » de prendre enfin leurs responsabilités et ne pas les commander !!! facile de le dire aux « petits consommateurs » ce qu’il se passe au départ mais… que faire ???? aux industriels et distributeurs de faire correctement leur travail pour « distribuer » des produits de qualité fais dans de bonnes conditions ! si les journalistes arrivent à connaitre tout celà pourquoi pas les « clients » de ces patrons qui ne pensent eux aussi qu’au fric !!!

  5. Je profite de votre article pour préciser un élément souvent ignoré si ce n’est masqué pour les besoins de la cause de l’exploitation humaine : Ce que nous appelons habituellement esclave est en fait la condition du forçat (Travailler comme un forçat, faire un métier de forçat. Au fig. Travailler durement, jusqu’à épuisement.)
    Dans la représentation populaire porté par le cinéma, l’esclave type c’est Spartacus enchaîné cassant des cailloux dans la mine ou gladiateur promis à la mort. Mais Spartacus est représenté dans les conditions de vie d’un forçat.
    Sachez que les « esclaves » de la Rome antique pouvaient racheter leur liberté au bout d’un certain nombre d’année. Et, ce qui échappe souvent à la réflexion est : comment racheter sa liberté en tant qu’esclave si l’on est pas payé ? Croyez-vous que les romains étaient suffisamment bêtes pour ne pas comprendre qu’un esclave (non rémunéré) qui achète sa liberté aurait forcément volé ses maîtres ?
    En réalité les esclaves romains et non les forçats, vivaient sensiblement les mêmes conditions que les employés d’aujourd’hui, sauf qu’ils étaient logés, nourris et donc payés, si vous avez suivit mon raisonnement. Au passage je vous rappelle que l’on constate de plus en plus « d’employés » de nos jours qui dorment dans leur voiture parce qu’ils n’ont pas les moyens de se loger … De surcroît, connaissez-vous beaucoup de personnes qui après avoir « travaillé » ne serait-ce qu’une dizaine d’année sous nos conditions économiques actuelles, puissent racheter leur liberté c’est à dire ne plus être soumis aux conditions « d’esclave-employé » ?
    En résumé les esclaves modernes sont les employés et ce que nous appelons esclaves comme ces pauvres pêcheurs forcés de votre article, sont des forçats. Et vos malheureux lecteurs employés comme moi, sommes des esclaves modernes (même pas nourris, ni logés et encore moins dans la possibilité de se libérer de ce système… )

    • Tout à fait en accord avec votre article, mais en ajoutant une parenthèse, on aidera les émigrants a se loger et on leurs attribuera des aides, ce qui ne sera pas le cas pour les employés à qui on demandera des garanties qui ne pourront fournir.

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