Le saviez-vous, le nom moutarde de Dijon n’est malheureusement pas une appellation d’origine contrôlée (AOP ou IGP). Il n’est donc pas juridiquement protégé. Explications.
Saviez-vous que 80 à 95 % des moutardes de Dijon vendues en France sont en fait des moutardes canadiennes ?
Fabrication de la moutarde de Dijon
La moutarde de Dijon fait partie de ces fleurons de la gastronomie française, au même titre que nos centaines de fromages ou que nos précieux vignobles.
Ce condiment est très largement apprécié partout dans le monde. La moutarde est d’ailleurs placée en 3ème position des condiments les plus consommés après le sel et le poivre. On en mange quotidiennement dans la plupart des foyers français, et la moutarde est devenue incontournable dans le domaine de la gastronomie.
En France, on produisait 85 000 tonnes/an de pâte à moutarde par an, mais, en 2022, le secteur de la moutarde Française fait face à de grosses pénuries en raison des aléas climatiques.
La moutarde est fabriquée à partir de toutes petites graines noires, brassica nigra. Il en faut 500 000 pour fabriquer 1 kilo de condiment. Ces graines sont réduites en farine à laquelle on mélange du verjus. Selon les recettes, d’autres ingrédients peuvent y être ajoutés comme du vinaigre, du vin blanc, du miel, etc. Les ingrédients autorisés sont rassemblés dans une liste figurant dans le décret 2000-658.
Le saviez-vous ? – Quand la moutarde vous monte au nez
La graine de moutarde « telle quelle » ne pique pas. C’est lors du processus de fabrication que deux des composés présents dans la graine, la sinigrine et la myosine se mélangent pour se transformer en isothyocyanate d’allyle, une molécule aromatique qui confère le piquant. On retrouve cette même molécule dans le raifort et dans le wasabi.
Le piquant est détecté par la langue qui envoie un message au nerf trijumeau et qui, en passant à proximité du nez, nous donne tout simplement envie d’éternuer !
Moutarde de Dijon : une appellation non protégée
La dénomination moutarde de Dijon ne bénéficie d’aucune protection quant à son origine. Elle désigne plutôt un certain procédé de fabrication. Ainsi, selon un décret datant du 10 septembre 1937 et toujours en vigueur : « La dénomination moutarde de Dijon est réservée à la moutarde en pâte fabriquée avec des produits tamisés (ou blutés). La teneur de cette moutarde en extrait sec total ne doit pas être inférieur à 28 % ; la proportion de téguments ayant échappé au blutage ne peut excéder 2 % ».
En revanche, la moutarde de Bourgogne a obtenu en novembre 2009 une Indication géographique protégée (IGP). Ce signe garantit que que la production des graines de moutarde et du vin blanc, ainsi que leur transformation se déroule en Bourgogne.
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Autrement dit, rien de spécifique quant au lieu de production !
Ce décret a fait suite à une querelle entre des moutardiers parisiens et des moutardiers dijonnais. En effet pour la petite histoire, à l’origine, on fabriquait de la moutarde dans diverses villes. C’était le cas à Paris, à Meaux, à Bordeaux, à Tours ou encore à Reims.
En fait, on fabriquait de la moutarde avec le vin qui tournait et que l’on recyclait alors en vinaigre. Ce n’est qu’à partir du XIVème siècle que la Bourgogne se spécialise. En effet, au Moyen-Âge, les Ducs de la ville de Dijon lui permirent de devenir populaire : ils en expédièrent 300 litres à la Cour de France. La ville de Dijon avait comme devise « Moult me tarde » et la Bourgogne en fit une de ses spécialités.
En 1937, durant le procès opposant les moutardiers, la Cour de Cassation statua que l’appellation correspondait à une recette et non à un terroir
© Sandipan Panja
En outre, depuis la fin du 19ème siècle, la production locale de graines de moutarde ne suffisait plus au développement galopant de l’industrie condimentaire. Il a donc fallu importer des graines. La culture de la moutarde disparut de Bourgogne dans les années 1950, puisque son rendement était trop faible. Elle fut remplacée par le colza et le tournesol plus rémunérateurs pour les agriculteurs.
Depuis lors, la plupart des « moutardes de Dijon » que l’on trouve dans nos supermarchés et même sur les marchés tout court ne proviennent pas de la ville, ni même de Côte d’Or. En outre, l’ingrédient principal est importé en masse : 95 % des graines de moutarde proviennent de l’importation. Le Canada fournit à lui seul 80 % des besoins, le reste étant couvert par les États-Unis, la Hongrie, la Roumanie et le Danemark. Production mise à mal par la guerre en Ukraine et la vague de chaleur de l’été 2021 au Canada figurent parmi les causes de cette difficulté d’approvisionnement en Europe.
La moutarde de Dijon n’a donc plus grand-chose de Dijonnais !
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, on comptait près de 170 fabricants de moutarde.
Aujourd’hui, il n’en reste qu’une petite dizaine en France qui continuent de fabriquer la moutarde de manière artisanale. L’une d’entre elles, la moutarderie Edmond Fallot perpétue la tradition familiale depuis 1840.
Quant au numéro 1 de la moutarde de Dijon en Grande Distribution Amora-Maille, c’est depuis 1999 qu’il appartient au groupe Unilever. En 2009, Unilever réorganise ses sites de production et ferme l’usine historique de Dijon et celle d’Appoigny dans l’Yonne. La production de moutarde est transférée sur le site de Chevigny-Saint-Sauveur. Le site fabrique aujourd’hui la totalité de la moutarde Amora et Maille vendue en France et dans le monde, mais à partir de graines importées pour la plupart du Canada.
La moutarde dans les recettes de grand-mère
La moutarde est non seulement plébiscitée pour le petit goût indispensable qu’elle confère aux viandes ou aux vinaigrettes, mais aussi pour ses nombreuses vertus.
Elle est utilisée, depuis des siècles dans de nombreuses régions du globe comme une plante médicinale aux propriétés digestives et antiseptiques.
Nos grand-mères se servaient de la moutarde sous forme de cataplasmes pour guérir le rhume, atténuer les troubles respiratoires ou soulager les rhumatismes et autres éruptions cutanées.
Illustration bannière : Moutarde de Dijon – © Pixel-Shot