Le bio est-il une garantie contre les pesticides dans les vins ? La revue Que Choisir d’octobre 2013 a voulu vérifier cette affirmation et dévoile ses résultats sur les traces de pesticides dans un échantillon de 92 bouteilles des différentes régions viticoles françaises, bio ou non bio.
Les pesticides sont partout !
L’enquête de Que Choisir révèle des taux de pesticides dans les vins jusqu’à 3 500 fois supérieurs à la norme de potabilité de l’eau !
Elle note aussi la présence de produits interdits dans plus de 20 % des vins échantillonnés (soit 8 millions d’hectolitres rapportés à la production française), et parle ouvertement de « trafics organisés et généralisés » de ces vins contaminés.
Rappelons que nombre de ces pesticides sont des perturbateurs endocriniens et/ou des produits cancérigènes.
L’usage des pesticides continue d’augmenter en France (+ 2,6 % entre 2008 et 2011). Et ces pesticides se retrouvent aussi dans le vin. Consommation de pesticides phytosanitaires en France
Les vins bio épargnés, mais pas exempts.
L’étude de Que Choisir montre que les vins bio sont la seule garantie sérieuse contre les pesticides. Mais qu’ils peuvent néanmoins en contenir quand même… malgré eux !
Comment est-ce possible ? ! Il s’agit de traces de pesticides, d’origine environnementale.
Car depuis 2012 – seulement ! -, il n’est plus question d’utiliser de pesticides pendant tout le processus d’élaboration du vin bio, de la vigne à la cave. Un nouveau règlement de l’Union Européenne a été adopté en ce sens pour le vin biologique. Il est beaucoup plus strict que le précédent qui interdisait l’utilisation de produits phytosanitaires sur la vigne, mais l’autorisait après, au cours de l’élaboration du vin bio en cave.
Des épandages qui se disséminent
D’où viennent les traces de pesticides d’origine environnementale ?
Elles sont dues aux épandages des autres cultures non bio, qui se propagent bien au-delà des zones dans lesquelles ils sont déversés.
Ce constat a fait vivement réagir la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique des Régions de France (FNAB) (2). A la suite du dossier de Que Choisir, elle demande aux autorités publiques une meilleure protection des vignes bio contres les pesticides.
« Quelle est la protection accordée aux agriculteurs bios et aux riverains quand on voit fleurir au printemps les autorisations préfectorales pour épandage aériens ? », demande la FNAB. Elle réclame des mesures pratiques de protection pour l’agriculture et les riverains qui passerait par l’application de l’interdiction des épandages aériens de pesticides.
Ceux-ci sont pourtant bien interdits depuis 2009. Mais ils se poursuivent grâce à des dérogations préfectorales, notamment dans les Antilles, en Aquitaine et en Champagne.
800 opérations d’épandage aérien en France en 2012
Viticulture bio : une filière qui n’arrive pas à s’autoréguler
Mais la FNAB va encore plus loin dans ses réclamations pour le vin biologique.
Elle demande à l’Etat la mise en place d’un système de contrôle des pratiques et d’analyse des vins afin d’atteindre à terme, une véritable » obligation de résultat » pour la filière viticole.
Elle fait le constat de l’échec des différentes mesures déjà existantes qui ont pourtant été mises en place pour préserver le vin – et l’agriculture en général – d’un excès de pesticides.
C’est le cas du plan Ecophyto 2018, élaboré après le Grenelle de l’Environnement en 2008, et qui prévoit la diminution substantielle de l’usage des produits phytosanitaires dans l’agriculture en général.
« Au global les objectifs du plan Ecophyto sont loin d’être atteints et il faut constater l’échec d’une politique (140 millions € par an) – basée sur la seule auto-régulation des filières agricoles par le biais d’une formation (3) qui ne change pas les pratiques », constate la FNAB.
Des mesures insuffisantes pour protéger le vin bio
Pour le vin en particulier, si la FNAB reconnaît l’utilité de la mise en place d’une LMR (Limite Maximale de Résidus) « sur les vins et pas seulement sur le raisin » comme un élément de ce dispositif de contrôle, elle affirme que ce n’est pas suffisant :
« Une LMR reste un seuil arbitraire de tolérance des pesticides qui ne tient pas compte de « l’effet cocktail » des molécules à faible dose et des spécificités des perturbateurs endocriniens non liés à un effet seuil ».
Le vin bio en forte croissance en France
La croissance du vin bio se poursuit à deux chiffres en 2012 : + 15 %.
La surface viticole bio a quasiment triplé en 5 ans en France :
- 22 500 ha en 2007
- 64800 ha en 2012
Elle est en lien avec l’évolution du marché des vins bio français : + 150 % en 5 ans, sur la période 2007-2011, soit 249 M€ à 359 M€.
La compétitivité de la filière viticole française passe bien par le changement des pratiques de production moins polluantes et plus respectueuse de la nature, comme le montre l’évolution positive de demande intérieure mais aussi celle des consommateurs étrangers.
Une taxe sur les pesticides, une solution ?
La FNAB voudrait qu’on fasse la promotion de la viticulture et de l’agriculture biologiques, à l’aide d’une taxe significative sur les produits phytosanitaires.
En attendant, c’est une augmentation de 30 millions d’euros de la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) a été décidée (encore une ! !).
- Selon l’Institut Français de l’Environnement (IFEN), 36 % des rivières françaises comportent des pesticides à un niveau de seuil considéré comme « mauvais ». Et plus de 90 % des rivières françaises qui sont polluées.
Les montants collectés devraient prioritairement être utilisés pour des actions de protection de la ressource en eau par l’agriculture biologique.
« Nous verrons bien si cette demande sera inscrite dans les actions du programme Ambition bio 2017 du ministre de l’agriculture », conclue la FNAB, dubitative… A suivre donc !
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(1) Dossier du mois d’octobre 2013 de Que Choisir « Des pesticides dans le vin, nos analyses ». (2) La FNAB représente près de 10 000 paysans bio et de très nombreux viticulteurs bio. (3) Certiphyto, formation obligatoire au 1er octobre 2013 pour les professionnels exerçant dans les secteurs de la distribution, de la prestation de services et du conseil ; et le 1er octobre 2014 pour les professionnels exerçant pour leur propre compte tels que : les agriculteurs et salariés agricoles, les forestiers, les agents des collectivités territoriales.
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