Les actions en justice liées au climat se multiplient à travers le monde. Ce jeudi 24 mai, dix familles européennes mais aussi d’Afrique et du Pacifique, attaquent le Parlement et le Conseil européens pour insuffisance de la politique climat de l’UE. Et c’est une première !
Des familles de nationalités diverses se disant victimes du changement climatique accusent l’Union européenne de ne pas les protéger. Ce jeudi 24 mai, ces citoyens ont donc décidé d’assigner le Parlement et le Conseil européens en justice.
Des familles assignent l’UE en justice
Ce jeudi 24 mai 2018, lors de conférences de presse simultanées à Paris et dans plusieurs capitales étrangères, onze familles européennes, mais aussi des Îles Fidji ou encore du Kenya, ont présenté l’action climatique collective qu’elles engagent auprès du Tribunal de justice de l’Union européenne. Ces citoyens sont les premiers à réaliser une telle assignation devant la justice à l’échelle continentale. Seuls des entreprises ou des États avaient été l’objet de contentieux, mais jamais un groupement de pays.
Fonte des glaciers © Matty Symons
Les plaignants sont soutenus par diverses ONG, ainsi que des juristes et des avocats. Tous accusent le Parlement et le Conseil européens d’échouer à protéger les citoyens face à la menace du réchauffement climatique. En effet, ces familles considèrent les objectifs de l’Union européenne à l’horizon 2030 insuffisants pour garantir les droits fondamentaux à la vie, la santé, l’activité et la propriété des populations, et pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat. Pour rappel, l’UE s’est engagée à baisser d’au moins 40 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990.
Plus de 900 plaintes et recours climatiques déposés ces dix dernières années
Ces familles demandent que soient annulés les trois paquets législatifs, en cours de publication, régulant les quotas d’émissions de CO2, d’une part, les activités non couvertes par le marché carbone (transports, agriculture, bâtiment), d’autre part, et le secteur forestier des Vingt-Huit. L’enjeu pour convaincre la Cour de la recevabilité de l’affaire consiste à prouver, avec des données factuelles, comment ces familles sont directement impactées par le changement climatique.
Par exemple, en Allemagne, l’hôtel-restaurant de la famille Recktenwald, bâti sur une île de la mer du Nord, est menacé par la montée des eaux. La famille Qaloibau, des Fidji, a perdu son restaurant et son bateau lors du cyclone Tomas en 2010, puis ses terres lors du cyclone Xinston en 2016. En France, la famille Feschet qui cultive la lavande dans la Drôme depuis cinq générations, se retrouve avec une production qui n’est plus viable à cause des aléas climatiques qui se succèdent années après années depuis une quinzaine d’années.
La culture de la lavande dans la Drôme de moins en moins viable à cause du dérèglement climatique © Photo-Graphia
Et ces familles peuvent être motivées par de précédentes victoires. Plus de 900 plaintes et recours climatiques ont été déposés dans le monde ces dix dernières années contre des États ou des entreprises, selon le Sabin Center for Climate Change Law(1). En juin 2015, l’association néerlandaise a ainsi réussi à faire condamner l’État pour son inaction climatique. En conséquence, le tribunal a exigé une baisse de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, par rapport à 1990, à horizon 2025. Au Pakistan, un paysan a eu recours à la Haute Cour de Justice, qui a imposé au gouvernement la mise en place d’un conseil climatique qui doit se réunir tous les six mois.
Illustration bannière : Assèchement des sols – © Piyaset