Dire la vérité sur le changement climatique continue à déranger. Pourtant les dernières nouvelles incitent à être encore plus clair.
Pour paraphraser le titre du célèbre documentaire de l’ancien vice-président américain Al Gore, le climat n’a pas fini d’être une « vérité qui dérange ». Et pourtant, on doit affronter cette réalité en mâchant moins que jamais nos mots (ou maux ?).
Le ‘cancer climatique’
Au vu des dernières données climatiques, l’année 2017 a battu de nouveaux records de températures, ce qui en fait la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée, mais aussi la première la plus chaude dans les océans.
En effet, les chercheurs ont constaté que la surface des eaux océaniques (jusqu’à une profondeur de 2.000 mètres) était beaucoup plus chaude en 2017 que l’année la plus chaude jamais enregistrée. Les océans ont ainsi emmagasiné un surplus d’énergie record de (1,51 × 1022 Joules de plus que toute autre année). À titre de comparaison, cette augmentation de la chaleur (et donc énergie) dans l’océan est l’équivalent de 600 fois la production annuelle d’électricité en Chine !
L’image d’une cocotte minute vient immédiatement à l’esprit. Le penseur américain Seth Godin estime que l’on devrait plutôt parler de « cancer climatique » pour permettre à tout un chacun de mesurer l’ampleur du problème que nous créons. Il souligne que les termes « changement » et « réchauffement » peuvent être perçus positivement.
Or, égrener chaque année une litanie de chiffres, de records de températures ne semble pas suffire. Tout comme l’apparente succession de catastrophes naturelles, trop éparses de par le globe pour pouvoir être agrégée par tout un chacun en un message direct et clair quant à ses choix individuels, et par chaque nation quant à ses choix énergétiques et environnementaux.

Le constat est posé, les choix ne sont pas encore faits
Si, en France du moins, le constat des changements climatiques est largement fait, c’est loin d’être le cas partout. Mais, partout, ce sont les choix de politique publique qui sont à la traîne. Or, là aussi il va falloir parler clairement ensemble. L’ampleur des changements requis pour rester en dessous de 2°C de réchauffement global d’ici la fin du siècle (sans parler de 1,5°C) s’avère insurmontable.

© Vectomart
Des questions difficiles ne sont pas discutées suffisamment sur la place publique, même si elles émergent, par exemple avec l’interdiction de l’exploitation des carburants fossiles annoncée par le gouvernement :
- Quand interdira-t-on l’usage des carburants fossiles en France, en Europe ?
- Veut-on faciliter les technologies de stockage ou d’absorption des gaz à effet de serre, et comment ?
- Quand remplacera-t-on les indicateurs macroéconomiques qui ne tiennent pas compte de l’impact sur l’environnement et sur le climat ?
- Comment rendre l’Europe responsable non seulement des émissions qu’elle produit sur son territoire, mais aussi des émissions qu’elle importe, c’est-à-dire celles qu’elle n’émet plus chez nous parce que délocalisées en Chine ou ailleurs, comme l’est notre industrie ?
- Y a-t-il des solutions de géo-ingénierie qui pourraient être admissibles et cultivées ?
- Est-on prêt à limiter les transports aériens, à taxer le kérosène au niveau international ? Au-delà du rejet de Notre-Dame-des-Landes, est-on prêt à exiger que les aéroports locaux taxent plus agressivement les companies low-cost ?
- Au-delà des frustrations sur la méthode de Mme Hidalgo à Paris, comment fait-on pour accélérer le passage à une mobilité zéro-carbone partout, sans pour autant créer d’injustices ?
Toutes ces interrogations, et bien d’autres, nécessitent un débat sociétal bien plus intense que celui qui peut être constaté à présent. C’est une question existentielle.
Illustration bannière : Les températures enregistrées sont de plus chaudes © ParabolStudio