Jugaad est un mot hindi que l’on pourrait traduire par « débrouillardise » ou « bidouillage ». Il incarne ce qu’on appelle la voie indienne en matière de business, autrement dit, le fait de savoir se débrouiller et trouver des solutions dans des conditions hostiles. En français, on parle plutôt d’innovation frugale.
L’Inde et les pays émergents comme modèle
Et si l’innovation n’était pas qu’une question de budget pharaoniques ? Dans son étude sur l’innovation en France publiée en octobre 2013, le cabinet de conseil Booz&Coles rend compte du fait que les gros investissements en Recherche et Développement des entreprises génèrent relativement peu de résultats en termes de nouveaux produits innovants, de brevets et de croissance.
Ce n’est donc pas faute de moyens qu’on innove moins. Ce serait plutôt le modèle d’innovation qui ne serait plus adapté au contexte actuel.
En effet, d’après le cabinet, la culture de l’innovation des entreprises françaises se caractérise par une volonté des entreprises avant tout de pousser leurs technologies sur les marchés, quitte à ce que le produit ne corresponde pas aux réels besoins du marché.
Autre point faible de l’innovation à la française : des lacunes en termes de culture de l’innovation. Si les idées sont bien là, la culture entrepreneuriale au sein même de l’entreprise fait parfois défaut. Enfin, les entreprises ne s’ouvrent pas assez aux autres entreprises, petites et grandes, mais aussi se connecter aux pôles d’innovation dans le monde.
Car d’autres pays, notamment les pays émergents, sont une source presque intarissable d’inspiration.
Alors que la France et les autres pays de l’Occident peinent dans ce contexte de crise mondiale, les BRICS, eux, affichent toujours un taux de croissance de 6 à 10 %
Leur secret ? Une vision tout autre de l’innovation.
Véhicule fonctionnant avec un moteur construit à partir d’une pompe à eau agricole
Dotés d’un esprit très « système D », les entrepreneurs en Inde – mais aussi en Chine, au Brésil ou en Afrique – parviennent à transformer les contraintes en opportunités et à «faire plus avec moins». C’est cette approche que l’on nomme « Jugaad » ou encore innovation frugale, un concept proche de la résilience. Cette démarche vise à trouver des solutions radicalement nouvelles, mais qui savent aussi être économes en matières premières et en énergie.
En résumé, le Jugaad vise à innover avec des idées peu coûteuses mais surtout très astucieuses. C’est la capacité d’improviser une solution efficace face à un problème, dans un contexte où les ressources sont limitées et les contraintes nombreuses. Soit exactement ce que vit l’Inde.
L’Inde, berceau du Jugaad
Selon Navi Radjou, consultant en stratégie dans la Silicon Valey, spécialiste de l’innovation et co-auteur du livre « L’Innovation Jugaad. Redevenons ingénieux ! », l’Inde réunit ce qu’il identifie comme les 4 facteurs propices au Jugaad à savoir :
Navi Radjou. CC : World Economic Forum
- la rareté, qui concerne notamment les ressources, les infrastructures, les services, etc.
- la liberté puisque l’Inde est un pays démocratique doté d’une société civile forte
- la diversité ; l’Inde est un grand pays plein de contrastes. Les conditions géographiques sont très différentes d’une région à l’autre, la culture aussi est aussi diversifiée. Il n’est donc pas possible de fournir en Inde un produit standard, car les besoins sont spécifiques.
- l’interconnectivité ; les Indiens sont hyperconnectés car si 600 millions d’individus n’ont pas de compte bancaire, 800 millions possèdent en revanche un téléphone portable. L’interconnectivité est le moyen de pallier la rareté des ressources.
Le Jugaad souffle sur de nombreux pays émergents. Les Brésiliens appellent l’innovation frugale jeitinho. Les Chinois la désignent par zizhu chuangxin. Quant aux Kenyans, ils s’y réfèrent en parlant de jua kali.
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suite > un principe adaptable à l’Occident