L’été 2015 a vu se renforcer la législation contre l’obsolescence programmée. Face à des peines toujours plus lourdes, rares sont pourtant les entreprises condamnées pour de tels procédés. C’est donc aux consommateurs de prendre leurs dispositions, notamment en privilégiant la qualité et la réparation de leurs biens.
L’obsolescence programmée fait référence aux techniques mises en oeuvre par les fabricants de biens de consommation pour nous inciter à réduire leur durée de vie et nous inciter à la remplacer par une version plus récente.
Ce phénomène a pris de l’ampleur au cours des trois dernières décennies avec l’accélération des progrès technologiques et l’utilisation par les entreprises d’effets de mode pour pousser les consommateurs à toujours acheter les dernières versions de leurs produits. Les efforts législatifs s’avèrent insuffisants pour faire reculer le phénomène.
Obsolescence programmée : où en est la loi ?
L’obsolescence programmée n’est pas un concept inconnu des Français. Selon 60 millions de consommateurs, ils sont même 92 % à être convaincus que les produits high tech et électroménagers sont volontairement conçus pour ne pas durer.(3)
En France, la première proposition de loi date du 18 mars 2013. Cette initiative d’Europe Ecologie Les Verts s’est finalement fondue dans le projet de loi sur la transition énergétique qui a été adopté le 22 juillet 2015.
L’obsolescence est devenue officiellement un délit, entrainant jusqu’à deux ans d’emprisonnement, 300.000 euros d’amende pour un individu et 5 % de son chiffre d’affaire annuel pour une entreprise. Ce qui apparaît comme une grande avancée sur le papier cache une application extrêmement complexe comme nous vous l’expliquions en août dernier.
Pour Laetitia Vasseur, présidente de l’association Halte à l’obsolescence programmée, cette loi est très forte symboliquement car elle reconnaît officiellement l’existence du phénomène : « On ne peut plus dire que c’est un mythe, et ça, c’est une grande avancée. » C’est ce qui a entraîné la création de cette association afin de sensibiliser et fédérer les citoyens pour faire pression sur les pouvoirs publics.
Une pièce cassée ? Il faut tout changer…
Son but est de rencontrer des réparateurs et des lanceurs d’alerte au sein des entreprises pour faire appliquer la loi au mieux. En parallèle l’association a créé deux sites, l’un pour aider les consommateurs à réparer leurs produits, l’autre pour identifier les marques et les produits de mauvaise qualité.
C’est en permettant aux citoyens de prendre conscience du problème et en leur offrant les outils nécessaires que la lutte contre l’obsolescence programmée peut jouer un rôle. Mais elle ne suffit pas pour empêcher la mise sur le marché de produits conçus pour être remplacés rapidement.
NPM, ou quand le secteur privé prend le relais de la loi contre l’obsolescence programmée
Depuis 1987, Nord Pièces Ménager (NPM) fonctionne sur un crédo simple : pourquoi jeter quand on peut réparer ? D’abord destinée aux professionnels de l’électroménager, l’entreprise s’est ouverte aux particuliers à la fin des années 1990 face à la demande croissante de pièces détachées. Aujourd’hui, Frédéric Foulon, son directeur, constate que son crédo « réparer pour moins jeter » est de plus en plus populaire.
« Les politiques ne vont pas sur le terrain : le principe de la loi sur l’obsolescence programmée est bon, mais dans la pratique, c’est bien plus efficace de proposer des pièces détachées pour inciter les gens à réparer leurs machines eux-mêmes » explique Frédéric Foulon.
Le principe de la loi sur l’obsolescence programmée est bon, mais dans la pratique, c’est bien plus efficace de proposer des pièces détachées pour inciter les gens à réparer leurs machines eux-mêmes.
Frédéric Foulon, directeur, NPM
Même si son entreprise n’est pas née dans cette optique, il entend bien profiter de la reconnaissance de l’obsolescence programmée pour mettre en avant son commerce. Reconnaissant « ne pas être écolo dans l’âme », il s’indigne pourtant de voir les marchés envahis de produits jetables : « Quand je vois tous les déchets électroménagers qui sont envoyés à l’autre bout de monde, ça me touche, je me dis que mon travail peut servir à éviter ce genre de dérives. »
Si la plupart des ses clients sont surtout mus par une volonté de faire des économies plutôt que par une conscience écologique, Frédéric Foulon observe un changement des mentalités qui va dans le bon sens. Le fond du problème, selon lui, vient bien du comportement des consommateurs : « Si l’on continue à acheter des produits de mauvaise qualité qui ne sont pas fait pour durer, les choses ne changeront pas. »
Info-service :
L’association HOP organise le 23 janvier une journée de sensibilisation aux dangers de l’obsolescence programmée à la Recyclerie, dans le 18ème arrondissement de Paris. Vous pouvez trouver les détails sur l’événement Facebook.
L’obsolescence programmée, elle, a la vie dure
Si on sait raccourcir sciemment la durée de vie des biens de consommation courante, il semblerait que le concept même d’obsolescence programmée ait la vie dure.
L’un des premiers théoriciens de l’obsolescence programmée est Bernard London. Dans un article de 1932, il présentait l’obsolescence programmée comme un moyen de sortir de la dépression économique.(4)
En réduisant la durée de vie des produits des entreprises, on oblige ainsi les ménages à augmenter leur consommation pour relancer l’économie. On cite souvent l’exemple des machines à laver pour illustrer ce phénomène d’obsolescence programmée : dans les années 1950, celles-ci étaient faites pour résister plusieurs décennies alors qu’elles ne survivent plus que quelques années de nos jours.
Depuis le processus s’est généralisé jusqu’à en devenir un outil de profit pour les entreprises qui multiplient les nouveaux modèles à l’image de l’iPhone d’Apple.
Un gaspillage insoutenable pour la planète
Outre l’aspect économique, l’obsolescence programmée pose un problème écologique de premier ordre. Chaque année, un Français jette entre 16 et 20 kg de déchets électriques, électroniques et électroménagers. L’empreinte écologique d’un tel gaspillage est d’autant plus forte que les métaux qui sont les composantes de ces objets sont souvent extrêmement toxiques.
Un gaspillage qui n’a aucune raison d’être selon le philosophe Jean-Claude Michéa. Nos connaissances technologiques sont largement suffisantes pour améliorer la durée de vie de nos objets. Il prend l’exemple de l’ampoule centenaire de Livermore qui brille depuis 1901 dans une caserne de pompier californienne. Devenu un symbole, cette ampoule serait selon lui le témoin de la volonté des grands industriels de réduire la durée de vie de ce genre de produits.