Lassitude ou sentiment de culpabilité face à l’emprisonnement de Bubulle : vous pourriez être tentés, après quelques mois à regarder votre poisson rouge tourner en rond, de le relâcher dans les eaux vives d’une rivière. Mais lui redonner la joie de la liberté et des grands espaces n’est pas une si bonne idée !
En effet, le poisson rouge, ou Carassius auratus, aussi placide qu’il n’y paraît, cache bien son jeu : il représente un véritable danger pour l’écosystème de nos rivières. Non seulement relâcher son poisson est interdit par l’article 521-1 du Code pénal, mais en plus, cela peut nuire à l’environnement !
Le poisson rouge, un omnivore qui détruit l’écosystème
Le poisson rouge n’a pas d’estomac. Ses intestins filtrent directement la nourriture qu’il ingère. Résultat : il a tout le temps faim et cherche constamment de la nourriture. D’ailleurs, dans son bocal, il mange même ses propres excréments, sous vos yeux incrédules.
Mais une fois rendu à la rivière – ou pire dans un étang, une mare ou un lac, même loin de son bocal désormais oublié, s’il ne se fait pas dévorer rapidement, votre Bubulle va continuer le même petit manège en fouillant le sol. Ce faisant, il remue les sédiments, ce qui perturbe l’écosystème, et peut même déraciner certaines plantes.
De plus, les poissons rouges sont omnivores. Hors de l’aquarium, le cyprin doré, comme on l’appelle aussi, découvre tout un tas de choses à avaler : des plantes bien-sûr, mais aussi des oeufs de poissons et des larves d’amphibiens ou d’insectes.
Relâcher un poisson dans une rivière, c’est mettre les écosystèmes en danger ! © Kagai19927
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Une espèce invasive
Le poisson rouge se reproduit extrêmement vite. Et pour ne rien arranger, il n’hésite pas à s’accoupler avec d’autres espèces de poissons. Alors un poisson qui mange quelques oeufs, détruit quelques plantes et remue un peu le sol, passe encore, mais avec toute une armée de descendants, cela commence vraiment à poser problème !
De plus, comme ils viennent d’un milieu apprivoisé, les poissons rouges rejetés dans les rivières risquent de transmettre des maladies rares et des parasites contre lesquels les autres espèces ne sont pas préparées biologiquement, et qui leur sont donc souvent fatal.
Des monstres en puissance ?
En Australie, le problème prend des proportions énormes. Dans la Vasse River, au sud-ouest du pays, des pêcheurs ont capturé des poissons mesurant jusqu’à 40 centimètres et pouvant peser deux kilos.
Ce phénomène est dû aux conditions exceptionnelles du milieu où vivent ces poissons, et ne devrait pas se produire en Europe. Les cousins australiens de nos poissons rouges nagent en effet dans des eaux supérieures à 30°C ce qui accélère leur croissance. De plus, la Vasse River longe des terres agricoles, qui fournissent aux poissons des nutriments en abondance.
Même genre de problème dans un étang au Canada (Ontario)
Des nageurs longue distance
Face à la reproduction invasive des poissons rouges, des chercheurs australiens de l’Université Murdoch ont étudié leurs migrations et leur rythme de vie. Ils se sont concentrés sur 15 poissons, qui avaient été relâchés.
Selon les résultats de l’étude publiés en 2016 dans la revue Ecology of Freshwater Fish(1), ces poissons ont adopté un rythme saisonnier. Lorsqu’ils se reproduisent, ils se dirigent vers des eaux plus calmes qui se trouvent souvent à de très longues distances : l’un des poissons a même nagé 230 km en un an.
Ainsi, non seulement le Carassius auratus détruit son milieu et se reproduit de manière invasive, mais il est en plus capable de coloniser de nouvelles régions. Les chercheurs auteurs de l’étude tentent donc d’imaginer un moyen de limiter ces déplacements au maximum, pour pouvoir contrôler le développement de l’espèce.
Pas de bocal pour le poisson rouge : il lui faut au minimum 200 litres d’eau pour être heureux ! © satit_srihin
Mais pour limiter la prolifération des poissons rouges en eaux vives, le meilleur conseil est encore de les garder chez vous, dans un aquarium assez grand pour qu’il s’y sente bien (un poisson rouge dans un bocal équivaut à de la maltraitance). Si c’est impossible, voyez avec un aquarium ou une association de protection des animaux qui saura vous conseiller.
Article republié
Illustration bannière : Bubulle, le poisson rouge se fait la malle !- © Mikael Damkier