Été 2015, une équipe de chercheurs russes localise plusieurs cratères de 80 mètres de diamètre dans la région de Yamal, en Sibérie. Ces cratères seraient le résultat direct du réchauffement climatique, la hausse des températures entraînant un dégel inhabituel du permafrost, ou pergélisol, ce sol sensé rester gelé en permanence, et libérant le méthane emprisonné jusque là dans la glace. Le risque d’un emballement du phénomène du réchauffement climatique est réel.
Des explosions de méthane dans le nord de la Russie
Les trous constatés par les chercheurs russes seraient le résultat d’explosions souterraines de gaz, dont le méthane. Pour l’équipe de chercheurs, cette découverte ne serait que le début de découvertes semblables à venir.
Les conséquences pour cette région du globe sont majeures, tant pour la sécurité des personnes dont les habitations menacent de s’écrouler si ce phénomène se poursuit, que pour la vie économique locale, si les voies de transports ne sont plus accessibles. Les éleveurs de rennes voient déjà leurs routes de transhumance disparaître avec la fonte du permafrost et des hivers trop doux qui ne permettent pas qu’une croûte de glace suffisamment solide se forme pour permettre le passage des rennes.
Maisons s’écroulent avec la fonte du permafrost © Pi-Lens / Shutterstock.com – maisons permafrost
Au-delà des conséquences régionales, un risque d’emballement du climat
Le méthane est un gaz à effet de serre puissant, 25 fois plus important que le CO2, et les activités humaines ont comme conséquence une augmentation de la quantité de ce gaz dans l’atmosphère.
Or, cette libération de méthane fait peser une incertitude forte sur l’accélération du réchauffement climatique, par des boucles de rétroaction dites positives, car se renforçant mutuellement. Pour dire les choses plus simplement : nous entrons dans un cercle vicieux, c’est-à-dire d’amplification du phénomène observé par la répétition de l’action.
Dans le cas présent, le réchauffement climatique entraîne la fonte du pergélisol avec comme conséquence la libération du méthane qui à son tour accélère le rythme du réchauffement climatique, accélérant d’autant plus la fonte du permafrost et la libération massive du méthane, etc.
Le pergélisol désigne la partie d’un sol gelé en permanence, au moins pendant deux ans, et de ce fait imperméable. Ses formations, sa persistance ou disparition, et son épaisseur sont très étroitement liées aux changements climatiques.
Un risque encore mal mesuré
Le méthane, tout comme le CO2, est présent naturellement sur notre planète. Mais, à l’inverse du CO2, son cycle et ses interactions avec les différents éléments de notre planète (le sous-sol, la biomasse, l’atmosphère) sont encore mal compris, mais tout à fait inquiétants.
Il est en effet certain que les activités humaines entraînent un déséquilibre de ce cycle naturel en libérant une quantité de méthane en surplus. La quantité de méthane dans l’atmosphère a augmenté de plus de 150 % depuis la révolution industrielle.
Les cratères dans le pergélisol dus aux explosions de gaz, dont le méthane.
Pour mieux évaluer les interactions entre le méthane et les autres éléments de la planète et son impact sur le réchauffement, l’Académie des Technologies a fait le point sur les connaissances actuelles(2) car si le GIEC a intégré les émissions de méthane dans son dernier rapport les boucles de rétroactions possibles ne sont à ce jour pas prises en compte dans les différents scénarios.
Les rétractions associées au dégel du pergélisol pourraient intervenir sur l’échelle du siècle. Si la fonte du pergélisol est relativement certaine au-dessus d’un seuil de réchauffement climatique dont tout laisse à penser qu’il risque d’être atteint, sa vitesse et la quantité de carbone qui sera émise, en particulier sous forme de méthane, restent très difficiles à évaluer.
Académie des Technologies, janvier 2015
Jusqu’à 70 % de permafrost pourrait disparaître, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme
Selon les scientifiques, les zones de sol gelé couvrent environ 25 % des terres de l’hémisphère Nord, allant de Amérique du Nord en passant par la Sibérie. D’ici à la fin du siècle, les zones couvertes par le pergélisol devraient diminuer de 30 à 70 %, selon le volume des émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines. Si la communauté internationale parvient à se fixer des objectifs permettant de limiter la hausse du réchauffement à 2°C, les chercheurs prédisent dans les scénarios optimistes une perte de 30 % du permafrost. Mais cette proportion pourrait grimper à 70 % dans les scénarios les plus pessimistes.
Dans la prestigieuse revue scientifique Nature, en avril de cette année(3), le bilan dressé par les scientifiques est pour le moins alarmant et souligne le risque d’emballement.
Selon Susan Natali, chercheuse du Woods Hole Research Center et coauteur des travaux publiés par Nature : « Il y a 1.500 milliards de tonnes de gaz à effet de serre gelé et emprisonné dans le permafrost. Le volume de CO2 accumulé depuis plusieurs milliers d’années dans les terres du permafrost est environ deux fois plus important que celui présent dans l’atmosphère (…) Selon nos estimations, 130 à 160 gigatonnes de gaz à effet de serre pourraient être libérées dans l’atmosphère d’ici à 2100 » du fait de ce dégel.