Locataires : le scandale des compléments de loyer abusifs

Un propriétaire peut, dans certains cas, appliquer un complément de loyer en plus du loyer initial payé par le locataire. Un supplément qui permet de se substituer à la loi sur l’encadrement des loyers et qui n’est, malheureusement, pas toujours justifié. Dans quels cas cette pratique est-elle interdite ? Dès lors, comment contester un complément de loyer ?

Rédigé par Cecile, le 27 Mar 2023, à 11 h 26 min
Locataires : le scandale des compléments de loyer abusifs
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Dans de nombreuses villes françaises (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Montpellier, etc.), les propriétaires sont tenus de respecter un plafond de loyer lorsqu’ils louent leur logement, conformément à l’encadrement des loyers. Des plafonds qui sont fixés chaque année par arrêté préfectoral et qui s’appliquent uniquement aux baux qui respectent la loi du 6 juillet 1989, à savoir les logements nus ou meublés utilisés comme résidence principale du locataire. Ce plafond varie en fonction de quatre critères : le quartier, le type de location (meublée ou non), le nombre de pièces et la date de construction de l’immeuble. Il demeure toutefois possible de louer un bien immobilier au-delà du loyer de base autorisé, grâce au complément de loyer.

À quoi sert un complément de loyer ?

Sorte d’exception aux plafonds de loyer prévus par la loi, le complément de loyer offre ainsi une certaine flexibilité aux propriétaires. Ces derniers peuvent demander un supplément de loyer si ils estiment que leur logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort justifiant un tarif supérieur à celui des autres logements loués, dans une même zone géographique. Ainsi, le complément de loyer permet au bailleur de fixer un loyer plus élevé que le loyer de référence majoré.

Pour qu’un complément de loyer soit valide, trois conditions doivent être remplies. Tout d’abord, le logement doit posséder des caractéristiques de localisation ou de confort qui le distinguent positivement des autres logements du secteur. Le propriétaire doit ensuite préciser dans l’annonce de location le montant du loyer de base (plafond de loyer multiplié par la surface habitable) ainsi que le complément de loyer éventuel qu’il applique. Enfin, dans le contrat de location, le propriétaire doit justifier les éléments qui fondent son complément de loyer (par exemple : vue exceptionnelle, terrasse, etc.).

À quoi sert un complément de loyer ?

Des compléments utilisés pour contourner la loi sur l’encadrement des loyers

Problème : ni loi Alur ni la loi Elan ne détaillent suffisamment les motifs autorisant un complément de loyer, ce qui ouvre alors la porte à de nombreux abus. Même si le locataire dispose de trois mois après l’entrée dans les lieux pour contester un complément de loyer qu’il jugerait injustifié ; dans les faits, ces contestations sont rares, les locataires acceptant généralement le montant demandé en fonction des prix du marché.

Depuis l’été 2022, de nombreux compléments de loyers injustifiés ont vu le jour dans toutes les villes où les loyers sont réglementés. Paris est particulièrement touchée par ce phénomène, comme l’a remarqué Sophie Morvan, juriste assurant les permanences de l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL). Comme elle le rapporte à France Info, de nombreux propriétaires justifieraient souvent les loyers majorés par la présence d’une cuisine équipée, d’un balcon filant ou d’une cave, alors que ces caractéristiques ne sont pas forcément « exceptionnelles ». Il y a quelques mois, un propriétaire aurait ainsi demandé un complément de 550 euros, soit plus de 30 % du montant initial du loyer hors charges, pour un logement situé à proximité des commerces et du métro à Paris.

Comment justifier un loyer majoré ?

L’expression « caractéristiques de localisation ou de confort » utilisée pour justifier un complément de loyer étant très vague, les propriétaires ont donc en quelque sorte le champ libre pour justifier un supplément. Dans la version initiale de la loi Alur à l’origine de l’encadrement des loyers, ces caractéristiques étaient qualifiées d’« exceptionnelles », mais le Conseil constitutionnel a finalement supprimé ce terme, rendant la loi encore plus difficile à interpréter. En revanche, l’esprit de la loi reste le même : le logement doit se distinguer positivement des autres logements du quartier.

À noter que les compléments de loyer visent majoritairement les petites surfaces, les plus grands biens étant généralement moins impactés par l’encadrement des loyers que les petits logements.

Des compléments utilisés pour contourner la loi sur l'encadrement des loyers

Une terrasse justifie-t-elle un complément de loyer ?

La loi étant donc peu précise quant aux caractéristiques permettant légalement d’exiger un complément de loyer, une liste non exhaustive de ces caractéristiques, avec des tarifs correspondants, serait ainsi souhaitable. En effet, si une vue imprenable sur la Tour Eiffel à Paris peut donner lieu à un supplément de loyer, comment en estimer le montant ?

Les contestations de compléments de loyer sont souvent résolues par la commission de conciliation, dont les décisions ne sont pas publiques et n’ont pas force de loi. Cette commission a toutefois déjà reconnu qu’une terrasse, une cave, un parking ou un logement meublé contenant des équipements plus luxueux que la moyenne peuvent a priori justifier un complément de loyer.

Comment contester un complément de loyer ?

La loi a toutefois été précisée à l’été 2022, de manière à interdire certains cas de complément de loyer estimés abusifs. Ainsi, si un logement présente des caractéristiques telles que des sanitaires sur le palier, des signes d’humidité sur certains murs, un mauvais niveau de performance énergétique (classe F ou G), des fenêtres qui laissent anormalement passer l’air, un vis-à-vis à moins de dix mètres, des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur, des problèmes d’évacuation d’eau récents, une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale, aucun complément de loyer ne peut être appliqué.

Rappelons également qu’un complément de loyer ne peut pas être appliqué pour des éléments déjà pris en compte dans la détermination du plafond de loyer ou des charges récupérables.

Enfin, si le locataire n’est pas d’accord avec le complément de loyer, il a la possibilité de le contester même après avoir signé le bail. La loi Alur, complétée en 2018 par la loi Elan, prévoit la procédure à suivre. La démarche doit impérativement être effectuée dans les trois mois suivant la signature du bail, durant lesquels le locataire doit saisir la commission départementale de conciliation. Cette procédure est simple et gratuite : il suffit d’envoyer une lettre à la commission de conciliation, un service de la Préfecture dont les coordonnées sont facilement accessibles sur Internet. Le courrier doit préciser les coordonnées du locataire ainsi que celles du bailleur et exposer les motifs du litige.

Comment contester un complément de loyer ?

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1 commentaire Donnez votre avis
  1. Tous ces « avantages » sont déjà inclus dans le prix initial des loyers, arrêtons cette hypocrisie ! Une fois de plus, une loi totalement inutile et en faveur des propriétaires pour contourner allègrement les dispositions de réglementation des loyers mises en place !

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