La chasse, en France, a toujours eu du poids dans les politiques publiques mais aussi dans la société civile. Mais le lobby de la chasse commence désormais à avoir bien plus d’influence.
La gestion cynégétique (qui a rapport à la gestion des populations d’animaux sauvage à travers la chasse) est un sujet toujours houleux. Il l’est cependant de plus en plus avec bon nombre de non-sens notamment avec l’utilisation de fonds publics.
Un contexte favorable pour le lobby de la chasse : des preuves scandaleuses dans les régions
226.000 euros, c’est le cadeau fait par le Conseil Général des Hauts-de-France, en présence de Xavier Bertrand, à la fédération des chasseurs de la région(1). L’objectif ? Un radar ornithologique pour « une science au service d’une chasse durable » pour lequel même les services techniques ont émis des objections.
Chasseurs de gibier volant © Steve Ikeguchi
On imagine aisément à quoi peut servir un tel radar, ce qui est plus compliqué à saisir c’est pourquoi des fonds publics ont pu servir à payer un tel radar à une société de chasse. Quand on voit la difficulté pour les protecteurs de l’environnement à lever des fonds pour réaliser des études, suivis ou encore de simples sentiers d’interprétations, la question se pose sans détours.
Sauf qu’en Normandie, elle ne se pose même pas. Ce sont les chasseurs qui doivent s’occuper du suivi des oiseaux migrateurs. Et si ces mêmes chasseurs ne suivent que les oiseaux chassables (véridique), cela n’empêche en rien un but scientifique et justifie (sic) largement que ce soit eux plutôt que des structures naturalistes(2)… On imagine mal qu’un bureau d’étude en environnement sera toujours moins compétent qu’un chasseur de « loisir ».
Le chasseur français
Ce sont 1.150.000 personnes qui chassent en France pour un secteur économique qui représente 2,5 milliards d’euros annuels… Pas étonnant que le lobby ait du poids. Il est cependant plus compliqué de définir combien de millions de français ne sont pas adeptes de la pratique.
59 % des chasseurs possèdent leur propre fusil, 53 % d’entre eux ont plus de 55 ans et 20 % d’entre eux chassent les oiseaux migrateurs. Chaque année ce sont des dizaines de milliers de tonnes de maïs données à manger aux animaux en pleine forêt, mais aussi 6.000 tonnes de plomb, résidus des cartouches, qui y est déversé.
Alors que les chasseurs se demandent encore s’ils sont ou non les premiers écologistes de France, une chose est sûre et certaine, ils sont les canards boiteux de l’Europe : Nous sommes le pays d’Europe où il y a le plus d’espèces chassables, 89 en tout.
Les chasseurs français tirent des espèces en danger qui sont protégées aussi chez nos voisins que chez nous.
Les joies de l’agrainage
La pratique de l’agrainage est simple. Il s’agit de nourrir les animaux sauvages dans la nature. Les raisons de l’utilisation de cette pratique sont multiples et vont du besoin d’attirer des animaux sur des places de tirs (souvent sanglier et cervidés) à celle de les concentrer à un endroit précis pour éviter qu’ils causent des dégâts ailleurs.
Sanglier et ses marcassins © Budimir Jevtic
Dans les faits, quelle que soit les objectifs de l’agrainage, les dérives sont colossales. Des dizaines de milliers de tonnes de maïs sont déversées en forêt chaque année sans que l’on se pose la question de l’impact du glyphosate qu’elles contiennent mais surtout sans en mesurer l’impact sur les écosystèmes. Si les chasseurs avaient mesuré cet impact, il n’agraineraient plus. Dommage qu’il n’y ait pas de radar pour suivre l’utilité de l’agrainage.
Dans un article très détaillé du blog Défi Écologique, Pierre Rigaux, naturaliste spécialisé dans les mammifères et les oiseaux, fait feu de tout bois contre cette pratique et la gestion générale du sanglier qui nous amène chaque année à en abattre 600.000 sous le motif de « régulation » alors que nous les nourrissons de l’autre côté(3).
Déjà les renards sont abattus chaque année dans les mêmes proportions, à savoir 600.000 individus, sans réellement savoir pourquoi, peut-être serait-il temps d’avoir un débat national contradictoire.
Élever, relâcher, abattre
Quand l’agrainage ne suffit pas, il faut bien trouver une solution, alors pourquoi pas l’élevage. Les chasses en ont bien besoin. Imaginez des personnes de hauts rangs (diplomates, hommes et femmes d’affaires, Présidents, etc.) assis sur des chaises dans la chasse présidentielle de Chambord, fusil à la main. Non content d’avoir ce fusil armé, d’ailleurs, une personne est placée à côté et qui est prête à tendre un autre fusil armé le temps de réarmer le premier… Il serait dommage de rater un tir !
Pour que tout ce beau monde puisse s’occuper dignement donc, il faut bien sûr des élevages de gibier de chasse. En France, cette industrie produit chaque année et pour le plaisir du fusil :
- 14 millions de faisans,
- 5 millions de perdrix grises et rouges,
- 1 million de canards colvert,
- 40.000 lièvres,
- 100.000 lapins de garenne,
- 10.000 cerfs,
- 7.000 daims,
Élevage de faisans © Deyan Georgiev
Mais tout ceci ne suffit pas, les fédérations françaises de chasse importent également des animaux, surtout des pays de l’est qui ne sont pas réputés pour la qualité de leurs élevages. Dans un tel contexte, difficile de comprendre comment on peut en arriver à avoir du mal à contenir la prolifération des sangliers, et pourtant…
Illustration bannière : Chasseur réarmant son fusil – © Scharfsinn