A l’heure où on s’interroge encore en France sur la bonne méthode pour aider les éleveurs tout en protégeant les loups(1), d’autres se rendent compte que restaurer les grands fauves est bénéfique à l’écosystème(2). Si on a beaucoup parlé de l’intelligence du chien, et de la relation qu’il entretient avec l’homme, qu’en est-il du loup : serait-il sous-estimé ? Il semblerait bien selon des études récentes, qui vont même jusqu’à affirmer que le loup… est bien plus qu’un loup pour l’homme.
L’intelligence et les capacités du loup réveillent les fantasmes
Dans Lone Wolf, l’Américaine Jodi Picoult(3) raconte l’histoire romancée de Luke Warren, spécialiste du comportement des loups, qui s’est rendu célèbre en partageant la vie d’une meute pendant près d’un an dans le Grand Nord canadien.
Dans ce livre, la romancière montre Luke en train de manger une carcasse avec des loups en captivité. En voix off, le héros explique que les loups mangent selon un rituel très précis : tel pourcentage de telle partie du corps pour le loup alpha, tel autre pour le loup béta, et ainsi de suite. Il attribue des qualités extra-sensorielles fantastiques aux loups, surtout au loup alpha, toujours une femelle selon lui. Elle peut simuler une grossesse pour contrôler le comportement des autres membres de la meute. Elle sait, avant leur naissance, combien de petits elle mettra bas, leur sexe et s’ils resteront avec la meute ou la quitteront. Elle sent si l’homme en face d’elle est malade, anxieux, en colère. Quand la meute chasse un élan, l’alpha envoie deux loups chasseurs se poster près de l’animal pour percevoir les battements de son coeur et ainsi l’aider à choisir la meilleure proie. Et ainsi de suite.
Le portrait des loups donné dans ce livre a suscité de vives critiques parmi des scientifiques qui travaillent sur les loups. Barbara King, journaliste au Washington Post, souligne le côté invraisemblable et scientifiquement infondé de ces idées(4). Contactée à la publication de son article par l’International Wolf Center, elle en parle avec le Dr. David Mech, biologiste et spécialiste du comportement des loups depuis 1958, qui a notamment vécu auprès d’une meute sur l’Ile d’Ellesmere, au Canada, au cours de 25 étés(5).
Le docteur Mech rejette totalement ces idées de comportement quasi surnaturel
Au sujet du partage rituel de la nourriture, il dit : « Au contraire, les loups sont en compétition pour les meilleurs morceaux. » Le couple alpha, toujours un mâle et une femelle et non une femelle seule, mange les morceaux de choix, puis les autres loups partagent le reste. Quant aux capacités mentales que Jodi Picoult attribue au loup alpha, Mech les rejette en bloc. Les loups ne peuvent pas pressentir quelle maladie porte un être humain, ni lire avec précision leurs émotions, bien qu’ils soient très doués pour lire le langage corporel. D’après lui, exagérer à ce point la réalité ne fait qu’ajouter à la confusion générale concernant les loups et n’aide en rien à comprendre leurs véritables qualités et pouvoirs.