Quand il s’agit de photovoltaïque, la France, comme en d’autres domaines, semble hésiter entre plusieurs modèles. En matière énergétique, c’est ainsi : le champion du nucléaire, hésitant à se dégager, investit dans le solaire photovoltaïque, mais met le pied sur le frein. Après un boom récent, le photovoltaïque, vit-il ses derniers beaux jours avant un coup d’arrêt en 2012 ?
Le solaire, une filière en plein essor, mais …
Encore minuscule en 2009, le solaire photovoltaïque français a explosé pendant 2 ans ; un boom de la filière photovoltaïque dopée par une politique d’achat public de l’énergie solaire très favorable. Mais qui ne va donc pas durer.
Coup de froid sur le photovoltaïque en 2012 – 13
Les chiffres de raccordement du photovoltaïque se sont effondrés, passant de 241 MW au troisième trimestre 2012 à 75 MW au 4ème trimestre, ce qui constituait une sérieuse alerte sur le niveau d’activité de la filière. C’est pourquoi les professionnels attendaient avec impatience la concrétisation des mesures d’urgence promises pour assurer la survie de la filière jusqu’à l’adoption de la loi de programmation sur l’énergie.
Malgré les engagements des pouvoirs publics, l’annonce le 26 mars 2013 d’un nouvel appel d’offres simplifié concernant les installations de 100 à 250 kW, et de l’arrêt prématuré de l’ancienne procédure qui devait assurer la continuité de l’activité des entreprises, se traduit en réalité par, au mieux, 13 mois de suspension d’activité pour les acteurs sur ce segment de marché.
Déjà, l’appel d’offres de 400 MW pour des installations de puissance supérieure à 250 kW, lancé le 13 mars dernier, n’a pas rassuré les professionnels. En effet, les critères de sélection choisis et le mode de notation proposé ne permettent pas d’assurer le niveau de visibilité nécessaire pour envisager des investissements industriels pour les fabricants implantés en France, et d’assurer la qualité des projets développés.
La question des tarifs d’achat de l’électricité
Depuis 2006, des arrêtés successifs ont défini les tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque prévoient une prime aux installations dites « en intégration au bâti », c’est-à-dire celles dont les panneaux photovoltaïques viennent remplacer la couverture et assurent la double fonction de production d’électricité et d’étanchéité (à la différence des installations dites « en surimposition au bâti », où les panneaux sont rapportés à la couverture existante et n’assurent pas la fonction d’étanchéité).
La spécificité française de l’intégré au bâti, unique au monde, a permis l’émergence d’une filière industrielle française d’excellence et un savoir-faire spécifique en matière d’installation des procédés, qui commencent à s’exporter dans la construction neuve partout en Europe, et qu’il convient de préserver et de soutenir. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette technologie pâtit aujourd’hui de certaines contraintes réglementaires, qui pénalisent le développement de la filière et qu’il conviendrait de lever.
Certains acteurs comme Castorama ou bien EDF-ENR en viennent à créer leurs propres primes pour inciter les particuliers à s’équiper.
La croissance du photovoltaïque des années 2008-11
Les capacités photovoltaïques ont été multipliées par 8 depuis 2009, atteignant plus de 1.600 mégawatts crête de puissance installée à la mi-2011.
«Les objectifs du Grenelle de l’environnement pour 2020 (5.400 MWc), on les aura en 2016, et peut-être 2015. On a explosé toutes les prédictions», affirmait alors la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet le 13 octobre en inaugurant la centrale du marché Saint-Charles de Perpignan. Il reste que l’énergie photovoltaïque représente toujours une goutte d’eau (0,4 %, éolien inclus) sur le marché français. Et derrière ce chiffre global se cache une situation inquiétante.
Le portefeuille énergétique français
La production totale nette d’électricité s’élève à 548,8 TWh, soit -0,2 % par rapport à 2005. Elle se répartit en 428,7 TWh nucléaires (78,1 %), 57,1 TWh thermiques classiques (10,4 %), 60,9 TWh hydrauliques (11,1 %) et 2,2 TWh éoliens et photovoltaïque (0,4 %).
En terme de puissance, le parc photovoltaïque raccordé au réseau ERDF métropolitain était de 1,473 GW (1 473 MW) à la fin du premier trimestre 2011.
Le solaire photovoltaïque, malgré sa croissance, ne fournit en juin 2011 de l’électricité qu’à 800.000 Français : c’est beaucoup et peu à la fois
… le boom industriel du solaire est trompeur
Le gouvernement a décidé en mars 2011 de donner un sérieux tour de vis au marché, avec notamment un moratoire sur les tarifs de rachat par EDF pour les grandes installations et des baisses de tarifs pour les petites, au grand mécontentement de la filière. (1)
Ces mesures ont été prises pour alléger le poids de la facture du solaire sur le budget public (soit 1 milliard d’euros par an). (2)
L’élan devrait se poursuivre jusque juin 2012 : en effet, les projets inaugurés d’ici le 9 juin 2012 pourront bénéficier des tarifs d’avant le moratoire, bien plus incitatifs. Bien que les centrales inaugurés commencent à atteindre une échelle industrielle, la filière parle d’un trou d’air et perd déjà des emplois : après un pic de 1.000 MWc installés cette année, le marché devrait chuter à 600 ou 700, malgré des appels d’offres du gouvernement.
Une course contre la montre avant la fin de partie
Le secteur vivra donc d’ici là une course pour livrer les nouvelles centrales avant la date butoir. Les annonces d’inauguration vont donc fleurir ; mais selon Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), cela ne durera pas. Pire, beaucoup d’investisseurs indépendants qui ont fait le pari du photovoltaïque sont d’ores et déjà dans une situation difficile. Certains connaissent même des situations dramatiques : ce sont les plus petites structures qui sont prises à la gorge par un durcissement global de leur condition d’exploitation.
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