Le boom actuel des projets d’installations photovoltaïques risque de n’être qu’un feu de paille. En effet, le récent moratoire change la donne pour les professionnels du solaire comme pour les particuliers. Et pas en bien …
Une filière en voie de concentration et d’éviction des petits acteurs
La tendance du marché va clairement vers une situation de quasi monopole : les petites centrales photovoltaïques auront plus de mal à rester à flot et soit fermeront, soit se vendront.
EDF EN, le Grand du secteur, va progressivement racheter les petites structures en difficulté. Et selon Marc Jedliczka, de l’association Hespul, dans le Journal de l’environnement, tout concourt à l’élimination des indépendants :
« Les coûts de transaction augmentent artificiellement (raccordement au réseau, lourdeur des procédures, assurances avec l’intégration au bâti…) et les projets ne sont plus sécurisés par un dispositif de soutien fiable. Les petites entreprises ne peuvent pas supporter les risques pour les appels d’offres et même les tarifs d’achat deviennent incertains. Du coup, le banquier ne suit plus ». Vous devinez la suite.
Le moratoire aura au final pour effet – que ce soit voulu ou non – de faire place nette pour les très gros acteurs au détriment d’un tissu de PME et d’indépendants qui auraient pu constituer une filière de production solaire plus souple, plus diversifiée, plus ancrée dans la société. Les difficultés actuelles auraient déjà causé la perte de 10.000 à 15.000 emplois De nombreuses petites centrales déjà en difficulté se plaignent en plus de pratiques contestables et pour le moins peu commerciales d’ERDF.
La concentration du secteur photovoltaïque va-t-elle affecter sa compétitivité ?
On considère que la production d’énergie solaire photovoltaïque est compétitive si elle est à parité de prix avec le prix moyen de son marché de référence. En France, en Allemagne, les producteurs nationaux s’améliorent vite mais n’y sont pas encore. (On parle de 2013 ou 2014)
La parité dans l’énergie solaire, c’est quoi ?
La parité réseau est la parité des tarifs ; elles sera atteinte lorsque le prix de l’électricité photovoltaïque égalera celui de l’électricité conventionnelle. La parité devrait être atteinte vers d’ici à 2020 pour l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume Uni. Mais derrière ce Graal se cache une réalité hétérogène : la parité ne sera pas atteinte en même temps pour toutes les installations en Europe.
La parité réseau dépend largement des prix de l’électricité globale de chaque pays, et surtout des tarifs d’achat par les opérateurs historiques, qui subissent tous des révisions à la baisse régulières. Certains spécialistes qu’il faut en plus prendre en compte les coûts annexes des installations, des infrastructures et du réseau électriques. Ainsi, la parité réseau ne serait pas une finalité en soi, mais une étape dans l’intégration du solaire photovoltaïque dans le mix énergétique en Europe et en France
Produire des panneaux moins chers
L’importation de panneaux photovoltaïques asiatiques (japonais, chinois), qui représentent 20 % du marché français en 2010-11 environ, pèse sur les prix. Un grand producteur national serait plus puissant pour produire moins cher dans un marché mondial en surproduction.
Pourtant, dans ce contexte, il n’est pas prouvé qu’un acteur géant ou un oligopole soit plus performant qu’un tissu d’acteurs moyens plus nombreux. Bien au contraire !
- Ainsi, le moratoire, qui se justifie pour des raisons budgétaires nationales évidentes, risque d’être contre-productif à moyen terme en affaiblissant une filière qui va se concentrer allègrement.
- De plus, une autre tendance se dessine sur le marché : la part des panneaux photovoltaïques dans la valeur totale d’une installation solaire diminue, parallèlement au prix des panneaux eux-mêmes. La valeur réside de plus en plus dans la main d’oeuvre locale liée à l’installation. Autrement dit, ne pas favoriser le développement de petits acteurs nationaux sous l’argument du soutien à la production industrielle revient à se tromper stratégiquement de combat.
Il est urgent de redonner un cap sur le long terme
Si on veut un jour sortir du nucléaire, ou tout au moins, moins en dépendre en donnant plus de place à l’énergie solaire, il est urgent de rétablir le cap d’un développement harmonieux.
Sans entrer dans le détail technico-administratif, il faut savoir que certaines personnes qui s’étaient engagées dans un investissement photovoltaïque sont au bord du gouffre : notamment des agriculteurs, des petits industriels ou installateurs (2) Ce ne sont pas les appels d’offre géants du gouvernement, en mal de finances lui aussi, qui sauveront la filière : ceux-ci seront captés par EDF EN et alii.
Particuliers : le photovoltaïque s’écroule également
A l’autre bout de la chaîne, du coté des clients particuliers, c’est également la douche froide.
Bien que EDF annonce la première installation d’une centrale photovoltaïque de 78m² chez un particulier près de Poitiers, (voir la vidéo ci-dessous) le marché s’enlise. Les initiatives d’installation de panneaux photovoltaïques ont drastiquement chuté : selon Barthélémy Ghislain fondateur de Kbane, le grand installateur du Nord de la France partenaire de consoGlobe, le nombre de chantiers a chuté de 80 % après la fin 2010. Il est clair que nonobstant son coût, l’incitation fiscale était encore nécessaire à la croissance du marché.
L’énergie renouvelable stagne en France
La part de l’électricité d’origine renouvelable dans le total de la consommation électrique est plus faible début 2012 que 15 ans plus tôt : 18 % en 1985 contre 14,5 % en 2010. Bien loin de l’objectif européen fixé à la France de 21 % d’électricité renouvelable en 2010. Pour atteindre cet objectif, il faudra bien sûr agir sur la production d’énergie renouvelable mais aussi maîtriser la consommation qui a quadruplé en 40 ans, essentiellement du fait des secteurs tertiaire et résidentiel dont les consommations continuent à augmenter.
C’est d’autant plus dommage que l’énergie solaire reste la préférée des Français, que le nucléaire est sur la sellette, que les Français ne veulent pas de l’éolien (3), que le potentiel hydraulique est déjà utilisé… A priori, la biomasse et le solaire ont un boulevard devant eux.
Et pourtant… si ça continue, on n’aura bientôt plus d’industrie solaire compétitive et on n’achètera que du Chinois.
L’installation de panneaux photovoltaïques par EDF EN :
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(1) Le moratoire prévoit une diminution de 20 % du tarif d’achat qui sera parmi les plus bas du monde (12 centimes d’euro le kilowattheure). Par ailleurs il prévoit un durcissement des conditions pour les pros : les appels d’offre sont désormais obligatoires pour les grandes installations et ainsi qu’une révision trimestrielle du tarif d’achat pour les plus petites.
(2) Répercutée au consommateur via la contribution au service public de l’électricité (CSPE).
(3) Leur investissement est tombé sous le coup du moratoire car il n’a pas accepté la PTF, la proposition technique et financière (PTF) de raccordement au réseau, indispensable pour la mise en service d’une installation photovoltaïque, des gestionnaires de réseau avant le 2 décembre 2010. Beaucoup de ces projets se sont trouvés gelés, ruinant leur promoteur.
(4) On reviendra très bientôt sur le désamour de nos concitoyens pour les éoliennes.