Première destination touristique au monde, la France doit faire face à la concurrence étrangère de plus en plus réactive. Voici les challenges et les mutations d’un secteur qui emploie actuellement deux millions de personnes.
Avec moins de 2 % de son offre touristique consacré à l’écotourisme, la France révèle sans aucun doute un certain retard sur ses voisins d’Europe du nord, plus avisés à intégrer les logiques du développement durable à ce secteur de l’activité. Depuis quelques années pourtant, le phénomène commence, toute proportion gardée, à se propager.
Le tourisme vert en France
Ainsi, quand l’écolabel européen a été étendu aux hébergements touristiques en 2003, la France ne présentait qu’un unique lauréat. « Il y en a désormais une trentaine et la centaine pourrait être atteinte rapidement », estime Pascal Languillon, président de l’association française d’écotourisme et auteur du tout nouveau Guide du Routard du tourisme durable.
« Le phénomène reste toutefois difficilement quantifiable puisqu’il n’existe pas pour le moment d’instance qui arrive à classifier de manière rigoureuse ce qui relève de l’écotourisme, à définir le secteur, son périmètre exact, et à le mesurer », explique Jean-Marie Boucher, pdg de consoGlobe , le portail Internet du développement durable. Difficile à distinguer donc, d’autant qu’un certain nombre de notions voisines telles que tourisme responsable, éthique, équitable etc. brouillent encore un peu plus les pistes.
Entre tendance de société et phénomène de mode
Mais, au fond, ce tourisme à la sauce verte vaut-il vraiment que l’on s’y intéresse ? N’est-il pas qu’un simple
phénomène de mode ?
Pas si sûr… « Il s’agit plutôt d’une tendance de fond qui traverse la société », juge Françoise Riera-Dabo, fondatrice de FRD Conseil, consultante en tendances et stratégie de marque.
Il y a dans la société une prise de conscience du fait que l’on ne peut pas laisser la planète se dégrader. Que si l’on continue comme ça, on va droit dans le mur.
C’est une prise de conscience progressive, diffuse, mais cela va devenir de plus en plus important de la prendre en compte. » « Des enquêtes sur le tourisme à l’horizon 2020-2030 font état d’hypothèses où certaines parties du territoire seraient envahies par les eaux et donc… plus du tout utilisables pour le tourisme », ajoute-t-elle.
Pour le sociologue Jean Viard, directeur de recherches au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et auteur de nombreux ouvrages sur le tourisme, l’écotourisme se situe « entre le phénomène de mode et le phénomène d’angoisse« . « Le secteur est en train d’être saisi par cette logique de développement durable mais il est évident qu’il existe une contradiction entre l’objectif écologique et le tourisme lui-même.
Parcourir des milliers de kilomètres en avion pour aller passer, pour son plaisir, une semaine en Chine, c’est, en soi, tout à fait antiécologique.
Au fond, la meilleure façon de faire de l’écotourisme, c’est encore de rester chez soi ! » « Je crois surtout à de tri des déchets, d’économies d’énergie (…), je pense en revanche que cela va devenir la norme. Cela deviendra même, à terme, une préoccupation excluante et les hôtels qui ne se seront pas adaptés resteront sur le bord de la route. »
« À mon sens, il s’agit d’une tendance de fond qui se transforme en phénomène de mode », considère, pour sa part, Jean-Marie Boucher . « Comme avec toutes les modes, je pense que l’on va voir des choses fleurir, assister à une inflation de l’offre, avec un danger qui est de mettre des étiquettes vertes partout, mais qu’une fois que la mode sera un peu retombée, il en restera quelque chose de solide et de durable. L’offre se sera durablement réorientée vers des produits plus verts, qui auront pris une place croissante dans l’offre touristique globale.«
L’opportunité de développer un tourisme plus rémunérateur
En matière d’écotourisme, la France possède un grand potentiel, très largement inexploité. « Peu de pays au monde peuvent offrir sur leur territoire de telles opportunités de développer un tourisme très qualitatif, différent du tourisme de masse, en métropole mais aussi tout autour du globe« , note Jean-Marie Boucher. « La barrière de corail de Nouvelle-Calédonie, qui vient d’être classée aupatrimoine de l’humanité par l’Unesco, est un de ces lieux où l’on pourrait, tout en maîtrisant le développement touristique autour d’une richesse très fragile, imaginer une offre à haute valeur ajoutée qui pourrait rapporter énormément. »
Or, la particularité de la France en matière de tourisme, c’est justement qu’elle draine un très grand nombre de voyageurs mais que ceux-ci dépensent, et finalement rapportent, assez peu. En outre, les séjours et les hébergements verts « permettent d’attirer un public spécifique et notamment des touristes du nord de l’Europe – scandinaves, néerlandais, allemands, britanniques, etc. – très sensibles aux problématiques environnementales et qui ont souvent (pas toujours) un pouvoir d’achat plus élevé« , ajoute Pascal Languillon de l’ Association française d’écotourisme.
L’écotourisme pourrait donc aider la France à transformer son important volume de touristesen quelque chose de plus rémunérateur, tout en préservant ses paysages, ses côtes et toutes les richesses qui font une bonne part de son attractivité. Un autre élément remarquable est que les touristes qui séjournent en France se concentrent dans les mêmes zones, schématiquement à Paris et sur le littoral, en particulier en Paca. « L’écotourisme pourrait donc également permettre de développer une offre touristique dans l’arrière-pays dont le potentiel est souvent sous-estimé« , plaide Jean-Marie Boucher.
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