En 2008, le gouvernement lançait le plan Ecophyto pour réduire l’utilisation des pesticides de 50 % en 10 ans. Force est de constater que ce plan n’a pas fonctionné avec non pas une diminution des pesticides, mais une augmentation de leur utilisation de 5 % par an. Décryptage de l’ échec du plan Ecophyto…
Après l’échec du Plan Ecophyto, un changement de regard est nécessaire
Cependant, l’arrêt des pesticides demande plus que quelques modifications. Il oblige un changement de modèle agricole où les auxiliaires de cultures, l’aménagement paysager, la mixité et la rotation des cultures seraient centrales. Or, ceci nécessite de l’observation et les expérimentations ne donnent pas toujours des résultats immédiats. Ce que le monde de la recherche et développement est peu enclin à faire.
Favoriser la biodiversité et les auxiliaires de cultures © Sam Garwood
Pour ne prendre que des exemples cités dans le rapport « Le Plan Ecophyto en France : décryptage d’un échec et raison d’espérer » alors qu’il existe des variétés de pommes de terre résistantes au mildiou, celles-ci ne sont pas retenues car cela nécessiterait un changement dans les process de transformation. Autre exemple encore : l’association de variétés de blés que les coopératives n’ont pas mises en oeuvre car « les meuniers préfèrent réaliser eux-même leurs assemblages à partir de variétés pures ».
Le cas du réseau DEPHY, des fermes que l’on voulait exemplaires dans l’accélération des bonnes pratiques
La preuve par l’exemple était cependant partie prenante de ce plan avec les ferme DEPHY, un réseau de 1.900 exploitations volontaires pour essayer de réduire l’usage des pesticides. L’idée était d’accompagner les agriculteurs dans leur démarche et de pouvoir s’appuyer sur les résultats obtenus pour susciter l’envie chez d’autres. Tout d’abord, force est de constater que les résultats sont peu probants.
Avec par rapport au lancement, une progression des fermes très économes en produits phytosanitaires de 2 % pour les grandes cultures, de 6 % pour la viticulture et de 13 % pour la polyculture-élevage. Des mauvais résultats qui s’expliquent en partie par le choix de l’État de favoriser la communication plutôt que laisser le temps à l’expérimentation.
En effet à souhaiter pouvoir communiquer rapidement sur ce plan, en s’appuyant sur les indicateurs choisis, un temps important a dû être pris pour les fermes de ce réseau à faire part de leurs résultats au détriment d’un véritable travail de terrain, et les conclusions sont peu probantes.
Une nécessité de réapprendre des techniques perdues
De plus, avec l’agriculture industrielle, l’enseignement des jeunes agriculteurs a été tourné vers l’apprentissage d’une agriculture hautement mécanisée et riche en intrants avec les connaissances associées.
De ce fait, il existe aujourd’hui un trou dans le savoir avec une nécessité de réapprendre des connaissances connues par les plus anciens mais perdues dans les enseignements : tel l’entretien d’une haie ou encore la reconnaissance de signes de changement de saisons ou de météo au sein de la biodiversité présente dans et autour des champs.
Des transmissions qui ne se font plus © Catalin Petolea
Une portée symbolique de ce premier plan
S’il faut s’attrister de l’absence de résultats et d’une augmentation de la quantité de pesticides, il faut tout de même se réjouir de l’impact symbolique qu’a eu ce plan et qui ne sera pas sans conséquences positives.
Tout d’abord, la synergie entre Ecophyto et d’autres actions a permis d’encourager et de mettre en lumière l’agroécologie. Ce qui a amené entre autre à modifier la définition des priorités de l’INRA souvent accusée d’être pro-intrants tout comme les chambres d’agricultures et les CIVAM (Centre d’Initiative Agricole) avec une prise de conscience de la nécessité d’accompagner les agriculteurs dans le changement pour remplir l’objectif ambitieux d’Ecophyto 2.
Le cap des 50 % donne le ton et fait comprendre aux différents acteurs que le temps n’est plus au tout pesticides et que c’est une demande de la société.
La force du plan Ecophyto 2 résidera donc dans sa capacité à avoir une vision systémique, incluant tous les acteurs de l’agriculture et de l’alimentation (agriculteurs, consommateurs, transformateurs, distributeurs, producteurs…) et les mobilisant tous pour de nouvelles pratiques dans un modèle agricole repensé pour être résilient et s’inscrivant dans un écosystème riche, source de connaissances et d’expériences de terrain.
Illustration bannière : L’agriculture selon Ecophyto – © Buquet Christophe