En 2008, le gouvernement lançait le plan Ecophyto pour réduire l’utilisation des pesticides de 50 % en 10 ans. Force est de constater que ce plan n’a pas fonctionné avec non pas une diminution des pesticides, mais une augmentation de leur utilisation de 5 % par an. Décryptage de l’ échec du plan Ecophyto…
En 2018, 10 ans après le lancement du Plan Ecophyto et à la date limite initialement fixée à ce moment-là, quelles sont les causes de son échec ? Y a-t-il des paramètres à modifier pour permettre à ce programme – qui en est à sa 2e version, d’atteindre l’objectif de réduire de moitié l’utilisation des pesticides, dont l’échéance a été repoussée à 2025… dès 2015 déjà ? Et enfin, malgré le constat négatif, quelles avancées ce plan a-t-il tout de même permis jusqu’ici ?
Échec du plan Ecophyto : une approche tournée vers la recherche d’un meilleur usage et non d’un changement de modèle
Une des causes importantes de cet échec est l’approche du problème. En effet, le plan a été tourné vers une approche d’amélioration des techniques et non d’un changement de système en profondeur. Les industriels se sont alors pleinement engouffrés dans cette brèche, mettant en avant les progrès fait sur les techniques d’épandages, le meilleur ciblage pour une agriculture raisonnée avec une communication sur cette baisse quantitative alors que le nombre d’agents actifs lui ne diminuait pas bien au contraire.
Insecticides pulvérisés dans un verger © Fotokostic
Des indicateurs peu adaptés
Dans cette perspective, les indicateurs utilisés, comme le QSA (Quantité de Substances Actives), l’IFT (Indicateur de Fréquence de Traitement) et le NODU (NOmbre de Doses Unités) ne permettent pas d’évaluer correctement la dépendance aux pesticides et sont contestés dans leur mode de calcul.
En effet pour qui sait manipuler ces indicateurs, il est aisé de baisser artificiellement les résultats. Ainsi l’utilisation des produits pré-mélangés contenant plusieurs substances actives compte moins en IFT que l’application de deux produits simples. Les chiffres obtenus sont donc un jeu de manipulation plutôt qu’une véritable diminution.
Un système socio-technique très verrouillé
Dans son approche, le Plan Ecophyto a négligé le verrouillage d’un système socio-technique où les agriculteurs ne pouvaient à eux seuls, changer les pratiques. En effet, dans ce système, chacun est lié par la vente de produits phytosanitaires :
- pour les industriels, c’est un marché à ne pas perdre
- pour les agriculteurs, c’est une obligation de bonne récolte au regard des frais engagés pour l’achat des produits phytosanitaires.
De plus, le verrouillage de ce système permet difficilement aux acteurs présents en son sein d’imaginer des voies alternatives.
Une communication renforçant ce verrouillage
Dans ce contexte de main lourde pour l’utilisation des pesticides, une action a été contre productive : celle de l’envoi de SMS très brefs à l’ensemble d’une région quand une menace de parasite ou de maladie se profilait.
Attaque de parasites sur du maïs © dimid_86
En effet, recevant ces alertes les agriculteurs ont eu tendance à pulvériser par prévention alors qu’ils pouvaient être loin de la zone concernée ou peu menacés. D’autant qu’il est plus facile de remédier à un problème de rendement ou de constat de maladie par un intrant. Cette pratique est renforcée par les techniciens agricoles qui préfèrent proposer ces solutions avec peu de crainte de se tromper.
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