Année après année, les cris d’alarme des scientifiques sur le thon rouge résonnent dans un désert. La Cites alerte sur la nécessité de respecter des quotas de pêche. L’Union européeenne édictent des quotas qui sont systématiquement ignorés et allègement dépassés. La dernière réunion des pays pêcheurs de thon rouge en Méditerranée à Agadir au Maroc ne va rien changer.
Ils ont décidé le 19 novembre, d’augmenter ( !) les quotas de thon rouge autorisé à la pêche à 13.500 tonnes pour les années 2013 et 2014 , contre 12.900 tonnes pour 2011 et 2012. L’explication en serait une embellie sur les « stocks » de ce poisson si recherché.
La population de thon rouge se reconstituerait et pourtant …
Selon un rapport de la Commission internationale des thonidés de l’Atlantique (Iccat) cité par le journal espagnol El Pais, la population de thon rouge en mer Méditerranée se serait reconstituée ces 6 dernières années.
Ce point positif serait à mettre au crédit de la réduction de la capacité des navires de pêche et quotas de capture. L’obligation de capturer des thons de 30 kilos au minimum aurait également eu un impact positif. Selon l’Iccat, l’arrêt des captures de jeunes thons par les Européens aurait également permis de reconstituer les stocks d’un million de poissons par an. «Tous les modèles utilisés par le groupe d’experts montrent une nette reprise de la reproduction du thon rouge dans l’Atlantique. Mais la vitesse et l’ampleur de cette tendance restent encore à préciser», explique l’Iccat.
La Commission pour la Conservation Internationale des Thonidés de l’Atlantique (ICCAT), est l’organisme mondial qui planifie sa pêche sans pour autant réussir à enrayer son déclin, en imposant des quotas de prises toujours jugés insuffisants par les ONG.
Pas de quoi s’emballer pourtant.
En effet, les scientifiques de l’Iccat recommandent de maintenir les quotas actuels et de poursuivre la politique de restriction entamée en 2006. C’est à cette date que la politique de réduction des quotas de pêche avait été enfin appliquée après des décennies de surpêche industrielle : en 2007, le plafond était de 32.000 tonnes. En 2012, il n’était plus que de 12.900 t.
Quotas violés, pêche illégale, trafic …. casse-toi pauvre thon !
Les chiffres officiels de pêche sont systématiquement bien en-dessous de la réalité car la triche et le trafic sont la norme sur ce marché où tout le monde semble fermer les yeux. Ainsi, en 2010, 12.373 tonnes de thon rouge ont été capturées selon les Etats pêcheurs mais 32.564 tonnes ont été commercialisées. En 2009, 60 000 tonnes de thons rouges ont été pêchées dans le monde, trois fois plus que les ponctions autorisées…
Le fait de relever un peu les quotas est donc à la fois une mauvaise nouvelle et risible. Cette décision ne devrait qu’encourager la fraude qu’elle semble ignorer. L’association Robin des bois, en pétard, dénonce «une éclipse de la rigueur pourtant difficilement imposée, en 2008, par la Cicta aux Etats membres».
Quelques repères sur le thon
> la pêche au thon représente la première pêche mondiale et la boite de thon est le produit de la mer le plus consommé au monde.
> 79 % des Français seraient prêts à payer un petit peu plus cher leur boîte de thon (20 centimes de plus) si on leur donne l’assurance que la pêche a été réalisée dans le respect des espèces existantes.
> 2/3 : près de 2 stocks de thon sur 3 sont surpêchés ou en voie de l’être
> 95 % des Français souhaitent que la pratique de la surpêche prennent fin (CSA Les Français et le thon)
Ainsi, la biomasse du thon rouge en Méditerranée était estimée à moins de 150.000 tonnes en 2000. Grâce à la politique de quotas mis en place par l’Union Européenne, on en dénombrait 535.000 tonnes en 2014. Un succès donc mais qui risque d’être entamé par une augmentation de 20 % des quotas de pêche dès l’année prochaine.
Le thon voit rouge… ça sushi !
Le Japon joue depuis plusieurs années un rôle particulier sur ce marché. Et pas toujours pour le mieux. Souvenons nous par exemple, 2009. Le Thon rouge d’Atlantique et de Méditerranée ne sera pas protégé : tel en avait décidé la conférence de la Cites qui avait rejeté la proposition d’interdiction du commerce international de cette espèce pourtant gravement menacée d’extinction.
Une victoire par K.O du Japon sur la planète… Plus gros consommateurs de thon rouge (soit près de 80 % des captures), les Japonais avaient promis de tout faire pour que la demande de l’inscription du thon rouge à l’annexe I de la CITES, qui signifiait l’interdiction de son commerce international, ne puisse aboutir… Promesse tenue !
Grâce à un lobbying très bien ficelé, le pays du Soleil levant avait réussi à rallier de nombreux pays en développement à sa cause, tels que l’Indonésie, le Chili, la Tunisie ou encore le Maroc. Résultats : toutes les propositions en faveur de la sauvegarde de cette espèce ont été rejetées ! Son inscription en annexe 2 a également été mise aux oubliettes. Bref, les enjeux économiques avaient largement pris le dessus… comme d’habitude.
Et cela continue. L’avenir du thon rouge ne s’annonce pas rose.
*
En savoir plus sur le thon rouge :