La France se retrouve face à un dilemme : protéger la biodiversité en stoppant le braconnage du bruant ortolan ou maintenir une tradition culinaire dans le pays de la gastronomie. Si le gouvernement joue l’ambiguïté, les associations de protection de la biodiversité, à l’image de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), et la Commission européenne ont choisi : il faut arrêter le braconnage de cette espèce protégée.
Le bruant ortolan, aussi appelé Ortolan, est un petit oiseau migrateur protégé « strictement » par la réglementation de l’Union européenne relative à la protection des oiseaux (directive Oiseaux 2009/147/CE). Grand migrateur, le bruant ortolan passe l’été dans de nombreux pays d’Eurasie, allant du sud de la Scandinavie au sud de l’Espagne, en Turquie, Iran et Afghanistan, à l’est jusqu’en Russie et en Mongolie. En automne, le bruant ortolan migre vers le Proche-Orient, notamment l’Iran et l’Arabie, ainsi que l’Afrique, plus précisément du Sénégal à l’Éthiopie.
Aujourd’hui, on estime que la population européenne d’ortolans a diminué de 84 % entre 1980 et 2012. En France, il a disparu de 17 départements entre 1960 et 1990. Cette disparition progressive s’explique par la dégradation de son habitat, la réduction des lieux de nidification, mais surtout par le braconnage.
Le braconnage des ortolans toléré dans les faits
Pourtant considéré comme une espèce protégée par la loi, le bruant ortolan est victime en France d’une tolérance illégale, résultant d’un accord entre acteurs politiques et lobbies, qui permet aux braconniers landais de chasser les bruants ortolans le long de leur route migratoire, qui passe par le sud-ouest, à la fin de l’été, pour les manger. L’ortolan est très recherché pour sa chaire délicate. Engraissés pendant trois semaines dans une petite boîte, les oiseaux sont ensuite noyés dans l’Armagnac, puis vendus plus de 150 euros pièce à des restaurateurs pour être consommés honteusement, « sous la serviette ».
Même des chefs réputés y sont allés de leur activisme pour demander que le braconnage de cette espère menacée soit permis. Et pour oser faire appel au « courage politique »…
Récemment, la Commission européenne a donc dû rappeler dans un communiqué que « Le braconnage de cette espèce en France réduit à néant les efforts de conservation entrepris par les autres États membres pour inverser le déclin de sa population ». En janvier 2013, la Commission avait déjà adressé à la France une lettre de mise en demeure aux autorités françaises pour leur demander de faire cesser les captures illégales de l’oiseau. Aucune réponse n’avait été donnée par Paris.
Ainsi, l’exécutif européen réitère sa menace en adressant, cette fois, un avis motivé, deuxième étape d’une procédure d’infraction, pouvant mener jusqu’à la saisine de la Cour de Justice européenne (CJE). La France dispose désormais de deux mois, jusqu’au 15 août, pour mettre la législation nationale en conformité avec le droit de l’Union sous peine de sanction. En cas de réponse non satisfaisante de la part de la France, la CJE peut exiger des amendes s’élevant à plusieurs dizaines de millions d’euros.
De timides progrès pour arrêter le braconnage
Un premier pas a été franchi par le Préfet des Landes qui a confirmé, le 29 juillet dernier, à la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) que l’État de droit s’applique sur tout le territoire. Une solution qui réconforte en partie les associations de protection de l’environnement, puisque depuis plus de 10 ans, la police de la nature avait coutume de ne pas relever les infractions ni de poursuivre les contrevenants. Selon la LPO et les demandes de dérogation des piégeurs eux-mêmes, 30.000 bruants ortolans, 300.000 pinsons des arbres et 50.000 pinsons du nord sont tués chaque année en toute illégalité.
Alors que la France affirme vouloir être un ardent défenseur de la biodiversité, notamment en portant la COP21 et par l’adoption récemment du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, il sera intéressant de voir si l’environnement va réellement primer sur la célèbre culture gastronomique française. Et si le courage va désormais aller dans le bon sens.