Les 9e Assises Nationales de la Biodiversité sont finissent aujourd’hui vendredi 21 juin après trois jours de discussions, d’ateliers et de visites. Si élus et professionnels se sont relayés pour acter de l’urgence totale dans laquelle nous nous retrouvons désormais sur le sujet, il y a certains pans où les choses sont encore largement à revoir, notamment dans le domaine de la formation des jeunes et l’enseignement agricole.
La formation des jeunes et l’enseignement agricole sont l’un des sujets de ces 9e Assises Nationales de la Biodiversité et ce n’est pas là un sujet à prendre à la légère si l’on veut un jour pouvoir se nourrir correctement, sans impacter l’environnement et donc la biodiversité, sans devoir assumer tous les coûts cachés d’une agriculture irraisonnée (soins, retraitement des eaux polluées, etc.).
Formation des jeunes – Un constat pas vraiment encourageant
C’est lors d’un atelier intitulé « gestion de l’eau et érosion des sols : amorçons-nous le virage de la gestion raisonnée ? » que la discussion a doucement glissée vers la formation agricole notamment à travers le prisme de l’agroforesterie.
Car oui, l’agroforesterie est une réponse aussi efficace contre l’érosion des sols qu’elle peut être facilement proportionnée à la problématique… encore faut-il valoriser la technique et l’enseigner !
Sur le sujet il semblerait que seuls 71 établissements de l’enseignement agricole sur les 179 qui relèvent donc du Ministère de l’agriculture, abordent le sujet. Il faut bien préciser que « aborder le sujet » ne veut ici en aucun cas dire qu’il y a nécessairement des travaux pratiques à la clef dans tous les lieux d’enseignement.
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Et la problématique de la formation surgit
De fil en aiguille, on s’aperçoit bien que la formation agricole en matière de cahier des charges bio, de techniques alternatives comme le non-labour et autres solutions qui ont fait leurs preuves, sont présentées comme étant la tête de pont de l’enseignement agricole.
Et patatras !
« Je ne sais pas de quels lycées agricoles vous parlez, mais pour ce qui me concerne je finis un cycle de cinq ans d’études dans l’enseignement agricole et on ne m’a jamais parlé de quoi que ce soit sur le sujet » rapporte une jeune femme de la Nièvre. « Les seules heures de cours que j’ai eu sur le bio pendant tout mon cursus était utilisées pour rattraper le retard des autres cours parce qu’avec les réductions budgétaires et les changements de programmes, les professeurs n’ont plus le temps de finir le programme de base » finit-elle.
« Haaaa ! ! Je suis heureux d’entendre ça » s’exclame Olivier Lavaud. « Je suis formateur en agroécologie en Alsace à la fois dans une association qui anime un terrain en maraîchage avec la technique et dans un lycée agricole où, si je ne passe pas pour un doux rêveur, on se moque littéralement de moi malgré tous les succès techniques que je peux démontrer par A plus B sur le terrain autant en matière de rendement que d’efficacité. Faut quand même savoir qu’on en est encore à avoir des fils d’agriculteurs qui sont heureux d’avoir pu enfin couper les derniers arbres de leurs parcelles parce qu’ils font obstacle pour cultiver du maïs et pas un prof’ à part moi pour leur dire que c’est du n’importe quoi ! Je suis le seul à enseigner l’agroécologie pour 2.000 élèves et l’année prochaine mon volume horaire passe de 168 à 42 heures, quelle ambition ! »
Deux autres personnes enchaînent les témoignages du même acabit à Amiens et à Bergerac, la rivière des témoignages de terrain a emporté en quelques instants la couche superficielle des discours théoriques et administratifs… Au final, le propos de l’érosion était plus pertinent que prévu.
La biodiversité (vraiment ?) enseignée aux enfants
Quand Allain Bougrain Dubourg vient sur scène pour présenter les actions menées par la ligue de protection des oiseaux dans le département où se tiennent ces Assises, on comprend la démarche.
Intervenir dans les écoles du primaire pour faire découvrir cette biodiversité ordinaire aux plus jeunes, la valoriser et développer une gamme d’outils directement au coeur de l’école pour qu’enfin on y invite la nature, bien-sûr c’est très bien ! Quoi qu’on aurait préféré que ce soit au programme de l’Éducation Nationale et non un enseignement confié à une simple association…
Difficile donc, avec cette vision-là de l’enseignement agricole et au moment où les cours de Science et Vie de la Terre tombent à seulement 1h30 par semaine dans l’enseignement général, d’entendre des discours de clôture de ces 9e Assises Nationales de la Biodiversité qui mettent tant d’espoirs dans les générations à venir.
Quitte à ne pas en faire assez aujourd’hui, donnons au moins la possibilité à nos successeurs de pallier à nos propres manquements !
Illustration bannière : Former les générations futures à des techniques plus respectueuses de la biodiversité- © Savanevich Viktar