L’accaparement des terres agricoles est un phénomène préoccupant qui concernait jusqu’ici principalement les pays africains. Or, un fonds d’investissement chinois a récemment acheté 1.700 hectares de terres agricoles dans le Berry. Vers un accaparement des terres de France ?
Depuis la crise alimentaire de 2008, on a beaucoup parlé d’accaparement des terres, en Afrique notamment. Il s’agit de l’achat de terres agricoles d’un État par un fonds d’investissement, une entreprise ou un autre État. L’accaparement des terres est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur avec les changements démographiques et climatiques, et qui pourrait avoir des conséquences désastreuses : si la tendance continue, trois milliards de paysans pourraient se retrouver sans emploi d’ici 2050.
Le phénomène concerne principalement les pays africains : le Soudan, Madagascar, l’Éthiopie et le Mozambique sont les plus concernés par l’accaparement des terres. Les investisseurs viennent principalement d’Asie orientale et des pays du Golfe. Toutefois, le rachat de terres ne concerne pas que l’Afrique : un mystérieux fonds d’investissement chinois vient d’acheter 1.700 hectares de terres agricoles dans le Berry.
Le rachat de terres berrichonnes par des chinois inquiète
Le syndicat agricole de l’Indre a récemment alerté les médias sur ce phénomène : une société chinoise, Hongyang, a racheté plusieurs exploitations agricoles du département, pour un total de 1.700 hectares. La société est inconnue des locaux, a son siège à Pékin et serait spécialisée dans les équipements de station-service. Les intentions de cette société restent floues.
Il semblerait, d’après la FDSEA, qu’ils auraient pour projet d’acquérir 10.000 hectares dans le département, soit 70 exploitations. La société achète les exploitations à des agriculteurs proches du départ en retraite, à un prix trois fois supérieur à celui du marché. Une aubaine pour les agriculteurs ? En tout cas, pas pour les jeunes qui ont déjà du mal à s’installer à cause des prix du foncier.
En plus de l’augmentation des prix du foncier, une telle acquisition comporte d’autres risques. Les terres seraient exploitées par des salariés agricoles : qu’ils soient français ou chinois, c’est le métier d’agriculteur, déjà en crise, qui est mis en péril par l’achat de ces terres.
Une menace sur la souveraineté alimentaire ?
La production agricole réalisée sur ces terres sera destinée à l’exportation. Si ce phénomène prend plus d’ampleur, la France courrait un risque pour son autonomie alimentaire.
Selon Emmanuel Hyest, président des organismes de gestion des terres agricoles françaises (FNSAFER), « L’autonomie alimentaire d’un pays est très importante. Or, si les terres sont détenues par des capitaux étrangers, c’est toute la production qui risque d’être exportée ». Sans aller jusqu’à ces extrêmes, la situation peut être inquiétante.
L’agriculture familiale en péril
En 2011, l’accaparement des terres dans le monde concerne 56,6 millions d’hectares, soit la superficie de la France. Le phénomène doit être strictement contrôlé et évité. Il peut en effet aboutir à des injustices dramatiques en ce qui concerne l’accès à la nourriture. Les États de la corne de l’Afrique déjà en crise pourraient bien rencontrer de plus en plus de problèmes de famine dans leurs pays.
D’autre part, l’accaparement des terres se fait au détriment des petits paysans et contribue à l’augmentation des concentrations de terres. On voit déjà apparaître des exploitations agricoles géantes très mécanisées, basées sur des monocultures, au détriment d’une agriculture familiale diversifiée, écologique et pourvoyeuse d’emplois.
Enfin, l’accaparement des terres se fait souvent pour l’installation de cultures non alimentaires : le coton ou les agrocarburants dominent, ce qui accentue les risques et la pression sur le prix des denrées alimentaires.