Du protocole BoP au protocole BoP 2.0
La première version BoP a été un échec. Les entreprises n’ont pas du tout respecté l’un des principes de base édicté par Prahalad. Elles se sont mises à s’implanter dans les pays pauvres sans tenir compte des spécificités des marchés. Ainsi des entreprises comme Nike avec sa « World Shoe » ou Procter et Gamble avec « PuR », le purificateur d’eau, ont tenté d’entrer rapidement sur ces marchés émergents et s’y sont cassé les dents.
Une nouvelle version du protocole BoP, baptisée BoP 2.0 donc, prend en compte les caractéristiques sociales et locales des nouveaux marchés. BoP 2.0 cherche à construire des partenariats en co-créant des business en éliminant totalement l’approche « top-down » à l’origine des échecs de la première version.
Stuart Hart, l’autre nom du concept BoP donne plusieurs exemples de stratégies « malheureuses » qui ont signé l’échec de la première version du BoP en préambule du « Protocole BOP 2.0 », traduit en français par l’IIES (Institut de l’Innovation et de l’Entrepreneuriat Social) de l’ESSEC.
« La tentative avortée de Nike de créer une chaussure de sport mondiale pour les marchés des personnes à faibles revenus, ou encore les sachets unidose de savons, shampoings et crèmes de Unilever, n’ont visé qu’à entrer rapidement sur un nouveau marché. Proposer des produits de l’entreprise, qu’ils soient reformulés ou reconditionnés, vers les bidonvilles et les populations pauvres, peut augmenter les ventes à court terme. Mais à long terme ces stratégies ne peuvent qu’échouer car les business restent étrangers à la communauté qu’ils sont supposée servir ».
Hart et Prahalad sont clairs : il ne suffit pas de proposer les mêmes produits aux 4 milliards individus les plus pauvres de la planète que ceux que l’on conçoit pour les 800 millions les plus riches. De simples modifications ou adaptations ne suffisent pas.
Pour atteindre ce marché spécifique, il faut des produits spécifiques. Il faut savoir innover en ayant recours à des données qu’on laissait jusqu’à présent de côté. Ceci passe par l’implication inévitable de ces populations qui elles, connaissent leurs besoins. Il faut alors intégrer la société civile dans les réflexions et faire appel à d’autres savoirs comme ceux offerts par l‘anthropologie économique – science qui étudie les dispositifs mis en oeuvre par les sociétés humaines afin de produire et échanger les biens matériels nécessaires à leur consommation et à leur reproduction en tant que groupes (1) – et les politiques de développement.
Pour qu’il y ait succès, l’entreprise doit savoir co-créer et inclure le point de vue des populations ciblées dans ses projets.
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Sur le même thème :
(1) définition de Francis Dupuy, Anthropologie Économique, Armand Colin, 2e ed., 2008 (2001). Sources Brice Lewillie La notion de Bottom of the Pyramid (BOP) – Danone communities. L’observatoire du BoP
Image à la Une Reuters