Les médecins Philippe Even, directeur de l’Institut Necker, et Bernard Debré, député UMP de Paris, viennent de publier le Guide des 4.000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux. Ils y dénoncent l’inutilité de plus de la moitié des médicaments distribués en France. Dans leur ligne de mire : le déficit de l’Assurance maladie et les profits des laboratoires pharmaceutiques.
L’évalution des médicaments, une méthode scientifique
Les deux médecins n’en sont pas à leur premier livre. Ils avaient déjà été les auteurs d’un rapport au vitriol sur la réforme du système du médicament, à la suite de l’affaire du Médiator, publié en 2011.
Pour ce Guide des 4.000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, ils ont épluché 20 000 références d’articles parus sur les 4 000 médicaments, parus dans les plus grands journaux scientifiques du monde. Chaque médicaments a été expertisé : son efficacité, ses risques, ses coûts ont été évalués, des conseils pour prescrire ont été proposé.
Les deux médecins ont aussi fait le point sur les grandes les grandes pathologies, sur les découvertes majeures et sur les impasses de la recherche contemporaine. Un formidable travail d’experts.
50 % des médicaments seraient inutiles
Le résultat de leurs expertises est hallucinant :
- 50 % des médicaments seraient totalement inutiles,
- 20 % mal tolérés,
- 5 % « potentiellement très dangereux« .
Et, le pire peut-être : 75 % de ces médicaments seraient remboursés par la Sécurité Sociale. Leur déremboursement rapporterait la somme de 10 à 15 milliards d’euros. De quoi rembourser une grande partie du fameux trou de la Sécu !
Statines et pilules contraceptives sur la sellette
Les deux médecins s’en prennent particulièrement aux statines, les molécules des médicaments contre le cholestérol « avalés par 3 à 5 millions de Français« , qui coûtent « à la France 2 milliards d’euros par an » et qu’ils jugent « complètement inutiles« , surtout en prévention.
Ils dénoncent aussi les pilules de 3e et 4e génération pour leurs coûts prohibitifs et leur efficacité non prouvée, et leur possible toxicité.
Le Nouvel Observateur a mis en ligne la liste noire des médicaments dangereux, à laquelle s’ajoute des médicaments cardio-vasculaires, des anti-inflammatoires, etc.
Des objectifs financiers plutôt que de santé
Comment cela est-il possible ?
« Je crains que ce soit avant tout (lié, NDLR) à l’incompétence, arrosée par la corruption assurée par l’industrie pharmaceutique pour se procurer les 20 % de bénéfices qu’elle s’accorde chaque année« , affirme le Dr Philippe Even.
Bruno Toussaint, directeur de la revue Prescrire, une publication indépendante qui évalue les médicaments et dont les articles ont été repris par les deux auteurs, est moins virulent mais va dans le même sens sur les causes de ce gâchis : il y a « beaucoup trop de médicaments sur le marché, beaucoup trop d’opacité sur les effets indésirables et trop peu d’exigences pour les nouveaux médicaments« , explique-t-il. Et il n’hésite pas à rajouter qu’une « grande partie des médicaments » faisaient « double, triple ou quadruple emploi par rapport à ce qu’on a déjà« .
L’accusation est directe contre les industriels du médicaments. Ce n’est pas nouveau ! Elle l’avait déjà été lors d’un précédent exercice de notation des médicaments, réalisé par le pharmacologue Jean-Paul Giroud avec le Dr Charles Hagège. En 2001, suite à la première édition de 1997, ils ont rédigé un guide évaluant 10.000 produits (remboursables ou non). A l’époque déjà, ils ont jugé que 45 % des médicaments étaient inutiles ou insuffisants….
Pour la Leem (la Fédération professionnelle des industriels du médicament), ce livre n’est qu’ « amalgames et approximations« , a-t-elle déclaré dans un communiqué. Ses responsables s’inquiètent en pensant qu’il va « alarmer inutilement les malades et risque de les conduire à arrêter de leur propre chef des traitements pourtant adaptés aux maladies dont ils souffrent« . Une défense bien molle qui se décharge sur les médecins – débordés – et les patients… qui doivent de plus en plus savoir se prendre en charge, ou tout du moins être attentifs à leur traitement, avec lucidité et pragmatisme !
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Si vous avez aimé cet article > Les chroniques Santé préventive de Philippe
Iinitialement publié en sept. 2012