Les requins sont-ils de dangereux prédateurs ? Ils sont injustement mal-aimés alors qu’ils font partie des espèces en danger. Le point sur la disparition progressive des requins, ses causes et ses conséquences.
Les requins, éradiqués des grandes profondeurs
Selon une étude internationale(1), les requins ont quasiment disparu des grands fonds, ce qui les rend très vulnérables aux techniques industrielles de pêche profonde.
Les scientifiques ont utilisé des chaluts de grands fonds, des lignes et des caméras de plongée dans les fonds marins en Méditerranée, de l’Atlantique, du Pacifique et de l’océan Indien entre 470 et 5.900 m.
Constat : la plupart des chondrichtyens, la classe de poissons qui agrège différentes espèces de requins, de raies et de chimères, ont été repérés à des profondeurs n’excédant généralement pas 2.000 m (le spécimen repéré à la plus grande profondeur était néanmoins un requin, C. coelolepis, à 3.280 m).
Conclusion : il n’y a pas de « réserves » de requins dans les grandes profondeurs. De plus, ils restent accessibles aux chaluts de grands fonds qui peuvent ratisser jusqu’à -2.300 m.
À l’heure actuelle, 30 espèces de requin sont menacées d’extinction ou de quasi-extinction, sur les 500 espèces de requins identifiées. Un chiffre alarmant lorsque l’on sait que chaque année, ce sont 73 millions d’entre eux qui sont tués, avec une perte de 98 % pour les requins marteaux dans l’Atlantique Nord-Ouest(2).
Pêchés le plus souvent pour leurs ailerons, très prisés en Asie, ou pris dans la grande nasse de la surpêche mondiale, la plupart des stocks de squales connus ont diminué de 80 à 99 % depuis les débuts de la pêche industrielle, au milieu du XXe siècle.
La disparition des requins a des conséquences en chaîne sur les autres espèces. Sur la côte Nord-Est des États-Unis par exemple, la raréfaction des requins a favorisé la multiplication des raies, ce qui petit à petit, a fait disparaître le gisement de pétoncles. En Nouvelle-Zélande, les poulpes de plus en plus nombreux ont dévoré toutes les langoustes : un manque à gagner pour les pêcheurs et la biodiversité bien-sûr.
Un océan sans requins ?
On sait désormais qu’ils sont un régulateur essentiel de l’ensemble des chaînes alimentaires océaniques. Ces dernières décennies ont vu se multiplier les exemples de bouleversements des écosystèmes liés à la disparition des super-prédateurs, qui se retournent finalement contre l’Homme et les pêcheurs eux-mêmes. La communauté internationale s’émeut de plus en plus de leur sort, mais malgré des initiatives trop rares de sanctuaires ou de réglementation des pêches, la course contre la montre engagée pour éviter l’effondrement est loin d’être gagnée.
Le requin tue dix fois moins que les méduses. Ce prédateur mal perçu par l’Homme, doit faire l’objet d’une réhabilitation dans la conscience collective car sa sauvegarde est un enjeu majeur pour la survie des océans et des ressources qu’ils abritent. Pilier de tout un écosystème, le requin est en grand danger.
Robert Calcagno, Requins, au-delà du malentendu
Les requins en chiffres
La chaîne Discovery Channel a comparé le requin et les menaces qu’il subit, avec l’Homme et ses activités :
- 34 millions – Les requins « modernes » nagent dans les eaux de la Terre depuis environ 34 millions d’années ; l’Homme moderne n’est présent sur Terre que depuis 200.000 ans.
- 73 millions – c’est le nombre de requins tués chaque année par l’Homme, soit 8.333 requins tués chaque heure.
- 250.000 – En Australie, un simple requin-baleine pèse 250.000 dollars dans le secteur de l’écotourisme.
- 5 – et pas plus, c’est en moyenne le nombre de personnes mortes par an des suites d’une attaque de requin entre 1999 et 2009. Les éléphants et les tigres tuent 100 personnes par an, il y a 2.400 morts par exécution par an, les crocodiles ont tué en un an autant que les requins en 100 ans. Le crocodile, lui, est protégé.
- 99 – De 1970 à 2005, la population de requins sombres, de requins-bouledogue et de requins-marteau lisses a décliné de 99 %.
- 100 dollars – c’est le prix pour un bol de soupe d’aileron de requin à Hong Kong.
- 1 – En 2009, les Palaos deviennent la première nation à exclure le commerce issu de la pêche aux requins, déclarant son territoire aquatique de 600.000 km² comme sanctuaire pour requins.
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