Le frelon asiatique est un véritable danger pour nos abeilles. Alors, faut-il faire des pièges pour le tuer ? Quelle est leur efficacité ? Ne représentent-ils pas un risque pour les autres insectes ? Pire, se pourrait-il que ces pièges favorisent leur prolifération ?
Avec l’arrivée des beaux jours, le décrié Vespa velutina ou frelon asiatique, ce redoutable tueur d’abeilles, fait son retour dans la nature. On retrouve sur les réseaux sociaux et les médias de nombreux articles expliquant comment confectionner des pièges pour se débarrasser de ces dangereux insectes. Toutefois, plusieurs experts critiquent l’efficacité de ces pièges, qui semblent même avoir un effet contre-productif.
L’invasion du frelon asiatique
L’insecte serait apparu en France en 2004, apporté de Chine dans un chargement de poteries. Depuis, il prolifère sur le territoire, principalement dans le Sud et l’Ouest.
Comme son pendant européen, le frelon asiatique se nourrit d’insectes plus petits que lui. Mais, il est en revanche bien plus friand d’abeilles qu’il attaque en se postant devant la ruche d’où il décapite toutes les butineuses. Le frelon asiatique est particulièrement redoutable, puisqu’une dizaine de spécimens est capable de décimer une ruche entière : un nouveau coup dur pour les abeilles, déjà menacées par les pesticides.
Le frelon asiatique construit ses nids en hauteur, souvent avec de la terre. Ils peuvent parfois atteindre des tailles impressionnantes, jusqu’à un mètre de hauteur. Si l’on aperçoit un nid, il est nécessaire de le signaler avec une photo au Muséum d’Histoire Naturelle qui est chargé de les répertorier.
C’est au début du printemps que la « femelle fondatrice » du nid pond ses oeufs et doit nourrir ses larves jusqu’au début du mois de mai. Ce sont elles qui sont particulièrement visées par les anti-frelons qui appellent à la mobilisation citoyenne pour le piégeage de ces insectes.
Des pièges à frelons
C’est donc avec les premiers redoux que s’ouvre la chasse au frelon asiatique et que reprennent les campagnes de mobilisation de l’Association Anti-Frelon Asiatique, particulièrement active sur les forums et les réseaux sociaux. On trouve sur son blog de nombreuses techniques de piégeage, et même des pièges que l’on peut acheter en ligne.
Le piège qui semble avoir le plus de succès est une bouteille en plastique comportant une « aire d’atterrissage » pour faciliter l’entrée des frelons. Le piège se veut sélectif, puisqu’il comporte une entrée pour les frelons et une sortie pour les autres insectes. On verse du liquide sucré et alcoolisé dans le fond de la bouteille pour attirer les insectes qui se noient ensuite dans le liquide, l’alcool servant à repousser les abeilles. Ce piège serait particulièrement redoutable et aurait tué jusqu’à 72 reines en un an à Dax.
Des pièges inefficaces, voire favorisant la prolifération des frelons ?
Toutefois, la lutte gentiment protectionniste, aux relents un brin racistes de l’Association Anti-Frelon Asiatique, serait-elle inutile, voire contre-productive ?
En temps normal, les fondatrices se battent, parfois à mort, pour récupérer les nids et s’emparer du territoire de leurs rivales. Cela affaiblit naturellement les colonies et crée un système de régulation naturelle, explique le centre d’études du frelon asiatique au Muséum d’Histoire Naturelle. Si l’on piège certaines des fondatrices, celles qui resteront n’auront plus à combattre et ressortiront donc plus fortes de cette période de lutte pour le territoire.
De plus, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces pièges pour les frelons. Ils attirent certes beaucoup d’insectes, mais seuls 1 % d’entre eux seraient des frelons asiatiques. Toutefois, les pièges dits sélectifs avec des sorties permettraient de réduire la mortalité des autres insectes.
Conclusion : pas de piège pour les frelons
Alors, faut-il participer à la mobilisation citoyenne contre l’ « envahisseur asiatique à pattes jaunes », ou rester inactif, au risque de voir l’espèce proliférer ? Devant l’absence de réelle certitude sur l’efficacité de ces pièges, et au vue de la cruauté de ces derniers pour les insectes, il serait mieux de s’abstenir d’en construire.
Le frelon asiatique ©MNHN Q. Rome
Les études scientifiques les plus poussées sur le frelon, qui émanent du Muséum d’Histoire Naturelle, montrent que le piégeage des femelles fondatrices est clairement à éviter. Le frelon asiatique possède une grande capacité d’adaptation. « Les méthodes de lutte qui ont un impact sur le reste de l’environnement (comme l’utilisation d’appâts empoisonnés) risquent de desservir nos espèces locales en faveur de ce dernier », rappelle le Muséum.
Toujours selon le Muséum, la meilleure technique pour lutter contre la prolifération reste la destruction des colonies à la tombée de la nuit. D’où l’importance de signaler les nids lorsqu’ils apparaissent. Concernant les populations d’abeilles menacées, la parade consisterait à installer des grillages autour des ruches afin de diminuer le stress de leurs habitantes.