Le foie gras est l’un des plats préférés des Français pendant les fêtes. Mais son mode de fabrication, par gavage, est conspué par les défenseurs du bien-être animal. Foie gras et défense des animaux sont-ils compatibles ? Et un foie gras sans gavage est-il réellement possible ? On ouvre le débat !
Le foie gras, objet de toutes les controverses
Pro-foie gras et anti-foie gras se déchirent régulièrement dans les repas de famille ; c’est aussi un débat politique : quand certains pays ont interdit la vente de foie gras, les défenseurs de cet aliment avancent l’argument du patrimoine culinaire français. Avant de boycotter le produit, ou au contraire de l’encenser, il vaut mieux savoir un peu de quoi on parle.
Les coulisses de la production de foie gras
Le foie gras est issu de canards ou d’oies. Seuls les canards mâles sont sélectionnés, le foie des femelles étant trop nervuré. Il s’agit de bêtes adultes qui ont subi une période de gavage forcé pour que leur foie atteigne une taille, et un goût spécifique : c’est le foie gras cru.
Foie gras cru © Mintra Chumpoosueb
Le gavage des palmipèdes est une pratique ancienne puisqu’elle existait déjà dans l’Égypte Antique. Les Égyptiens s’inspirent alors d’une habitude naturelle chez les oiseaux migrateurs : la tendance à absorber une quantité impressionnante de nourriture avant le long voyage… Ainsi, de façon naturelle, certaines oies et canards sauvages, augmentent leur poids de 50 % avant la migration.
La France est aujourd’hui le principal producteur de foie gras, issu principalement des régions du Sud-Ouest. Depuis 2006, le foie gras est reconnu comme issu du « patrimoine culturel et gastronomique protégé en France »(1).
Le gavage des oies et des canards tel qu’il est pratiqué en France est pratiqué 10 à 14 jours, à raison de deux fois par jour. La durée de vie d’un canard d’élevage étant environ de trois mois et demie, le gavage représente environ de 10 % de la vie de l’animal. Il s’agit d’insérer directement dans le jabot des palmipèdes un tuyau en métal et d’y verser du maïs cuit. Le canard développe alors une stéatose hépatique qui fait gonfler son foie jusqu’au stade du foie gras. Il est ensuite abattu -les conditions d’abattage sont très diverses, qu’il s’agisse d’élevages familiaux ou industriels.
Anti foie gras : les arguments
Les anti foie gras se révoltent contre plusieurs procédés : les conditions d’élevage des canards et des oies tout d’abord, qui sont généralement celles des animaux de batterie. Ils sont enfermés dans des cages sans pouvoir étendre les ailes et vivent sur des sols durs qui entraînent des blessures.
Après le gavage, les canards sont pris de diarrhées et de halètements. Le canard gavé est malade (stéatose hépatique) et développe des problèmes pulmonaires et des difficultés à se déplacer. Certains canards développent également des inflammations de l’oesophage. Les canards gavés ne le font pas volontairement : pour l’association L214, ils le font à contrecoeur et s’ils le peuvent, il s’éloignent de l’appareil à gaver et de la personne qui exécute cette tâche. Cependant, les études se contredisent quant à certains arguments des anti-gavage.
Foie gras : et s’il n’était pas aussi néfaste ?
Les arguments des pro et anti-gavage, ainsi que les études scientifiques menées par les différents camps, se contredisent parfois. Le canard gavé est-il un animal malade ? La pratique est-elle si traumatisante pour le volatile ? Voici quelques éléments d’enquête.
Le gavage, pas si mauvais pour les canards ?
L’argument des pro-foie gras est que l’engraissement est une pratique normale à l’approche de l’hiver et que le foie grossit naturellement chez les palmipèdes. En outre, ils avancent que l’oesophage des palmipèdes est naturellement élastique pour laisser passer de grosses proies, et que par conséquent l’ingestion d’un tuyau dans l’oesophage serait indolore.
Certaines études avancent que le gavage des oies ou des canards n’occasionne pas de stress de la part de l’animal. Pour Daniel Guéméné, chercheur à l’INRA, « aucun élément scientifique ne permet de dire que cette opération est une source de mal-être animal »(5).
Un gavage de canard ©L214 – capture d’écran Youtube
Or le Comité scientifique européen de la Santé et du Bien-être des animaux souligne que « les canards et les oies font preuve d’un comportement d’évitement qui indique de l’aversion envers la personne qui les nourrit et la procédure de gavage. »(2)
La notion de maladie controversée
Le canard gavé est-il ou non un canard malade ? Cette question déchire les pro et anti foie gras. Le foie du canard ou de l’oie est bel et bien atteint de stéatose hépatique : c’est ce qui lui permet de prendre du volume. Pour les défenseurs des animaux, comme l’association L214, les quantités ingérées sont telles que « l’animal refuse tout simplement de s’alimenter pendant quinze jours » (7).
Pour les éleveurs, « un foie gras n’est pas un foie malade ainsi que l’a démontré le Professeur Labie et, à sa suite, les scientifiques qui ont réalisé les études sur la réversibilité de l’engraissement du foie d’un palmipède »(4). En effet, si l’on arrête le gavage, le foie récupérerait sa taille normale en une dizaine de jours, sans séquelles.
Alors, le foie gras est-il vraiment responsable de tous les maux ? N’est-ce pas plutôt l’élevage industriel qui serait à montrer du doigt, et les kilos de viande de batterie que l’on consomme allègrement hors période de fêtes. La production de foie gras n’est que la partie émergée de l’iceberg de la souffrance animale dans l’élevage.
Le foie gras respectueux du bien-être animal, ça existe ?
Le foie gras est-il alors ou non respectueux du bien-être animal ? Pour l’association L214, la production de foie gras est hors-la-loi car la réglementation européenne considère que « aucun animal [ne doit être] alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles » (6). La production de foie gras est d’ailleurs interdite en Europe, sauf dans les pays où il s’agit d’une « pratique actuelle » : France, Belgique, Espagne, Bulgarie et Hongrie. La commercialisation de foie gras est d’ailleurs interdite en Californie ou en Inde.
Production de foie gras : ce que dit la législation française
La production de foie gras en France reste pourtant légale, et les conditions d’élevage sont définies par la loi de telle sorte que le gavage reste une pratique autorisée. Les éleveurs de canards gras s’engagent d’ailleurs à fournir aux animaux une alimentation de qualité et saine. La charte de l’élevage des canards gras garantit également l’accès des canards à un parcours extérieur.
Un élevage d’oies à foie gras ©iPics
Dans la lutte pour ou contre le foie gras, on peut peut-être faire la part des choses entre les élevages industriels de canards gras et les éleveurs artisanaux, qui garantissent un élevage et un abattage souvent dans le respect du bien-être animal.
La foie gras sans gavage, ça existe
Il existe quelques structures qui produisent du foie gras sans gavage. La société Aviwell, en Ariège, commercialise ce type de foie gras d’oie sans gavage. Leur « foie naturellement gras » est plus petit qu’un foie gras classique mais possède sensiblement le même goût. Il nécessite six mois d’élevage au lieu de trois mois pour le foie gras. Le prix de ce foie gras sans gavage est également sensiblement plus élevé que celui du foie gras classique : le prix de la bonne conscience sur la table de fête ?
De même, on peut trouver du foie gras sans gavage originaire d’Espagne ou du Canada, généralement issu d’oies. On peut par exemple trouver du foie gras bio d’oie de marque Sousa & Labourdette, issu d’élevages espagnols.
Existe-t-il du foie gras bio ?
Le foie gras bio, ça n’existe pas. En effet, le gavage est une pratique interdite par le cahier des charges de l’agriculture biologique. Si on vous propose donc du foie gras bio sur un marché du Sud-Ouest, vous pouvez rire gentiment de la boutade. En revanche, le canard peut être nourri avec du maïs bio et local : un bon point pour l’éleveur, mais qui ne peut pas néanmoins bénéficier de l’appellation bio.
Pas convaincus par le foie gras sans gavage ? Ou vous êtes végétarien mais souhaitez retrouver le goût du foie gras ? Passez alors au faux gras, le foie gras vegan ! En réalité une terrine végétale à base d’huile de coco, de noix de cajou et d’épices. Certes, il n’a pas vraiment le même goût que le foie gras traditionnel. Mais il aura le mérite d’ouvrir le débat lors de votre repas de Noël. Vous pouvez faire vous-même votre foie gras végétal mais aussi acheter le véritable Faux Gras de marque Gaïa, ou encore le Veg’Gras ou d’autres pâtés végétaux aux champignons.
Illustration bannière : Foie gras – © margouillat photo