Poursuivons notre tour de France des initiatives innovantes qui façonnent une nouvelle économie, une nouvelle société. Posons nous à Montreuil au restaurant Casa Poblano, un restaurant que ses habitants pourraient s’approprier et faire vivre. Autogéré et solidaire, le CASA Poblano peine pourtant à attirer les riverains . Visite guidée d’une utopie concrète confrontée aux réalités du quotidien.
De la difficulté de passer de l’utopie à la réalité
Le monde des utopies concrétisées (ou en cours de concrétisation) n’est pas tout rose ; le cas du Casa Poblano l’illustre parfaitement.
Les associations, collectifs et entreprises qui s’engagent sur des voies alternatives n’échappent pas aux contraintes auxquelles doivent faire face les organisations classiques dans un système capitaliste. Comme les autres, ils doivent trouver leur public afin de légitimer et pérenniser leur existence
Le fait de se lancer dans une démarche solidaire ne garantit pas la réussite. Cela ne fait pas disparaitre comme par magie les difficultés. Au contraire. Il est important de ne pas les occulter afin d’avoir une vision claire des défis à relever.
Les premiers pas difficiles d’un espace innovant
Le cas du CASA Poblano est intéressant à double titre.
D’abord parce que ce Centre Autonome Solidaire et Artistique installé à Montreuil est un lieu enthousiasmant où souffle un air de monde nouveau. Ensuite parce les porteurs du projet ont dû essuyer plus de plâtres pour le mener à son terme que tous les agents immobiliers de la place de Paris réunis (au propre comme au figuré).
- L’histoire commence en 2002. Falko (le pilier actuel des lieux) et une cinquantaine de copains issus des mouvances alternatives voient leur bar associatif fermer. Déçus mais pas résignés, ils décident de prospecter des friches industrielles pour concevoir un projet « autogéré, indépendant, autofinancé, militant et associatif », raconte Falko.
- Leur but ? « Créer un nouvel, et surtout différent, espace polyvalent d’aide aux associations, aux actions de solidarité, à la création artistique sous toutes ses formes, aux échanges de services et d’idées ».
Suivent 5 années de prospection pour trouver le lieu idéal.
L’idée d’acheter des locaux est vite abandonnée, question de prix !. Les joyeux compères se tournent finissent par trouver, au bout de cinq ans un grand local à louer « brut à construire » dans le Bas-Montreuil. Mais tout était à faire, l’eau, l’électricité, la réputation.
Au fait, un restaurant solidaire, c’est quoi ?
Un restaurant solidaire est aussi un espace de communication, d’actions sociales, et aussi pour échanger et promouvoir des idées pour le développement de l’économie solidaire et sociale.
Un restaurant solidaire s’intéresse au « profit social » et au capitalisme populaire et aide les gens à ne pas tomber dans la grande pauvreté. Il existe des restaurants solidaires gérés sous forme d’associations, sous l’enseigne du réseau RDESS, et parfois sous forme de scop.
« L’immeuble est pourri, les voisins aussi »
Les galères ne faisaient que commencer. Le local n’est pas celui de leurs rêves mais, « on a trouvé que ça. Dès le départ, on cherchait un endroit sans voisins. Ici l’immeuble est pourri au niveau son, les voisins aussi »*.
Manoeuvres dilatoires
Les problèmes se sont accumulés de suite.
Les voisins, installés depuis 3 ans dans cet immeuble quasi neuf « se sont habitués au silence. Ils ont donc tout fait pour qu’il dure ». Ils ont fait preuve d’une persévérance inouïe pour ralentir les travaux, allant jusqu’à « mettre de l’eau dans le groupe électrogène ».
Ils ont également multiplié les procédures et fini par trouver une faille : le garage à vélo de l’immeuble, trop bas de 20 centimètres… Le propriétaire n’a eu d’autre choix que de réaménager l’endroit, et au passage rogner 30 m² sur le restaurant. Pas un drame en soi, sauf que les 30m² en question se trouvaient au niveau de l’issue de secours du CASA Poblano.
Pas le choix, malgré l’avancement des travaux, « on a dû démolir pour tout reconstruire ».
L’affaire est allée devant la justice, le collectif a finalement remporté la bataille, mais à quel prix ! « Le groupe de départ a éclaté, les gens sont partis les uns après les autres ». Les dettes elles, par contre, ne se sont pas envolées. « J’ai quasiment tout pris à mon compte. Ma maison qui était hypothéquée a été saisie et je me suis retrouvé à la rue ».
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