Panique générale au Portugal ! Suite aux incendies meurtriers de 2017, le gouvernement a ordonné aux propriétaires de défricher leurs espaces boisés. Le délai est court puisqu’ils ont jusqu’au 15 mars pour le faire, faute de quoi, ils s’exposeront à des amendes salées.
Au Portugal, le gouvernement a décidé d’agir suite aux incendies mortels de 2017. Les propriétaires doivent couper les arbres dans un rayon de 50 mètres devant chez eux. Et ce décret fait réagir les maires, mais aussi les journalistes.
Au Portugal, les propriétaires doivent couper les arbres pour éviter de nouveaux incendies
Les terribles incendies qui ont frappé le Portugal en 2017 ont fait 109 morts. Le gouvernement a donc décidé d’agir pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Et pour ce faire, l’exécutif a modifié le 14 février un décret de loi datant de 2006. Désormais, les propriétaires d’espaces boisés doivent les défricher et couper tous les arbres dans un rayon de 50 mètres autour des maisons, des usines, des chantiers…
Après l’incendie © Armando Frazao
Avec l’appui financier des municipalités, ils doivent en priorité arracher les pins maritimes et les eucalyptus, hautement inflammables. Pour les inciter, le gouvernement a décidé de sévir financièrement : les propriétaires réfractaires s’exposeront à des amendes, qui ont désormais doublé : 280 à 10.000 euros pour une personne physique, 3.000 à 120.000 euros pour une personne morale.
Les forêts couvrent deux tiers du territoire portugais
Mais pour certains, c’est « Une mission impossible », comme le titre le Jornal de Negócios(1), ce mardi 27 février. Et pour cause, les forêts couvrent tout de même deux tiers du territoire portugais. Le quotidien économique évoque notamment « l’angoisse des maires » à l’heure où le gouvernement les somme de mener à bien cette opération d’ampleur, d’ici au 15 mars. Le Premier ministre António Costa rencontre de plus en plus de maires mécontents, qui jugent « herculéenne » la tâche qui leur est imposée.
Ils se sentent esseulés puisque les pompiers refusent de les soutenir. Si ce grand nettoyage forestier fait beaucoup réagir dans la presse, il montre la division des divers journaux lusitaniens. Certains éditorialistes s’affichent en faveur du projet quand d’autres font part de leurs doutes ou s’indignent des conditions de sa réalisation, notamment au vu du délai et des amendes. Ainsi, le journaliste de Público, Manuel Carvalho, évoquant les tragédies de l’an passé accuse « l’incurie des propriétaires et la négligence des municipalités »(2).
Habitations au milieu de la forêt en Algarve © Sopotnicki
Des milliers de personnes défigurent leur jardin
Les journalistes se répondent au travers d’éditos virulents. Et ce, même dans un titre commun. Ainsi, ce mardi 27 février, dans une de ses chroniques intitulée « Les élites et le monde rural », l’architecte paysagiste Henrique Pereira dos Santos lui répond toujours dans Público : « Non, cher Manuel Carvalho, il ne s’agit pas de ‘tout faire’, mais de faire ce qui est juste, soutenable, sur la base d’un contrat social équilibré, et seulement ça, rien de plus. Et rien de ça n’est en train d’être accompli par l’État, bien au contraire »(3).
Dans le Diário de Notícias, Pedro Tadeu, de son côté, critique vertement la mesure qui engage les Portugais à couper les arbres autour de chez eux(4). « Comme le rapportent les journaux, des milliers de personnes, par peur des amendes ‘à couvrir’, défigurent leur jardin, transforment en petits déserts des oasis de verdure, de fraîcheur et de repos….», écrit Pedro Tadeu, qui conclut : « Le traditionnel manque de clarté et la maladresse de nos autorités sont en train de provoquer, encore une fois, un désastre écologique. Quel crime ! »
Illustration bannière : Feu de forêt au Portugal – © Steve Photography