Depuis le 1er juillet 2012, une nouvelle réglementation européenne (1) oblige les vignerons à procéder à une recherche systématique de traces de lait ou d’œuf dans leurs cuvées, et à réaliser un étiquetage spécifique lorsque les quantités détectées dépassent 0,25 mg/litre. Étonnant ? Pas tant que ça …
Des traces d’œuf et de lait dans… le vin !
Une technique ancestrale
Comment est-il possible de retrouver de tels composants dans… le vin ? ! On peut y croire car il s’agit des ingrédients utilisés depuis toujours par les vignerons pour clarifier le vin. Le lait est utilisé sous forme de protéines (lysozyme, caséine), et l’œuf sous forme d’albumine. Ils rentrent dans les « pratiques et traitements œnologiques autorisés ».
Ces adjuvants permettent de réaliser l’opération de « collage » des vins, c’est-à-dire de les clarifier, en fin de vinification. Ils créent un voile à la surface du vin qui descend lentement au fond de la cuve, entraînant toutes les particules indésirables avec lui. C’est grâce à cette technique que les résidus organiques ne restent pas en suspension dans les cuves.
Des dosages infinitésimaux
Aux dires des professionnels du vin, cette pratique ancestrale est la plus efficace pour la clarification du vin. Et elle ne laisse quasiment pas de traces : « Les résidus d’œuf ou de lait sont éliminés avec les impuretés qu’ils ont drainées, par des soutirages successifs des cuves », explique Michal Issaly, le président des Vignerons indépendants de France (Vif).
Véronique Girard, œnologue au Centre œnologique de Bourgogne chiffre plus précisément les traces retrouvées : « Depuis une décennie, les doses utilisées ont beaucoup diminué. Elles sont aujourd’hui de 5 grammes par hectolitre pour la caséine et de 10 à 20 grammes pour le blanc d’œuf, si bien que les quantités résiduelles dans les bouteilles sont infinitésimales ».
Une réglementation contre les allergènes
Alors pourquoi vouloir doser ces infimes résidus d’œuf et de lait dans le vin ? Il s’agit de prévenir les risques d’allergies à ces produits. La décision a été prise par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a rendu trois avis sur le sujet en octobre 2011, en collaboration avec l’Organisation internationale du vin.
Or seulement 0,3 % des adultes sont allergiques aux produits à base d’œuf et 1 % aux protéines de lait…
Des étiquettes encombrées
La réglementation s’applique aux vins issus de raisins récoltés à partir de la vendange 2012 et étiquetés après le 30 juin 2012. Les étiquettes devront mentionner les affirmations suivantes : « Contient des traces de lait », « Peut contenir des protéines d’œuf ».
Elles vont rejoindre celles déjà en vigueur sur les sulfites ou les dangers du vin pour les femmes enceintes. Encore des informations supplémentaires pour les consommateurs !
On peut se réjouir que cette nouvelle réglementation réponde bien au principe de précaution. Mais on peut s’étonner aussi de voir que les sulfites n’aient pas le même traitement : ils sont seulement mentionnés, sans être dosés, alors qu’ils peuvent varier de 3mg/l (pour des vins dits « natures ») à plus de 180 mg/l pour les vins rouges « industriels ». Pourtant, à ces doses-là, les sulfites peuvent aussi déclencher des intolérances, notamment chez les asthmatiques.
Autre sujet d’étonnement : le collagène de poisson, le caramel, les protéines de blé et de pois ou encore le bois de chêne font partie des nombreuses substances que les vignerons sont autorisés à mettre dans leurs cuves durant le processus de vinification. Pourquoi ne pas les mentionner aussi sur les étiquettes ?
Juste pour le principe de transparence…
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(1) directive 2007/68/EC