Pêcher les soles et autres poissons plats avec des filets électrifiés : voilà la ‘nouvelle’ technique de pêche utilisée par les pêcheurs néerlandais, et à plus grande échelle depuis mars 2014. En mars dernier, la Direction des affaires maritimes et de la pêche à la Commission Européenne de Bruxelles les a en effet autorisés à doubler leurs chaluts équipés pour la pêche électrique en Mer du Nord.
Les vrais problèmes environnementaux causés par la pêche électrique
Le débat fait rage sur les avantages et les inconvénients de cette pêche. Dans une perspective de pêche plus durable, voulue par la Commission européenne et par la majorité des instances maritimes de chaque pays, dont la France, chacun y va de son argument en faveur de l’environnement.
La pêche électrique évite de racler les fonds marins
Avec des points de vue – et des omissions – qui font toute la différence….
Selon les Néerlandais : moins de dégâts sur les fonds marins, et avec moins de carburant
La pêche électrique est plus respectueuse de l’environnement, selon eux ! Ils avancent 2 avantages majeurs pour la protection de l’environnement :
- elle ne racle plus les fonds marins comme le font les filets traditionnels utilisés en France notamment pour pêcher les poissons plats (ils vivent en effet sous le sable, ou proches du sable). Donc, puisque cette pêche ne fait plus de ravages sur les fonds marins, elle les protège. Les animaux vivants dans le sable, comme les crabes, ne sont pas pêchés. Au final, il y a donc moins de rejets de poissons ou d’animaux indésirables.
- le fait ne plus racler, et donc de tirer le filet sans résistance diminue de 50 % le consommation de carburant. Donc cette pêche est plus économique en carburant.
Un troisième argument
Emiel Brouckaert, Président de la Rederscentrale (la Fédération des armateurs de pêche belges) à Zeebrugge, met en avant un 3e argument, non exprimé officiellement par les Néerlandais, mais bien connu (et rappelé plus haut par les spécialistes de la pêche en eaux douces) : l’efficacité des cette pêche électrique. « Elle permet plus de prises en moins de temps », rappelle-t-il.
Et si on associe plus de poissons et moins de carburant, cette pêche électrique est donc… 2 fois plus rentable !
Le dos éclaté des limandes : info ou intox ?
On a vu une photo circuler sur le web, montrant des taches rouges sur le dos des limandes. « Il s’agit d’une photo de 2010 prise par un chalutier belge après le passage d’un chalut électrique néerlandais », explique Antony Viera, chargé de mission au Comité des pêches Nord-Pas de Calais Picardie à Boulogne-sur-Mer, qui a réussi à remonter jusqu’à la source de la photo.
« Mais il est impossible de prouver que ce sont ces chaluts qui ont fait causé ces dommages sur les limandes ».
Un poisson qui aurait été pêché en mode électrique, abîmé par la technique.
Un avis partagé par Emiel Brouckaert, le Directeur de la Rederscentrale à Zeebrugge qui connait bien ses photos et qui en a vu d’autres plus récentes, mais qui lui aussi demande des preuves.
Olivier Leprêtre, Président du Comité des pêches du Nord-Pas de Calais/Picardie partage aussi les mêmes doutes et attend lui aussi des preuves : « Il peut aussi s’agir de poissons qui se débattent en fond de filet qui ne sont pas électriques », suppose ce vendeur de poisson interrogé à Dunkerque.
En Belgique, l’ILVO (l’Institut des Recherches de l’Agriculture et de la Pêche) et l’Université de Gand qui travaillent sur le dossier de la pêche électrique ont proposé aux pêcheurs des navires côtiers d’aller sur leurs bateaux pour vérifier scientifiquement quelle est la source de ces blessures particulières.
La fin des ressources halieutiques
Selon les pêcheurs français et belges : la pêche électrique est synonyme de mort annoncée des ressources halieutiques en mer du Nord.
Le vrai problème environnemental de cette pêche n’est bien sûr pas soulevé par les Néerlandais, mais par les Belges et les Français. Ils travaillent dans les mêmes eaux de la mer du Nord que leurs concurrents hollandais.
En France, la mer du Nord commence tout juste dans le détroit du Pas-de-Calais. Les pêcheurs français de cette zone qui comprend essentiellement les ports de Dunkerque et de Calais ne sont donc pas nombreux… À leur grand dam !
Belges et Français dénoncent ensemble ce qu’ils considèrent comme un vrai danger pour l’environnement, bien plus grave que les bienfaits annoncés sur les fonds marins et les économies de carburants – qu’ils reconnaissent volontiers d’ailleurs : la destruction des ressources en poissons.
« À côté des arguments sur la baisse du gasoil et la préservation des sols marins, les Néerlandais oublient de dire que cette technique est catastrophique pour les ressources marines ! Cette pêche tue tout ! Y compris les petits poissons, les juvéniles. Et tout y passe, pas seulement les poissons plats. Les cabillauds aussi, s’il y en a », s’insurge Jean-Michel Lalau, capitaine du chalut Le Manoot’ch à Dunkerque.
Affaire à suivre donc…
(1) La surveillance des mers et du littoral, en soutien à la politique publique de gestion du milieu et des ressources. A partir d’avis ou de rapports d’études, de campagnes d’évaluation, de réseaux de surveillance ou de suivi du milieu marin, l’Ifremer apporte son expertise sur des grandes questions scientifiques dans les domaines de compétences de l’Institut et en lien avec les professionnels.
(2) /www.lavoixdunord.fr/region/produits-de-la-mer-quand-la-peche-electrique-fait-ia36b49147n1973519