Benoît Quintard, vétérinaire au zoo de Mulhouse, nous parle des animaux confinés

Le Zoo de Mulhouse se situe dans le premier cluster de l’épidémie de COVID-19 en France. À situation exceptionnelle, fonctionnement exceptionnel. Benoît Quintard, vétérinaire et Directeur adjoint du zoo, nous explique comment ont réagi les animaux confinés…

Rédigé par Julien Hoffmann, le 27 May 2020, à 18 h 25 min
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Le fonctionnement d’un zoo nécessite des routines aussi nombreuses qu’essentielles comme le nourrissage, le soin aux animaux, l’enrichissement de milieu (faire en sorte que les animaux s’épanouissent par le jeu et l’action) ou encore le nettoyage.

Un zoo et ses animaux confinés pendant la crise sanitaire

Ces habitudes et tâches quotidiennes sont bouleversées depuis l’arrivée du Covid-19, comme nous l’explique Benoit Quintard, véterinaire au célèbre Zoo de Mulhouse qui du haut de ses 150 ans compte parmi les plus vieux de France.

Benoît Quintard © Benoit Quintard

ConsoGlobe – Quels sont vos animaux les plus impactés techniquement par le confinement et le COVID-19 et en quoi le sont-ils exactement ?

Benoît Quintard : Durant cette période spéciale nous avons évidemment dû modifier notre quotidien tout en faisant en sorte que cela n’affecte en rien le bien-être de nos animaux.

Si les équipes du parc présentes sur site ont été diminuées des deux tiers, toutes les activités se sont centrées sur nos animaux.
Nourrissage, nettoyage, gestion de la santé et du bien-être (par de l’enrichissement du milieu par exemple) ainsi que la sécurité des enclos sont désormais nos seules préoccupations.

Du coup, les animaux confinés ne perçoivent pas de changement dans la qualité des soins qui leur est fournie. En revanche, l’absence de visiteurs est certainement quelque chose qu’ils ressentent. Certains de nos animaux qui interagissent particulièrement avec le public sont en demande d’encore plus d’attentions de la part de leurs soigneurs…

Enfin, un autre détail qui a changé : le port de masques dans le cas de travail rapproché (moins de 2 mètres) avec certaines espèces, qui au cours des semaines de ce confinement ont été reconnues comme potentiellement sensibles.
Dans le cas du parc zoologique et botanique de Mulhouse, il s’agit de nos grands félins, de nos gibbons et de nos loutres.

ConsoGlobe – D’un point de vu comportemental, la fréquentation nulle du zoo change de facto le comportement des animaux. Est-ce que vous êtes parvenus à des résultats que vous n’aviez jamais atteints auparavant (reproductions, soins, training, etc.) et que vous imputez au confinement ?

Benoît Quintard : Il est encore trop tôt pour évaluer un impact sur la reproduction, mais la situation nous a en effet amené à réaliser des actes en training (entrainement médical pour faciliter les actes) auxquels nous n’aurions pas pensé il y a quelques mois….
Ansi afin de tester certains de nos animaux pour le Covid dans le cadre d’une étude nationale, nous les avons entraînés à se faire écouvillonner [N.D.L.R. : nettoyer à l’aide d’une brosse cylindrique] une narine. Ainsi en quelques semaines, nos gibbons et presque tous nos grands félins sont parvenus à accepter cette manipulation sans aucun stress.

Grâce à la variété d’espèces qu’un établissement zoologique peut héberger, nous participons ainsi de façon pro-active avec nos animaux à la recherche sur cette maladie et son potentiel zoonotique, tout en garantissant leur bien-être.

La recherche fait partie de nos missions et cette étude réalisée dans les meilleures conditions permettra de prendre les potentielles mesures nécessaires pour la protection de la santé et du bien-être de nos animaux.

ConsoGlobe – Vous menez ou participez à de nombreux programmes de conservation d’espèces, en quoi le confinement et le COVID-19 impactent-t-ils votre travail sur le sujet ?

Benoît Quintard : Qu’elle soit in-situ ou ex-situ, cette mission continue !

Pour ce qui est de la conservation ex-situ, nous continuons de faire de la reproduction et de suivre les recommandations des coordinateurs pour chacune des espèces concernées, soit plus de la moitié des espèces hébergées au parc zoologique et botanique de Mulhouse. Une démonstration récente est la naissance de 3 panthères nébuleuses en plein confinement.

animaux confinés

Les 3 nouveaux venus de Panthère Nébuleuse © Catherine KOHLERZoo de Mulhouse

La seule difficulté en ce moment réside dans les échanges d’animaux et donc par exemple la formation de nouveaux couples reproducteurs. Avec la fermeture des frontières, tous nos échanges sont à l’arrêt, mais ce n’est qu’une pause. Les transports nationaux ont déjà repris… Cependant l’impact économique qu’aura cette crise sur de nombreux parc zoologiques fragilisera leur budget et donc leur capacité à réaliser tous les transports prévus.

Heureusement à Mulhouse nous disposons du soutien financier de la M2A (Mulhouse Alsace Agglomération), qui nous assure la continuité de toutes nos missions !

Et celles-ci incluent également la conservation in-situ ! Nous continuons donc de nous investir dans les associations dans lesquelles nous participons activement en tant que membre du bureau, trésorier ou toute autre implication personnelle.
C’est le cas notamment pour l’AEECL (Association Européenne pour l’Étude et la Conservation des Lémuriens) ou la WAPCA (West African Primate Conservation Association).

De plus notre soutien financier aux 22 projets que nous accompagnons aux quatre coins du monde est assuré. Un soulagement pour ces associations de terrain qui bien souvent ne vivent que d’une année sur l’autre grâce aux appels de fonds…
Par exemple grâce à notre soutien les 96 salaires payés par l’AEECL (gardes, enseignants, etc) seront assurés cette année, afin de soutenir les populations locales et donc par ricochet les lémuriens.
Cependant pour ces associations qui pour certaines ne vivent que de l’aide des parcs zoologiques, la menace est réelle ! La crise a sévèrement affectés certains zoos qui ne pourront pas se permettre d’aider financièrement …

Ainsi en 2020 ce seront certainement moins que les habituels 2 millions d’euros annuels qui seront reversés parc les parcs zoologiques français aux associations de conservation de terrain…

ConsoGlobe – Le Zoo de Mulhouse est aussi un parc botanique vieux de 150 ans, est-ce que vous avez pu observer des changements dans sa fréquentation par la faune locale ?

Benoît Quintard : Nous possédons au sein du parc une faune très riche ! De nombreux écureuils vivent et sont observés quotidiennement dans le parc, un couple de blaireaux a élu domicile depuis quelques années dans la forêt du fond du parc. Pour les autres espèces, ce sont plus des incursions furtives comme dans le cas d’un chevreuil récemment.

Les hérons cendrés en profitent pour nidifier dans le parc ! © Catherine KOHLER / Zoo de Mulhouse

En ce qui concerne les oiseaux, nous avons le plaisir de pouvoir observer des cigognes évidemment, mais aussi la plus grande héronnière d’Alsace (74 couples reproducteurs l’an dernier), un couple de grands-ducs, des chouettes effraies, des pics mais aussi citelles, roitelets et autres passereaux en nombre… Cette avifaune est suivie régulièrement par la LPO (Ligue de Protection des oiseaux).

Nous verrons si le confinement aura eu un impact sur leurs recensements annuels. À l’heure actuelle et « à l’oeil nu » difficile de dire si un changement a eu lieu, et ce que ce soit pour les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les amphibiens ou encore les insectes.
Des indices sur l’évaluation de la présence de ces derniers pourront être observés au sein de nos 2 banc-refuges installés l’an dernier et dans la vitalité des ruches présentes sur le parc.

ConsoGlobe – Après avoir finalisé l’arrivée d’ours polaire, vous meniez un projet de développement d’un nouveau pôle « Afrique ». Où en est ce projet ?

Benoît Quintard : Pour l’instant le projet n’avance évidemment pas sur le terrain puisque ne concernant pas directement le bien-être direct des animaux que nous hébergeons.
Cependant, l’architecte, externe au parc, continue de travailler sur l’élaboration de l’appel d’offres qui sera envoyé aux entreprises, je l’espère, le plus tôt après la reprise de leurs activités…

ConsoGlobe – Plus globalement, en tant que professionnel reconnu du milieu zoologique, que vous inspire cette pandémie pour la suite ?

Benoît Quintard : Cette pandémie est un révélateur extrêmement fort et très impactant des conséquences que peuvent avoir nos pratiques quotidiennes sur la nature mais aussi sur nos propres vies.

Même si le braconnage et le trafic d’animaux sauvage, ainsi que les pratiques alimentaires associées, peuvent paraître éloignés de nos pratiques quotidiennes, notre système de surconsommation pousse à toujours devoir davantage déforester pour davantage planter, rechercher tel minerai ou tel hydrocarbure…
Cette déforestation provoque le rapprochement des populations animales et de l’homme. Elle accroît donc les risques de ce type de transmission animal-homme, sans même considérer le cas précis des marchés de viande de brousse qui ont permis le rapprochement des espèces directement à l’origine du covid (chauve-souris et pangolins).

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Les Ouistitis Pygmées vivent le confinement en famille © CatherineKOHLER / Zoo Mulhouse

Et malgré les désespérantes files d’attentes observées devant les Mc Drive à l’annonce de la réouverture de l’enseigne, nous devons rester optimistes sur le fait que cette crise nous aura fait évoluer dans nos pratiques quotidiennes.
Elle nous a fait prendre conscience que nous pouvons aisément fonctionner en consommant beaucoup moins et qu’au final ce qui nous manque le plus dans cette période de confinement est certainement le relationnel à l’autre : familles et amis !

Bref, c’est peut-être une bonne façon de prendre conscience qu’il est nécessaire de nous recentrer sur l’essentiel…

Cette prise de conscience fait partie de nos missions premières et dès que la réouverture sera possible, les équipes pédagogiques du parc seront à pied d’oeuvre pour sensibiliser tous nos publics au respect que nous devons aux animaux et à la nature en général…

Illustration bannière : Une grande diversité de lémuriens est présente au Parc zoologique et botanique de Mulhouse © Quoc Dat
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