Turkménistan : après 54 ans de feu, la Porte de l’Enfer bientôt éteinte ?

Le désert brûle moins fort. Au Turkménistan, la Porte de l’Enfer, ce cratère incandescent qui enflamme le sol depuis plus d’un demi-siècle, commence à perdre en intensité. Mais qu’est-ce qui a changé ? Et pourquoi maintenant ?

Rédigé par , le 16 Jun 2025, à 9 h 30 min
Turkménistan : après 54 ans de feu, la Porte de l’Enfer bientôt éteinte ?
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Longtemps laissée à l’abandon au nom du spectaculaire, la Porte de l’Enfer devient aujourd’hui l’objet d’un chantier inédit. Sous l’impulsion de nouveaux engagements climatiques, le Turkménistan tente de maîtriser l’un des foyers les plus emblématiques de son inertie environnementale. Une opération autant technique que politique.

Porte de l’Enfer : quand le feu devient symbole d’impuissance

Le 2 juillet 1971 marque l’ouverture d’une blessure flamboyante dans le sol du Turkménistan. À environ 270 kilomètres au nord d’Achgabat, les géologues soviétiques forent une cavité suspectée de contenir du gaz naturel. La terre s’effondre, un cratère de plus de 70 mètres de diamètre et 30 mètres de profondeur apparaît. Craignant une intoxication au méthane, les ingénieurs prennent une décision radicale : y mettre le feu, pensant que le gaz se consumerait en quelques jours. Plus d’un demi-siècle plus tard, les flammes brûlent encore…

Pourquoi est-il si difficile d’éteindre la Porte de l’Enfer  ? Parce que le sous-sol de la région de Darvaza est une véritable poche de gaz naturel, et que les réseaux de fissures rendent le feu inextinguible sans intervention massive. Le méthane continue d’alimenter la combustion en permanence. Ce gaz, 84 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur une période de vingt ans, est un fléau climatique. Les autorités turkmènes ont longtemps laissé le cratère flamboyer. L’image était spectaculaire, touristique, presque mythique. Le feu devenu attraction. Mais la réalité est autrement plus toxique. Il faut savoir que le cratère émet sans interruption du méthane depuis les années 1970, sans que personne ne prenne de mesures sérieuses pendant des décennies.

Porte de l’Enfer : vers une extinction programmée ?

Le tournant a eu lieu en 2024, sous pression des engagements climatiques et des partenariats internationaux. Turkmengaz, la société nationale, initie une série de forages techniques pour capter le gaz au lieu de le brûler. En avril 2025, environ 600.000 mètres cubes de méthane étaient extraits chaque jour via trois nouveaux puits. Le 6 juin 2025, Irina Lurieva, la directrice de Turkmengaz, assurait devant les journalistes : « Aujourd’hui, il ne reste qu’une faible source de combustion. Nous avons réduit d’un tiers la zone active ». Les capteurs du satellite MARS, un programme conjoint entre l’ONU et le Turkménistan qui permet une surveillance continue des émissions de méthane, ont confirmé cette baisse visible depuis l’espace. Entre novembre et décembre 2024, les satellites n’ont détecté aucune émission sur les sites opérés par Turkmengaz, preuve tangible du succès de l’intervention.

L’extinction progressive du cratère de Darvaza ne relève pas d’un simple geste écologique, elle incarne une évolution politique. Le Turkménistan, qui jusqu’en 2023 refusait de rejoindre le Global Methane Pledge (engagement de réduction de 30 % des émissions d’ici 2030), veut désormais se positionner comme acteur climatique responsable. Et cela passe par la fermeture de sa cicatrice brûlante.



Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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