Des accidents de chasse mortels qui concernent majoritairement les chasseurs
Chaque mort liée à la chasse relance le débat autour de son interdiction les week-ends et vacances, mais aussi celui lié au décompte de ces décès. Car si le président de la Fédération de chasse Willy Schraen en décompte moins d’un par an, l’Office français de la biodiversité (OFB) ne fournit pas les mêmes chiffres. Et pour cause, une différence de taille existe entre les deux décomptes : la prise en compte des accidents de chasse dont les victimes ne sont autres que les chasseurs eux-mêmes. Le bilan de l’OFB publié chaque année rapporte ainsi, pour la saison 2020-2021, 80 accidents, dont 7 mortels. Parmi ces derniers, 86 % concernent des chasseurs, le reste étant des victimes ne pratiquant pas l’activité, à l’instar de promeneurs ou de personnes dans leur jardin, voire dans leur voiture. Le 4 novembre 2021, un automobiliste de 67 ans décédait des suites d’un tir de chasse alors qu’il roulait à hauteur de la commune de Laillé, entre Nantes et Rennes. Plus récemment, en février 2022, une promeneuse de 25 ans était tuée par une chasseuse de 17 ans, auteure d’un tir dramatique. La victime était alors en train de se promener sur un sentier balisé du Cantal.
Des morts médiatisées, qui provoquent l’émotion de l’opinion publique, à l’instar de celle de Morgan Keane, touché mortellement par un tir de chasse alors qu’il coupait du bois dans son jardin. Suite à son décès survenu fin 2020, une pétition avait été lancée en septembre 2021 par le collectif « Un jour un chasseur », dont la création a été motivée par cet accident mortel. Une pétition qui a rapidement dépassé les 100 000 signatures sur le site Internet du Sénat, permettant son examen en conférence des présidents. Les auteurs demandent l’interdiction de la chasse le dimanche et le mercredi, « sur l’ensemble du territoire français et sans possibilité aucune de dérogation. » Une mesure notamment souhaitée par Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Les deux candidats à la récente présidentielle veulent ainsi interdire aux chasseurs de pratiquer leur activité les week-ends et vacances scolaires, estimant qu’il s’agit d’un enjeu de sécurité pour les Français.
La chasse cause la mort de plusieurs personnes chaque année – ©Shutterstock.
Emmanuel Macron pour le maintien de la chasse les week-ends et jours fériés
Alors qu’à gauche, les politiques insistent donc sur l’aspect sécuritaire, à droite, les élus défendent une tradition ancestrale, à l’image d’Emmanuel Macron qui durant la dernière campagne présidentielle a adressé une lettre aux présidents des fédérations départementales de chasseurs. Dans cette missive, relayée entre autres par le site Chassons.com, le président réélu propose la création d’un « délit d’entrave rural » pour faire obstruction aux opposants, dont les actions sont parfois à l’origine de tensions importantes. Ce « délit d’entrave rural », lequel profiterait notamment aux chasseurs, est une demande émise de longue date par la Fédération nationale des Chasseurs. Celui-ci avait d’ailleurs failli être adopté en 2019 par le Sénat, qui proposait alors de punir ce délit de 30 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Actuellement, faire obstruction à un acte de chasse est passible d’une amende de 5e classe, soit environ 1500 euros.
Dans cette même lettre, le président de la République estime que les chasses traditionnelles « font partie du patrimoine et de l’histoire de nos territoires » et qu’elles ne sont pas « une menace pour la biodiversité et les populations d’oiseaux, et font l’objet de quotas très stricts ». Emmanuel Macron dit ainsi avoir « demandé au gouvernement de reprendre des arrêtés, qui sont en cours d’examen au Conseil d’État » car le chef de l’État est « convaincu qu’ils sont conformes au droit européen ».
La chasse, une tradition ancestrale pour Emmanuel Macron – ©Shutterstock.
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Rappelons que la chasse à la glu – technique consistant à déposer de la colle sur des branches pour capturer vivants des merles noirs ou des grives – n’est plus autorisée en France depuis juillet 2021, alors qu’elle était possible sous dérogation depuis 2009 ; le Conseil d’État estimant désormais cette technique de chasse « contraire au droit européen ». « Il n’est pas démontré que les autres oiseaux capturés accidentellement avec cette méthode le sont en faible nombre et sans conséquence grave », conclut-il pour l’heure.
Un bras de fer entre le gouvernement et le Conseil d’État qui ne concerne pas que la chasse à la glu, le premier prenant chaque année des arrêtés autorisant les chasses traditionnelles dans certaines régions, tandis que le second en annule plusieurs. Motif à chaque fois invoqué par le Conseil d’État pour annuler ces autorisations de chasse accordées par le gouvernement : celles-ci « ne sont pas conformes aux exigences du droit européen ». Des interdictions qui provoquent régulièrement la colère des chasseurs, lesquels sont majoritairement soutenus par les candidats de droite. Dans sa lettre, Emmanuel Macron prend d’ailleurs position en faveur du maintien de la chasse les week-ends et jours fériés, au titre « d’activité populaire ».
Parmi les autres mesures en faveur des chasseurs, le chef de l’État propose – en concertation avec les élus ruraux – de renforcer les « missions de police de la chasse de l’OFB », afin de « lutter contre les incivilités environnementales ». Une mesure déjà proposée par Willy Schraen, président de la Fédération des chasseurs, lequel n’a d’ailleurs pas caché son intention de vote dès le 1er tour de la présidentielle : Emmanuel Macron.
« Aucune loi ou amendement pouvant abîmer la chasse n’a été adopté dans ce quinquennat. À chaque fois qu’on a eu un problème à régler avec un ministre de l’Écologie, il est intervenu », se félicitait ainsi Willy Schraen.
Il faut dire que la chasse, forte d’1,1 million de pratiquants licenciés, concerne de nombreuses familles en France : plus de 4 millions. Il s’agit donc d’un vivier électoral conséquent, qu’Emmanuel Macron n’a eu de cesse de séduire dès 2017 avec pour résultat l’adhésion totale de Willy Schraen. Un patron des chasseurs habitué aux sorties polémiques, dont les dernières datent de ce vendredi 6 mai.
La France compte 1,1 million de chasseurs licenciés – ©Shutterstock.
Le patron des chasseurs recommande aux promeneurs de « rester chez eux »
Invité de la chaîne LCP, Willy Schraen était notamment interrogé sur les accidents mortels de chasse. Des accidents qui ne concerneraient qu’une personne tout au plus par an, en France, estimait-il avant de rappeler que « la nature n’est pas à tout le monde ». « Et les gens qui racontent ça, des mecs comme Jadot, des mecs comme Mélenchon, ‘tout est open, allez-y promenez-vous, la nature est à tout le monde’, c’est pas vrai, c’est pas ça la vraie vie », insistait-il tout en assurant : « on peut toujours se prendre une balle perdue, mais (…) vous avez beaucoup plus de chance d’être tué par un assassin en France que par un chasseur ».
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Le président de la fédération des chasseurs avait ainsi un message pour les promeneurs : « rester chez eux », car « 85 % du territoire national est privé en France ». Il ne resterait donc aux Français que 15 % du territoire national pour se promener « en sécurité », notamment durant les week-ends, jours fériés et vacances.
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir de nombreux internautes, mais aussi la PETA, qui s’est fendue d’une lettre à Willy Schraen. Une missive accompagnée d’un cadeau – un pistolet à eau -, avec un message clair pour le patron des chasseurs : « Plutôt que traquer un animal terrifié, pourquoi ne pas poursuivre au jet d’eau votre femme, vos enfants, ou même vos voisins, s’ils souhaitent participer au jeu, et laisser les animaux couler de longs jours heureux ? »
Si pour l’heure, le principal intéressé n’a pas répondu à cette lettre, ConsoGlobe vous laisse la parole dans son sondage du mardi. Êtes-vous pour ou contre l’interdiction de la chasse les week-ends ?
Faut-il interdire la chasse en week-end ?Poll Options are limited because JavaScript is disabled in your browser.
Oui, je souhaite l'interdiction de la chasse les week-ends. 61%,
Je suis contre l'interdiction de la chasse les week-ends. 23%,
Je souhaite une pratique de la chasse davantage encadrée, avec notamment un permis de chasse qui ne soit plus valable à vie. 16%,
Total Votes: 32736
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