Le nudge : quand le marketing s’invite dans les campagnes anti-covid

Êtes-vous encore libre de vos choix ou pensez-vous seulement l’être ? C’est toute la magie de la technique du nudge, qui vise à influencer vos décisions sans que vous en ayez conscience…

Rédigé par Paul Malo, le 19 Jun 2021, à 13 h 00 min
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Le meilleur moyen de faire passer une décision est qu’elle suscite l’adhésion, voire que l’idée semble venir de la personne devant la prendre.

Une « nudge unit » inspirée des méthodes d’Obama

C’est au fond à cela que se résume le « Nudge », littéralement le coup de coude, mais plus un coup de pouce communicationnel. Une nouvelle technique de communication utilisée en entreprise comme en politique et venue, comme souvent, d’outre-Atlantique.

Depuis le début de la crise du Covid-19, elle aura d’ailleurs été utilisée à maintes reprises par le gouvernement français. C’est en effet dès le printemps 2020 qu’un proche historique d’Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, fait appel à l’expert en la matière de ce côté de l’océan depuis 2013, Eric Singler, directeur général du groupe BVA.
Au final, tant pour éviter les erreurs de communication que pour aider à faire passer les mesures prises, une véritable « nudge unit » sera donc mis en place, comme l’avait fait jadis un certain… Barack Obama.

Sa mission : faire que vous ayez envie spontanément d’adhérer à ce qui vous est annoncé. Cette méthode, déjà utilisée jadis par le ministère de l’Économie pour faire accepter le passage à la télédéclaration, a en fait été utilisée par les équipes d’Emmanuel Macron dès sa campagne présidentielle.
On retrouve ses techniques pour susciter le plus de dons possible, définir les éléments de langage et les visuels de la campagne du candidat. Une mise en pratique des sciences comportementales qui suffira à faire basculer suffisamment d’hésitants pour franchir le cap du premier tour. La suite de l’histoire est connue.

Quelques petits exemples concrets en vidéo

Des frictions, des « rôles modèles » et des leviers d’action

Mais on sait moins que, dès 2017, un département sciences comportementales composé de cinq personnes sera créé au sein de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), sous l’égide de  Thomas Cazenave, ancien directeur adjoint de cabinet d’Emmanuel Macron.
Son rôle : conseiller tant les différents ministères que le SIG, Service d’information du Gouvernement. Pour mieux comprendre les politiques publiques, ou pour influencer ?

En effet, sur quoi repose exactement ce concept de nudge ? Il semble tout droit sorti d’un feuilleton américain mettant en scène les sciences du comportement, de Mentalist à Bull. En marketing, ses incitations visent à influencer tout en douceur nos choix de consommation. À vous faire passer de l’intention à l’action, au travers de ce que l’on appelle des « rôles modèles » ou « messagers » et en faisant appel à des leviers d’action pour identifier et réduire les frictions.

À lire aussi – Quand le nudge donne un coup de pouce à l’écoresponsabilité

Dans un contexte d’épidémie de Covid-19, les exemples sont légions : rappeler que des millions de gens ont déjà été vaccinés sans souci, diffuser les images d’Olivier Véran se faisant vacciner, comme ses homologues des autres pays… Ou bien faire rêver à l’après, comme la dernière campagne de publicité de Santé Publique France.

Les notes rédigées par les équipes de BVA durant la crise du Covid préconisent l’expression « masques grand public » pour les masques en tissu, ou proposent des « recommandations » visant à « préparer et communiquer positivement autour du reconfinement », et « créer un discours engageant mobilisateur, qui permette à chacun de comprendre pourquoi un reconfinement est nécessaire et de le vivre bien. »

Quelles frontières éthiques dans son utilisation ?

Plus encore, le concept même des Français en première, deuxième ou troisième ligne face au virus vient du nudge, de façon à ce que chacun, naturellement, sache où est sa place et son rôle durant cette pandémie. De là à considérer que l’on passe de la communication politique à la manipulation des masses en appliquant des méthodes de sciences comportementales, il n’y a qu’un pas. Surtout quand il s’agit de faire accepter des confinements, des couvre-feux ou le port du masque, autant de mesures coercitives et restrictives des libertés fortes et inédites en temps de paix.

Ce serait oublier l’autre facette du levier et des méthodes utilisées pour susciter l’adhésion : la sanction. Sans amende en cas de non-respect des mesures imposées, elle serait sans aucun doute bien moindre. Que reste-t-il alors de la notion même de libre arbitre, entre suggestion, manipulation, communication et contrainte ? S’il a fait les preuves de son efficacité, en marketing comme en politique, le nudge fonctionne aussi au prix de frontières éthiques largement repoussées.

Mais à quel prix ? En avril dernier, à tout juste un an de la prochaine élection présidentielle, le SIG a lancé un appel d’offres de 800.000 euros visant à la  «  fourniture de prestations de conseils en économie comportementale » et à la mise en place « d’experts seniors en nudge. »

illustration bannière : ‘À chaque vaccination, c’est la vie qui reprend’ – campagne publicitaire sur la vaccination  –  @  ministère des Solidarités et de la Santé
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