Alors que les conséquences de l’activité humaine sur le climat sont l’objet de toutes les attentions, la transition vers des énergies durables est lancée. Les moyens de production d’énergie verte se sont largement développés, mais la logique environnementale doit désormais se saisir d’une nouvelle question : celle des énergies grises. L’énergie grise correspond à la somme de toutes les dépenses énergétiques requises pour la production des infrastructures énergétiques, y compris panneaux solaires, puits géothermiques, ou éoliennes. Dans le cas des aérogénérateurs, ou éoliennes, l’un des principaux composants est l’aluminium, un métal dont la production est encore trop souvent réalisée à partir d’énergies au bilan carbone lourd. Un point noir à lever donc pour que l’énergie du vent soit encore plus propre.
Énergie grise : les dessous de la production d’aluminium pour les éoliennes
Chaque année, 500 éoliennes environ sont mises en service en France, pour une capacité totale d’environ 1.000 MW, soit l’équivalent de la puissance d’une centrale thermique et demie. Une tendance qui devrait encore s’accentuer, grâce aux projets de construction en cours de 6 parcs éoliens off-shore de grande envergure le long du littoral. S’il faut se réjouir de la multiplication des moyens de production d’énergie « décarbonée » sur notre territoire, l’impact majeur de l’activité humaine sur l’environnement nous force à pousser la logique verte plus loin, pour également assainir la production des matériaux nécessaires à la captation éolienne.
Plus de 2 tonnes de matériau par éolienne, mais une compensation en moins de 8 mois
Les éoliennes utilisées pour capter l’énergie du vent et la convertir en électricité sont composées de deux pièces maîtresses : un mât et des pales. Généralement, le mât est constitué d’un alliage d’acier et d’aluminium, soit environ 2,3 tonnes par modèle. Les pales des petites éoliennes peuvent également être en aluminium du fait de la légèreté et de la solidité de ce matériau.
L’analyse du cycle de vie (ACV) permet de quantifier l’ensemble des impacts environnementaux d’un objet ou d’un processus, de sa conception jusqu’à sa fin de vie, généralement en matière de quantité de matériaux bruts ou d’énergie utilisée ou encore de gaz à effet de serre émis.
Derrière trop d’éoliennes : du charbon chinois.
Énergie grise : un bilan énergétique contesté par certains
D’après les recherches du Professeur Robert Crawford de l’école de design de l’Université de Melbourne, spécialiste de l’analyse des cycles de vie, l’ACV d’une éolienne de 850 kW montre qu’elle émettrait 1.763 tonnes de CO2eq, quand une éolienne de 3.000 kW générerait 5.530 tonnes de CO2eq. Concernant le ratio gaz à effet de serre par kWh fourni, une éolienne de 850 kW dégagerait ainsi environ 59,19g CO2eq/kWh, une éolienne de 3.000 kW, 52,61g CO2eq/kWh, tandis qu’une centrale nucléaire émettrait entre 20 et 50g CO2eq/kWh, un ouvrage hydroélectrique environ 35g CO2eq/kWh, une centrale thermique au charbon… 1.000g CO2eq et une centrale de gaz naturel entre 400 et 800g CO2eq par kWh produit.
L’éolien émettrait donc davantage de CO2 que le nucléaire ou l’hydroélectrique ? Le Syndicat des Énergies Renouvelables français nous répond : « Nous ne sommes pas en mesure de valider cette source, car il s’agit d’hypothèses particulières qui ne correspondent pas à ce que nous avons l’habitude de considérer ». Les travaux du SER donnent effectivement des résultats très contrastés, indiquant que « l’énergie consommée durant le cycle de vie d’une éolienne de 2 MW est intégralement compensée en moins de huit mois de fonctionnement ».(1)
L’urgence d’une approche verticale de la production d’aluminium
Quoi qu’il en soit, l’énergie grise due à la production d’aluminium doit être nettoyée. La Chine assure à elle seule 52 % de la production mondiale d’aluminium : 28 millions de tonnes par an, dont une dizaine de millions est exportée. Elle est, charbon oblige, responsable en parallèle de 68 % des émissions de gaz à effet de serre imputables à l’aluminium.
La COP21 a mis sur la table la question des gaz à effet de serre, et de nombreux pays ont pris des engagements majeurs afin de réduire les émissions. Pourtant, on voit que les acteurs et décideurs souffrent d’un manque de vision globale sur ce terrain relativement neuf. Les efforts déployés, s’ils ne vont pas au bout du raisonnement, reviendront à essayer de remplir un tonneau troué. Il va falloir aussi nettoyer la production d’aluminium et d’autres sources d’énergie gr!se qui interviennent dans la construction d’infrastructures d’énergies renouvelables.
Pour l’heure, l’emploi des énergies hydrauliques pour la production d’aluminium est un pas dans la bonne direction, et il faut l’applaudir. Mais les efforts environnementaux seraient bien plus efficaces s’ils étaient partagés par tous. Une utopie ? Pas forcément. Si la COP21 s’emparait de la question de la traçabilité de l’aluminium, et insistait pour que davantage de transparence soit instaurée sur son processus de production, peut-être cesserait-on d’en commander à la Chine et consorts jusqu’à ce que ces pays soient contraints d’opérer, à leur tour, un virage vert.