Les céréales, moins saines que les traditionnelles tartines du petit déjeuner français ? Pas si sûr ! Avec l’aide de spécialistes, on décrypte les idées reçues.
Les céréales du petit déjeuner sont-elles mauvaises pour la santé ?
Elles ont tendance à supplanter le pain au petit déjeuner, spécialement chez les enfants. À grand renfort de marketing, elles se sont imposées sur les tables françaises. Sont-elles vraiment à condamner ?
Les céréales sont trop sucrées : FAUX
« J’entends fréquemment dire qu’elles contiennent plus de 80 % de sucre ! C’est totalement faux ! » proteste le Dr Laurence Plumey, médecin nutritionniste, praticienne des Hôpitaux de Paris, spécialisée dans la prise en charge du surpoids et de l’obésité, et fondatrice de l’école EPM Nutrition. Son livre, « Sucre, Gras et Sel », qui sortira en octobre aux éditions Eyrolles, remet en cause beaucoup d’idées reçues et entend lutter contre la « diabolisation » actuelle de certaines catégories d’aliments.
« En réalité, il y a 80 % de glucides, répartis entre l’amidon des céréales (40 à 60 % ) et les sucres simples, sous forme de sucre, chocolat, miel, sucre des fruits (60 à 40 % ). Dans un bol de 35 g de céréales, il y a la même quantité d’amidon que dans une grosse tranche de pain et autant de sucre que dans une belle cuillère de confiture : elles représentent donc une alternative très intéressante au pain et biscottes !«

Un bol de céréales pour bien démarrer la journée © Afanasieva
Elles sont parfaites pour démarrer la journée : VRAI
« Au petit déjeuner il faut manger du sucre« , rappelle le docteur Plumey. « C’est un repas important en termes d’énergie, qui a besoin de glucides : que l’enfant trouve ce sucre via la confiture, le miel, les céréales, peu importe ! Se faire plaisir, c’est essentiel« . D’autant que les céréales, même raffinées, apportent aussi des protéines végétales, des minéraux, dont le fer, et des vitamines, surtout du groupe B (20 à 25 % du besoin quotidien par portion de 35 g). Ces dernières jouent un rôle important dans le métabolisme des cellules : les céréales en sont la première ou deuxième source d’apports chez les enfants, selon l’étude Inca2 menée par l’ANSES. « Si votre enfant prend des céréales, évitez simplement d’ajouter une autre source de sucre à son petit déjeuner, conseille la nutritionniste. Ne lui donnez pas en plus des biscuits ou des tartines… mais du lait et des fruits !«
Elles permettent de tenir toute la matinée : FAUX
« Si l’enfant ne mange que ça, il aura faim vers 11 heures, car les céréales raffinées et extrudées ont un index glycémique élevé, qui va provoquer un pic de glycémie dans la matinée. Mais on peut les faire cohabiter avec un aliment riche en fibres, une pomme, une salade de fruits…. ou rajouter dans son bol des fruits séchés, des oléagineux… et l’index glycémique va baisser ! Certes, une alimentation qui ne serait composée que d’aliments raffinés à index glycémique rapide ne serait pas bonne pour la santé, mais ce qui compte c’est une moyenne sur la journée, la semaine ! » insiste le docteur Plumey. « Trop de fausses rumeurs circulent. On peut manger de tout, c’est une question de doses !«
Céréales du petit-déjeuner : limiter les quantités
Oui mais… « le problème c’est que les enfants ne prennent que ça, et en grande quantité ! Dans l’étiquette nutritionnelle, les fabricants calculent les quantités de sucre, sel, gras, calories, pour une portion de 30 grammes… ce qui ne représente même pas un bol complet« , remarque Maëlle Feret, nutrithérapeuthe, auteur de « Manger sain en famille » et co-fondatrice de Ma BiHo Box. Cette quantité recommandée ne représente que 76 à 114 kcal, mais elle est rarement respectée ! « La notion de portion est très importante, reconnaît le docteur Plumey. C’est sûr qu’un grand bol rempli à ras bord totalisera une trop grande quantité de sucre ! Mais ce n’est pas dramatique si on varie les petits déjeuners.«

Les céréales comportent un risque de dépendance : VRAI
Selon Maëlle Feret, « un des vrais problèmes de l’alimentation moderne, ce sont les sucres cachés dans les additifs alimentaires, les conservateurs, exhausteurs de goût… Le sucre est en fait partout, et nos métabolismes sont ainsi constamment incités à la dépendance. Les additifs alimentaires, comme le glutamate monosodique, seraient une des principales causes de notre dépendance à la nourriture industrielle qui en regorge. Plus on en mange, plus ils donnent faim et plus on a envie d’en manger ! » Le docteur Laurence Plumey le reconnaît : « Plus on habitue les enfants à manger sucré, plus ils aiment les choses sucrées ! Mais il n’y a pas d’aliments à bannir, l’idéal c’est d’alterner et de varier les petits déjeuners.«
Elles contiennent du sel « caché » : VRAI
On trouve aussi dans les céréales industrielles du sirop de glucose-fructose de blé et de maïs – fortement mis en cause comme facteur d’obésité, de l’huile, des « maltodextrines » , des émulsifiants… et du sodium, donc du sel. « Ces histoires de sel caché, c’est ridicule, tempère le docteur Plumey. En quantité raisonnable on arrive à 300 mg de sodium : dans un bol de céréales, ce n’est pas grand-chose au regard de la quantité raisonnable sur la journée… 4000 mg de sodium ! C’est comme pour le sucre : l’important, c’est de bien doser, limiter la consommation de ces céréales raffinées : 30 à 40 grammes selon l’âge de l’enfant, jusqu’à 50 grammes chez un adolescent. Aucun aliment n’est mauvais pour la santé, il faut simplement connaître la dose de consommation idéale. «
Céréales : Une bonne occasion de boire du lait ? VRAI
La majorité des cas, les enfants consomment leurs céréales avec du lait : c’est leur grand intérêt, car souvent, il est difficile de leur en faire absorber passé un certain âge. « Les enquêtes de comportement alimentaire montrent que l’enfant pubère commence à se détourner peu à peu du lait. Il faut être très vigilant : les besoins en calcium durant l’adolescence sont 30 % plus élevés que ceux d’un adulte, et 70 % des adolescents manquent de calcium ! »
Parfaites avec un yaourt ? VRAI
Si votre enfant refuse le lait même avec les céréales, ne le laissez pas les grignoter sans rien (comme beaucoup d’enfants et d’ados, qui se contentent de plonger la main dans la boîte !) Proposez plutôt du yaourt : très peu calorique, ce laitage concentre les qualités nutritionnelles du lait – son calcium, ses protéines, ses vitamines – tout en fournissant un lactose et des protéines « pré-digérées » (grâce à la fermentation) donc plus digestes. Il peut donc être absorbé même par les enfants intolérants au lactose.
Pour bien consommer les céréales, le docteur Laurence Plumey conseille de commencer par verser un grand bol de lait à l’enfant… et d’y jeter une bonne poignée de céréales, deux si c’est une poignée d’enfant… pas davantage !

Il est conseillé de manger ses céréales avec du lait© Chamille White
Toutes les céréales ne se valent pas ? VRAI
Non seulement les céréales destinées aux enfants sont « extrudées » (ce qui donne l’aspect « soufflé » et croustillant, mais augmente l’index glycémique) mais elles sont souvent chocolatées, voire fourrées au chocolat, caramel, pâte de noisettes… ce qui fait grimper en flèche le taux de lipides et le nombre de calories (1 à 3,6 grammes pour 100 g… contre 15 à 17 grammes/100g pour les variétés chocolatées). Mais là encore, pas d’affolement selon le docteur Plumey : « Le petit déjeuner est un repas qui doit être énergétique. Que ce soit le beurre sur les tartines ou la pâte aux noisettes dans les céréales fourrées, quelle importance ? On peut très bien en prendre tous les jours à condition de ne pas en abuser« .
Les plus simples sont les meilleures ? VRAI
Parmi les innombrables variétés de céréales destinées aux enfants, ce sont les corn flakes « nature » (simples pétales de maïs grillés, inventés à la fin du XIXe siècle par un médecin au nom resté célèbre, le docteur John Harvey Kellogg) qui sont les plus sains, grâce à leur très faible teneur en graisse (0,8 g pour 100 g) , sucres et sels ajoutés. Même si leur index glycémique est élevé (75) il est inférieur à celui du pain blanc (95). À condition évidemment d’éviter de les arroser généreusement de sucre !
De même, vous pouvez opter pour des corn flakes enrichis en vitamines et minéraux, mais évitez ceux qui sont « glacés au sucre » ! Autre possibilité, choisir des céréales totalement naturelles, pétales de riz soufflé, maïs soufflé, blé soufflé, nature, sans ajouts de sucres ou d’additifs. « Et pourquoi ne pas essayer les muesli ou mieux encore, les granola, qui sont craquants et correspondent bien à la texture à laquelle sont habituées les enfants ? » conseille Maëlle Ferret. Cela permettra aussi aux enfants de découvrir une autre facette des céréales, des variétés comme l’avoine (l’une des céréales les plus complètes, source de nombreux bienfaits santé) ou le sarrasin, très digeste et reminéralisant… alors que les gammes industrielles destinées aux enfants sont essentiellement constituées de maïs et de riz.
Faire soi-même les céréales du petit déjeuner
Une bonne alternative aux céréales du commerce est de les faire soi-même, l’occasion de contrôler les sucres et additifs cachés.
On peut les faire soi-même : VRAI
C’est très simple et rapide : « Au petit-déjeuner, mélangez en proportions égales deux types de flocons ou pétales différents, ajoutez-y une poignée d’oléagineux et une poignée de fruits secs, c’est fait« , conseille Maëlle Ferret.
« Cela vous fera faire des économies, mais vous permettra aussi de choisir votre sucre, d’en contrôler les quantités, d’éviter tous les additifs « cachés »… et de faire découvrir aux enfants de nouveaux goûts, saveurs et textures ! » Pour une version granola, plus craquante, il suffit d’étendre votre mélange sur une plaque et de les passer une vingtaine de minutes au four.

Faites vous-même vos céréales © saschanti17
Elles rassurent (à tort ?) parents et enfants : VRAI
« Les boîtes de céréales industrielles, c’est beaucoup de marketing bien étudié pour séduire les enfants et les rassurer« , selon Maëlle Ferret . « Ils se sentent sécurisés, à savoir que dans tel paquet de telle couleur, il y a tel goût. Mais cela peut les empêcher d’aller vers d’autres saveurs, vers de nouveaux goûts, en les rattachant seulement à ce qu’ils connaissent ! » Si depuis tout petit on est habitué au goût sucré, c’est très compliqué de faire des transitions. Elles sont aussi sécurisantes pour les parents, puisqu’il y a des allégations santé sur l’emballage… mais celles-ci sont souvent fallacieuses, et soumises à aucune réglementation !
« Allégé en sucre« , « Riche en fibres« , ça ne veut rien dire, allégé ou riche par rapport à quoi ? Mieux vaut se fier à l’étiquette nutritionnelle, qui indique exactement les quantités de chaque ingrédient, les pourcentages de lipides, glucides, etc. Cela donne une indication assez précise, surtout en comparant deux ou trois paquets.
Elles sont pratiques : VRAI (parfois trop)
Les enfants apprennent vite à ouvrir le paquet tout seul et à se servir : moins compliqué que de couper et beurrer du pain, faire chauffer son chocolat… Du coup ils sont autonomes plus vite. Mais pas forcément plus dégourdis : « C’est beaucoup plus passionnant pour un tout-petit d’apprendre à mettre une tartine dans le toaster, la beurrer, étaler la confiture », assure Maëlle Ferret.
« À cet âge, ils adorent apprendre et participer. Mais aussi partager : le petit déjeuner peut être un bon moment de partage en famille, si on prend juste un peu de temps pour s’asseoir ensemble, au lieu de laisser les enfants manger leur bol de céréales tout seuls devant la télé ! C’est parfois le seul moment de la journée où c’est possible. On peut même vivre des aventures, le week-end, en essayant autre chose : s’amuser à préparer des petits déjeuners du monde, essayer les oeufs, le porridge à l’anglaise, fabriquer ses céréales, mettre des raisins secs dans son yaourt… et s’apercevoir qu’il ne faut pas se faire toute une montagne de l’inconnu !«
Article republié