Selon Christian Berdot, co-référent sur l’agriculture au sein des Amis de la Terre France : « Aujourd’hui, notre alimentation n’est plus une affaire privée. Nos choix alimentaires sont aussi des choix politiques qui ont des impacts sur la vie de nombreuses personnes dans le monde, ainsi que sur l’environnement, la biodiversité et les climats. » Ne peut-on donc plus manger de la viande tranquille ? Quoi manger pour être un consommateur responsable ?
Le passionnant Atlas de la viande – Réalité et chiffres sur les animaux que nous consommons, édité par les Amis de la Terre et la Fondation Heinrich-Böll-Stiftung apporte des réponses à ces questions en 60 pages et 80 graphiques. Et en soulève d’autres.
L’Atlas de la Viande, 2015, Les Amis de la Terre, Heinrich Böll Stiftung
Manger de la viande : « un choix politique »
Les Amis de la Terre posent le débat en termes catégoriques : « Les aliments présents dans notre assiette engloutissent d’énormes quantités de ressources. Les alternatives existent et sont connues : on peut produire et consommer différemment de la viande », insiste Christian Berdot. Il faut dire que les chiffres sont impressionnants.
Au niveau mondial, l’agriculture consomme 70 % de l’eau douce disponible. Un tiers est consacré à l’élevage d’animaux. Le secteur de plus en plus intensif de l’élevage est aussi un des plus gros consommateurs de terres et de cultures comestibles : plus de 40 % de la production de blé, seigle, orge et maïs est engloutie chaque année comme aliments pour animaux et un tiers de la surface mondiale cultivée (14 millions d’ha) y est consacré.
La production d’un kilo de boeuf nécessite 15 500 litres d’eau. Avec cette même quantité, on pourrait produire 12 kg de blé ou 118 kg de carottes. Pour produire un hamburger, 3,5 m2 de terres agricoles sont aussi nécessaires.
Les pays émergents nous rattrapent
La consommation de viande dans les pays dits « émergents » – Chine, Inde, Brésil, etc – va croissant, au fur et à mesure que la classe moyenne rattrape son retard économique.
A vous faire passer l’envie du steak
En une soixantaine de pages, l’Atlas résume les impacts de la production et consommation de viande : concentration de la production croissante au détriment des petits producteurs, conditions – pour les humains et la animaux – d’abattage questionnables, subventions publiques, impacts de la sur-fertilisation induite, réduction de la diversité des espèces d’élevage, prolifération bactérienne et donc d’antibiotiques, surconsommation d’eau, émissions de gaz à effet de serre, déforestation… le tout accéléré par l’accession à un régime carné par la classe moyenne croissante des pays émergents.
Barbara Unmüßig, co-présidente de la Fondation Heinrich-Böll-Stiftung, résume le tout, un brin culpabilisante : « La production industrielle de viande n’est pas seulement une torture pour les animaux, elle détruit aussi l’environnement et engloutit de grandes quantités de matières premières que nous importons du Sud pour nourrir nos animaux. L’Europe est, après la Chine, le plus grand importateur de soja. L’Argentine et le Brésil continuent d’accroître considérablement la culture du soja, qui est essentiellement mangé par les animaux que nous abattons. En augmentant notre consommation de viande, nous faisons grimper les prix des terres ».
Et de rappeler les conséquences donc « désastreuses » de notre consommation de viande : « d’un côté, près d’un tiers des terres mondiales sont utilisées pour élever de la nourriture pour les animaux, de l’autre, les petits paysans perdent leurs terres, et leurs moyens de subsistance ».
© « Atlas de la Viande », 2015, Les Amis de la Terre
On ne va pourtant pas ne pas manger !
Comment donc « consommer différemment » pour contrer ce système ? L’Atlas propose essentiellement deux pistes : passer à d’autres sources de protéines (on pensera aux plantes aquatiques, à la fausse viande, aux protéines à bases d’insectes), qui « émettent 80 % moins de méthane que les bovins et contiennent deux fois plus de protéines que le poulet et le steak », rappelle l’Atlas.
Ou devenir carrément végétarien ou vegan (ou végétalien). Aujourd’hui, ce sont entre 2 % et 10 % de la population en Europe, selon l’Atlas, qui ont fait ce choix, contre 31 % en Inde.
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