Le zircon : ce précieux minérai qui divise le Sénégal

Rédigé par Elodie, le 1 Sep 2015, à 9 h 13 min
Le zircon : ce précieux minérai qui divise le Sénégal
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Le sud-ouest du Sénégal est en proie à une guerre des ressources. Le sable de la région de Casamance est riche en zircon, un minerai qui pourrait remplacer le diamant notamment pour construire des sarcophages afin de confiner et ensevelir les déchets nucléaires « sans polluer » le sol.

Sauf que… ce minerai, qui attise la convoitise de l’entreprise sino-australienne, Astron, pourrait aussi détruire les terres de ce petit paradis sans retombées profitables pour la population locale, comme le promet l’entreprise.

Zircon : une exploitation qui met à mal l’écosystème

Niafrang est un petit village sénégalais aujourd’hui victime du zircon, qui pourrait détruire ses terres s’il venait à être exploité. Tout commence en novembre 2004, quand l’entreprise Carnegie reçoit un permis d’exploration de la part du gouvernement sénégalais afin d’exploiter les ressources en minerais, notamment zircon et titane de Niafrang et de ses alentours.

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Au total, avec l’exploitation du zircon utilisé dans la joaillerie et le nucléaire, Carnegie Minerals prévoyait d’empocher 8 millions de dollars par an, soit autant que ses exploitations de zircon en Gambie. Six ans plus tard, l’entreprise n’avait toujours pas commencé son projet et arrêtait son exploitation en Gambie suite à un litige avec le gouvernement local. En 2013, le groupe Astron et sa filiale Senegal Mineral Ressources Ltd. reprennent le « projet Niafrang » avec les mêmes promesses que Carnegie. La valeur nette de ce projet est estimée par l’entreprise à 92 millions de dollars.

Une population et des touristes qui se mobilisent

Sauf qu’une partie de la population s’est rebellée contre la décision du gouvernement sénégalais prévoyant l’exploitation des ressources minières de la région, craignant ainsi pour la santé des habitants, la destruction de l’environnement et des retombées économiques finalement moindres que ce qui avait été promis au départ, et qui, dans tous les cas, ne profiteraient aucunement, ou alors très peu, à la population locale.

zircon

A Niafrang, de nombreuses pétitions ont été lancées et un comité de mobilisation s’est formé depuis plusieurs années. Car, ce qu’oubliait de préciser Astron, ou du moins, ce qu’il essaye de minimiser, c’est la disparition d’une dune de sable empêchant aux villages d’être ensevelis par l’eau de la mer.

De plus, exploiter le zircon toucherait aussi la nappe phréatique, augmenterait les risques de cancers et détruirait aussi une partie de la biodiversité sur terre comme sur mer. Et, face à la menace de l’exploitation du zircon qui menacerait le paysage et les habitants, les touristes se sont mêlés à l’affaire.

Des magouilles tueuses derrière le zircon

Des touristes qui sont critiqués par l’entreprise Astron qui voit en eux des : « Européens qui rêvent de vacances, et pour eux la Casamance, comme l’Afrique, n’est qu’une terre de vacances. Pour eux, on n’a pas droit au développement. Pour eux l’Afrique, c’est la fête, la bamboula »(1). D’ailleurs, Ibrahima Diaw, consultant du cabinet qui a travaillé pour Astron sur l’impact environnemental qu’aurait le projet, rejette toutes les accusations dont Astron est victime et assure que le projet est sécurisé, sinon « il n’aurait pas été accepté par le gouvernement.»

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Zircon : la Gambie déjà victime

Sauf que le Comité de lutte de Niafrang affirme le contraire au vu de la situation en Gambie qui a été victime elle-aussi d’un projet zircon exploité par l’entreprise Carnegie sas licence d’exportation. Suite à ce non-respect de ses engagements, la Gambie décida d’arrêter le partenariat avec l’entreprise d’exploitation de minerais. Carnegie porta ensuite cette affaire en justice et dit l’avoir gagné, sans, cependant, que quiconque ait vraiment la preuve de la véracité des propos de Carnegie.

De plus, les communautés gambiennes ont pu constaté les dégâts écologiques causés par l’exploitation du zircon avec une destruction de leurs rizières, de leurs mangroves, de leur cadre de vie et plus généralement de leur écosystème. Destin que le Comité de lutte de Niafrang refuse.

Au Sénégal, le sous-préfet de Diouloulou, la circonscription du « projet zircon », Gorgui Mbengue, fut enlevé et tué en 2006 par le MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance ) qui voulait l’indépendance de cette région sénégalaise. L’enquête n’a jamais vraiment prouvé que l’enlèvement et la mort ait eu un lien avec le « projet zircon », celui-ci avait réussi à calmer les tensions entre les villageois de Niafrang et Kabadjo, qui voulaient des retombées économiques et sociales pour leurs populations locales, et la compagnie minière.

S’il était avéré qu’il a été tué pour le zircon, son nom pourrait alors être ajouté à la liste des plus de 380 tués pour des affaires liées directement ou indirectement à la présence des sociétés australiennes minières sur le sol africain selon le Consortium International des Journalistes d’Investigation (Icij)(2).

Le sable de la Casamance vaut de l’or et les entreprises minières ainsi que les politiques sénégalais l’ont bien compris mais ceci, se fait au détriment des populations locales qui voient là leur écosystème se détruire et sont prêtes à se battre pour ne pas le voir détruit.

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Optimiste (un peu trop parfois), je suis une éternelle rêveuse qui collectionne les Petit Prince dans toutes les langues étrangères. A part la lecture, je...

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