Le virus Zika ne serait pas la cause des microcéphalies au Brésil

Un rapport élaboré par l’organisation argentine Médicos de Pueblos Fumigados, affirme que l’apparition de nouveaux-nés avec des microcéphalies, c’est-à-dire une tête de taille inférieure à la normale et un développement anormal du cerveau, dans le Nord du Brésil, n’aurait pas de relation avec le virus du Zika, mais avec un larvicide utilisé dans l’eau potable.

Rédigé par Lucia García Botana, le 23 Feb 2016, à 7 h 00 min
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L’agent chimique mis en cause est le pyriproxyfène, un insecticide visant à interrompre la reproduction des moustiques. D’après la revue brésilienne partenaire de consoGlobe.com, GreenMe, ce produit est utilisé  par  le gouvernement brésilien depuis un an et demi, surtout dans les zones du Nord, les plus pauvres du pays.

Un rapport élaboré par l’organisation argentine Médicos de Pueblos Fumigados montre la relation directe entre les villes où le pyriproxyfène a été ajouté dans l’eau et l’augmentation des cas de microcéphalies. Le Pernambouc en est un exemple frappant : dans cet État brésilien où le larvicide a été directement introduit dans le système d’approvisionnement d’eau, près de 4.000 nouveau-nés présentent cette malformation en 2015.

Selon les informations récoltées par les médecins argentins, « le pyriproxyfène est versé directement par le Ministère de la Santé dans les réserves d’eau potable du Pernambouc, où la prolifération du moustique Aedes est très élevée. Malgré les tentatives du gouvernement pour faire porter le chapeau au virus Zika, les malformations constatées sur des milliers de bébés et de femmes enceintes dans les zones où l’eau de consommation courante est traitée au pyriproxyfène, ne sont pas une coïncidence. »

L’association brésilienne de la santé collective (Abrasco) partage également ce point de vue. Selon elle, la cause la plus probable des microcéphalies serait les insecticides malathion et pyriproxifène. Ironie de la situation, ces produits sont utilisés par le gouvernement pour empêcher la prolifération des moustiques dans l’eau et lutter contre le Zika.

Le Zika pourrait ne pas être la cause des microcéphalies au Brésil, mais le larvicide pyriproxyfène

©REUTERS/Nacho Doce

Absence de relation entre Zika et microcéphalie dans les pays voisins

Jusqu’aux cas récents de microcéphalies, le Zika n’était pas considéré comme un virus malin aboutissant à des cas de maladies congénitales. En effet, un rapport de l’Institut National de la Santé (INS) de Colombie, le deuxième pays le plus touché par le virus, affirme que parmi plus de 25.000 cas de Zika recensés dans le pays, aucun n’a été lié à une microcéphalie.

Selon le ministre de la santé colombien, Alejandro Gaviria, la situation est la même dans d’autres pays affectés par le Zika : « À Montevideo, lors de la réunion des ministres de la santé à laquelle ont participé les représentants de 14 pays d’Amérique latine, aucun cas de microcéphalie n’a été rapporté ailleurs qu’au Brésil ».

Dans d’autres parties du globe, comme au Cap Vert où plus de 7.100 cas de Zika ont été recensés, aucun cas de microcéphalie non plus, et le virus est en bonne voie d’élimination.

L’OMS recommande le pyriproxyfène pour lutter contre le Zika

En réponse à cette vague de critiques, le gouvernement brésilien allègue qu’il n’y a pas d’évidences scientifiques prouvant que le larvicide provoque des microcéphalies et ajoute : « Le ministère de la Santé utilise uniquement des larvicides recommandés par l’OMS. Il s’agit donc de produits soumis à un processus d’évaluation rigoureux ».

En effet, le pyriproxyfène est l’un des douze larvicides recommandés par l’OMS pour réduire les populations de moustiques. Dans le rapport Pyriproxyfen in drinking water, l’Organisation Mondiale de la Santé assure que jusqu’à 1.000 milligrammes/kilo de poids corporel par jour, l’absorption de pyriproxyfène n’a pas d’effets toxiques. Sans s’arrêter là, elle affirme qu’une augmentation de cette dose n’aurait pas nécessairement de conséquences sur la santé.

Néanmoins, le gouvernement de l’État du Rio Grande do Sul a suspendu l’utilisation du pyriproxyfène depuis la semaine dernière. Secrétaire de la santé au niveau régional, Joao Gabbardo dos Reis explique avoir « décidé de suspendre l’utilisation du produit dans l’eau destinée à la consommation humaine, jusqu’à obtenir du Ministère de la Santé, l’assurance de l’absence de tout danger ».

Les géants de l’industrie chimique qui tirent profit du Zika

Le pyriproxyfène est un inhibiteur de la croissance des larves de moustiques, il les empêche de se développer et d’atteindre l’âge adulte. Il est fabriqué par l’entreprise japonaise Sumitomo Chemical, partenaire stratégique de la multinationale Monsanto.

Au cours de l’année 2015, Monsanto a tenté de racheter la société Syngenta, mais c’est son son principal rival ChemChina, qui semble en passe de devenir l’acquéreur de l’agrochimiste suisse. Or, l’une des entreprises du groupe chinois, la société britannique Oxitec, produit des moustiques génétiquement modifiés pour lutter contre le Zika.

Ainsi, une bataille économique sans merci semble se livrer ici entre Monsanto, derrière le pryriproxyfene, et son principal concurrent, derrière les moustiques génétiquement modifiés : deux techniques utilisées par le gouvernement brésilien et très critiquées pour leur manque d’efficacité et à présent (et sans grande surprise) pour leurs possibles répercussions sur la santé.

L’histoire de la rivalité entre les géants de l’industrie chimique amène à supposer que derrière le Zika et la microcéphalie, loin des tragédies humaines, stratégies économiques et lobbies oeuvrent en coulisses.

Si pour l’instant, il est difficile d’assurer que le pyriproxyfène entre en relation directe avec la microcéphalie, les preuves apportées par des organisations indépendantes mettent en évidence un doute qui ne saurait être négligé. La situation d’urgence sanitaire au Brésil nécessite une action efficace du gouvernement et des entités sanitaires responsables, autant contre le virus Zika que contre l’augmentation des maladies congénitales dont les microcéphalies, quelles qu’en soient les causes.

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J'ai grandi dans la région rurale de Galicia, en Espagne, où les montagnes et les forêts rencontrent l'océan Atlantique. Ma conscience envers la protection...

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