Paléo-énergétique : apprendre du passé pour mieux se préparer à demain

Et si des solutions énergétiques d’avenir pouvaient se trouver dans le passé ? C’est ce qu’avance Cédric Carles qui dépoussière les brevets industriels tombés dans le domaine public : oubliés de longue date, ils pourraient être utiles à la transition énergétique que l’humanité doit opérer dès à présent. La spécialité de ce designer quadra, donc : la paléo énergétique.

Rédigé par Stephen Boucher, le 23 May 2016, à 7 h 00 min
Paléo-énergétique : apprendre du passé pour mieux se préparer à demain
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En 1901, Zola, l’écrivain du réalisme social, imagine dans un essai d’anticipation peu connu intitulé « Travail », une société fonctionnant à l’énergie solaire, avec des héros cherchant à sauvegarder l’énergie. Quelques années plus tôt, dans son roman « L’Île Mystérieuse », Jules Verne écrivait : « Je pense qu’un jour, l’hydrogène et l’oxygène seront les sources inépuisables fournissant chaleur et lumière ». La transition énergétique, loin des carburants fossiles et vers l’énergie propre, est donc l’affaire du futur depuis longtemps.

C’est désormais l’affaire d’aujourd’hui, et il faut veiller à s’appuyer sur hier, nous explique Cédric Carles, passionné d’énergies nouvelles, fondateur de SolarSoundSystem et « paléo-énergéticien » à ses heures perdues.

La paléo-énergétique, c’est réécrire « ensemble l’histoire de l’énergie »

Pas dans le sens habituel de « ces écolos qui veulent nous faire revenir à l’âge de la bougie et du cheval de trait ». Cette image éculée est l’argument facile de ceux qui en sont à court, face à la perspective de sortir des énergies fossiles et nucléaires, chères, polluantes et centralisées. Mais plutôt dans le sens de fouiner pour retrouver des idées vieilles de plusieurs dizaines, voire centaines d’années : le passé recèle en effet un nombre important de solutions méconnues, avance le site paleo-energetique.org, animé par Cédric Carles.

Back to the future : ce que nous apprennent les brevets énergétiques du passé

Ce constat, Cédric Carles l’a fait après 15 années de recherche sur les smart grids et la précarité énergétique : « en développant des prototypes, je me suis aperçu qu’il n’y avait pas une ressource fiable sur qui avait innové et fait quoi » dans le domaine énergétique.

Alors « qu’on peut trouver en tant que designer, des centaines de catalogues sur l’histoire de la chaise, par exemple, ce n’est pas possible pour l’histoire de l’éolienne », comme si l’histoire de l’énergie se résumait aux installations de grande taille et aux grands inventeurs, les Watt, Edison et autres Tesla.

« C’est super, souligne Cédric Carles, qu’on ait fait de grandes centrales, mais la vision est aujourd’hui celle de la décentralisation des moyens de production, dans des innovations locales, on est plus dans l’adaptation : la prospective énergétique doit faire avec les énergies renouvelables, on doit être plus intelligent et moins consommer. » En ignorant les inventions du passé, « il y a des choses qu’on a laissées de côté à l’époque où l’on avait l’opulence énergétique ».

Concrètement, on est assis sur un trésor : tous les brevets déposés par les entreprises et les inventeurs, c’est une boîte de Pandore. Ça n’intéresse pas les industriels. Je ne leur jette pas la pierre, mais eux veulent mettre un brevet, pour protéger leurs inventions, chercher un investisseur, et ainsi créer une rente de situation.
Cédric Carles

Résultat : l’approche « j’ai trouvé comment fabriquer de l’électricité en me grattant les oreilles, donc je vais développer un brevet pour en faire un business » ralentit la transition. À l’inverse, tout ce qui est tombé dans le domaine public n’intéresse pas l’industrie. Révolution des temps, avec l’émergence d’une économie plus collaborative, reposant sur la fabrication partagée et le partage open source des inventions, apparaît la possibilité d’exhumer ces inventions ignorées et de les mettre au profit de tous, tout en créant des emplois.

Le passé, accélérateur de la transition énergétique ?

Selon Cédric Carles en effet, « il y a des inventions passées qui peuvent faire gagner de l’argent, et comme la transition énergétique est tellement rapide, il faut s’appuyer sur ce qui est déjà connu pour aller plus vite ».

Exemple : saviez-vous que, contrairement à ce qu’on a toujours laissé entendre, les piles alcalines, si courantes dans les années 1980-1990, étaient rechargeables ? Non pas éternellement, certes, mais entre 10 à 20 fois. Un chargeur de piles alcalines avait même été prévu par plusieurs marques ! L’équipe Paléo-énergétique développe actuellement un régénérateur/chargeur open source, qui sera opérationnel dans les prochains mois.

Sur le site paleo-energetique.org, on trouve toutes sortes d’inventions étonnantes, dignes pour certaines, des meilleurs crus du concours Lépine, et pour d’autres, de projets industriels d’ampleur : par exemple, pour les frileux, des semelles chauffantes inventées par Lavoisier, le père de la chimie moderne. Ou une cheminée solaire du début du XXe siècle générant de l’électricité à peu de frais. Ou encore une hydrolienne à parachute « adaptée aux méthodes d’autoconstruction ».

paléo énergétique

Derrière cette quête historique se cache une autre sagesse : en tant que designer, Cédric Carles est sensible à ces légendes urbaines communes dans le domaine énergétique, laissant espérer qu’on pourrait recharger son smartphone avec les plantes, ou construire des trottoirs qui génèrent de l’électricité. « C’est sympa, mais on se fourvoie, ce sont des aberrations scientifiques », insiste Cédric Carles.

L’urgence climatique impose d’accélérer la transition énergétique. L’urgence est aussi de regarder dans le rétroviseur et nous assurer que nous n’avons rien oublié.

Pour aller plus loin :

  • Site web : http://paleo-energetique.org
  • Facebook : https://www.facebook.com/paleoenergie
  • Twitter : https://twitter.com/paleoenergie
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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