Interview : ‘si les maires gouvernaient le monde’, ils sauveraient le climat !

Si les maires gouvernaient le monde, ils sauveraient le climat ! Telle est la théorie que défend le politologue et écrivain américain Benjamin R. Barber dans son ouvrage ‘Et si les Maires gouvernaient le monde ?’. Pour comprendre le pouvoir des élus locaux en matière environnementale, ConsoGlobe.com l’a interrogé lors d’une rencontre organisée par l’Association des Maires d’Île-de-France (AMIF).

Rédigé par Charlie Trisse, le 31 Mar 2016, à 12 h 00 min
Interview : ‘si les maires gouvernaient le monde’, ils sauveraient le climat !
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En prônant un Parlement des Maires qui gèrerait la gouvernance du monde, Benjamin R. Barber tente d’apporter une réponse à la crise de la démocratie représentative et à la paralysie des institutions internationales.

Vers une révolution des villes ?

Alors si la vision de Benjamin R. Barber apparaît comme prometteuse, il ne faut pas pour autant oublier que les villes peuvent également être guidées des intérêts propres et les élus locaux par une volonté de réélection.

Néanmoins, les initiatives locales se multiplient : éco-quartiers, végétalisation, promotion de l’agriculture locale et des commerces de proximité, aménagement urbain privilégiant la mobilité douce, etc. Les villes sont de véritables laboratoires d’innovations. Quarante grandes villes mondiales se sont par exemple rapprochées pour travailler sur le défi climatique au sein du Conseil International pour les Initiatives Écologiques Locales (ICLEI). Celui-ci qui a mis en avant le fait que « les administrations locales sont ce qu’il existe de plus concret en matière de lutte contre le changement climatique ».

Plus récemment, à la Mairie de Paris, s’est réuni le Sommet des élus locaux pour le climat dans lequel les maires du monde entier se sont engagés à lutter contre le réchauffement climatique allant au-delà des engagements pris par les États lors de la COP21.

Benjamin R. Barber

Né en 1939 à New York, Benjamin R. Barber est Professeur de sciences politiques à l’université du Maryland. Spécialiste de la société civile, il a été Conseiller du Président Bill Clinton sur les questions de citoyenneté.

Il est l’auteur de Jihad contre McWorld (1996, Hachette), oeuvre dans laquelle la mondialisation de l’économie apparaît comme une menace pour la démocratie. Son dernier ouvrage Et si les maires gouvernaient le monde ? : décadence des États, grandeur des villes est paru fin 2013 aux États-Unis.

consoGlobe.comDans votre ouvrage, vous affirmez que les États-nations n’arrivent plus à assurer leur rôle protecteur pour les populations et apparaissent dépassés par les évènements internationaux (réfugiés, conflits multiconfessionnels, climat, etc.). Vous affirmez que les villes sont alors les mieux placées pour répondre à ces problématiques, allant jusqu’à remplacer les États. Pourquoi ?

B. Barber : Aujourd’hui, les États-nations ont de plus en plus de difficultés à faire face aux problèmes sociétaux. Les grandes organisations internationales, dans lesquelles ils se réunissent pour décider de l’avenir du monde sont en panne, et n’assurent plus leur rôle de gendarmes du monde. De nombreux faits en témoignent : l’enlisement militaire en Irak ou en Lybie, l’absence de réponse au problème israélo-palestinien, la montée des extrémismes en Europe, l’accroissement des trafics humains, de produits illicites et d’armes, l’absence de réponse à la crise ukrainienne, etc.

Cette impasse politique engendre un sentiment d’abandon des populations face aux problèmes quotidiens auxquels elles sont confrontées, comme l’emploi, le bien-être ou encore la santé.

Plus spécifiquement, concernant la question environnementale, l’ONU semble incapable de contenir l’emballement du climat, malgré l’accord conclu à Paris. De petits États insulaires, comme les Maldives, pourraient donc disparaître et l’économie des grandes  puissances être ravagée, mais les États-nations semblent bien décidés à s’enfoncer, à garder intacte leur souveraineté, pourtant dépassée et amoindrie. La protection de leur souveraineté et la quête d’indépendance de leurs populations expliquent leur immobilisme, contrairement aux villes qui elles sont de véritables acteurs pragmatiques.

micro parlement maires

consoGlobe.com – Dans la lutte contre le changement climatique, en quoi les villes seraient-elles plus légitimes que les États pour prendre en charge la gouvernance du monde ?

B. Barber – Les villes rassemblent 50 % des habitants et sont à l’origine de 82 % du PIB de la planète. Dans le monde entier, la population leur accorde, parmi toutes les institutions, le plus haut niveau de confiance, contrairement à celle accordée aux chefs d’État et de gouvernement. Seuls 18 % des Américains font confiance aux membres du Congrès et 44 % au Président, contre 65 % pour les Maires.

De plus, c’est des villes qu’émanent les 4/5e des richesses mondiales, ce qui leur permet d’avoir une approche concrète de la situation sur le terrain et des solutions pour agir. Les villes sont également des laboratoires d’expérimentation. Elles sont innovantes, courageuses et dépassent les intérêts égoïstes des États, qui sont eux, mus par des logiques conquérantes et le maintien de leur souveraineté.

ville écologique

En matière climatique, par exemple, Los Angeles a réorganisé son port qui était le principal émetteur de CO2. New York s’est attaquée à l’amélioration de l’isolation et du chauffage des bâtiments. Quant à Paris,  elle s’est lancée dans la végétalisation des bâtiments. D’autres villes ont travaillé sur le recyclage, l’interdiction des voitures ou encore le drainage urbain. Les villes, par le biais des élus locaux, répondent à la demande directe de la population sur des problèmes concrets, rencontrés au quotidien.

consoGlobe.com – Chaque maire s’intéresse aux problèmes internes à sa ville, alors comment les villes pourraient-elles surpasser les États dans le domaine de la lutte contre le changement climatique sans tomber dans le piège de l’égoïsme et de la rivalité ?

B. Barber – Depuis toujours, les autorités locales discutent et coopèrent. Les villes font partie d’un réseau au sein duquel elles travaillent ensemble pour pallier aux carences des États. Comme c’est le cas par exemple pour les réfugiés. Par l’échange de bonnes pratiques et grâce à leur pragmatisme et à leur créativité, les villes peuvent aussi contribuer à la résolution du défi climatique.

Au sein de la COP21, les villes n’ont eu qu’un rôle d’observateur, ce qui ne leur permet pas de s’impliquer entièrement dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant  aujourd’hui, les villes sont le nouveau centre névralgique de la gouvernance mondiale. Elles devraient pouvoir influencer les acteurs étatiques.

Des regroupements municipaux ponctuels se constituent déjà dans de nombreux pays pour faire face à des crises spécifiques, mais il faudrait parvenir à tous les réunir pour collaborer au sein d’une organisation politique qui devra disposer d’un siège à l’ONU : le Parlement mondial des maires.

Ce Parlement serait la première institution « glocale », c’est-à-dire donnant des réponses locales à des problèmes globaux, adaptée au monde actuel. Il pourrait adopter des mesures efficaces là où les États soulignent l’urgence d’un problème qu’ils ne peuvent eux-mêmes résoudre, du moins pas sur le court et le moyen-terme.

Je vous donne donc rendez-vous du 10 au 12 septembre à la Haye, pour assister au premier Parlement des maires.

Pour en savoir plus : www.globalparliamentofmayors.org

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Titulaire d'un master 2 en "Journalisme et communication à l'international" de Sciences Po Aix et disposant d'un bachelor en "Relations Internationales" de...

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