Loi biodiversité : la France peut enfin rattraper son retard

La loi biodiversité française a été adoptée en mars 2015 et des mesures d’accompagnement annoncées en mai 2015. Bilan et perspectives pour la biodiversité.

Rédigé par Romane Dubrulle, le 26 May 2015, à 18 h 27 min
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La ministre française de l’environnement Ségolène Royal a présenté en conseil des ministres mercredi 20 mai une communication relative aux mesures d’accompagnement du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adopté en mars. Depuis 1976, aucune loi d’ampleur protégeant la biodiversité n’avait été votée en France. C’est l’occasion, face à la sixième phase d’extinction de masse d’espèces animales et végétales depuis la création du vivant, cette fois d’origine exclusivement humaine, de faire un point sur les avancées – ou non – que permet le projet de loi français pour la biodiversité.

Une action très tardive

C’est à partir des années 1960 seulement que la France commença à protéger ses espaces naturels. En 1976, la loi relative à la protection de la nature crée les réserves naturelles et une liste des espèces menacés. Cette loi est à l’origine de nombreux articles du code environnemental. Depuis, aucune loi d’ampleur protégeant la biodiversité n’avait été votée.

Les directives et les objectifs sont pourtant nombreux. La charte de l’environnement oriente toutes les décisions par son intégration dans la constitution, mais la charge est surtout symbolique. La commission européenne donne des directives environnementales aux Etats membres, dont elle en attend la mise en oeuvre. La France s’est aussi, elle-même, fixée des objectifs par la stratégie nationale pour la biodiversité. Cette stratégie s’étend de 2011 à 2020, et a pour volonté de faire entrer la biodiversité dans toutes les politiques publiques.

Enfin, la Convention sur la diversité biologique, négociée au sommet de Rio en 1992 et ratifiée par l’Union européenne en 2014, tardait à être intégrée dans les législations des pays signataires, dont la France.

Un devoir d’exemplarité

Le devoir d’exemplarité de la France est fort : celle-ci est en effet le deuxième espace maritime du monde et 21 % de ses espèces sont menacés, sur le seul territoire métropolitain. Dans les lagons de la Réunion, près d’un tiers des espèces marines sont menacées ou considérées comme vulnérables. La France se place ainsi au 6e rang mondial des pays abritant le plus d’espèces menacées.

La France a aussi une position particulière et un statut atypique notamment sur le partage des ressources génétiques. En effet, elle est à la fois fournisseur et exploitante des ressources génétiques. Beaucoup de ressources se situent dans les DOM-TOM, et elle est en même temps une importante consommatrice de ces produits par les grands groupes pharmaceutiques et cosmétiques.

La loi biodiversité de 2015 : effort de rattrapage

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages concrétise enfin les directives et tente d’atteindre ces objectifs. Ce projet était fort attendu, annoncé depuis 2012 par François Hollande, il était déjà en cours de préparation par l’ancien Ministre de l’environnement, Philippe Martin. C’est pour finir Ségolène Royale qui présenta le projet fin 2014. Le projet de loi de 73 articles a été voté par l’Assemblée nationale le 24 mars 2015, après avoir été amendé 200 fois.

L’un des objectifs principaux du projet suit celui de la stratégie pour la biodiversité : la volonté d’intégrer la biodiversité dans les politiques, dans l’économie et donc dans toutes activités humaines. Ainsi, les chercheurs tenteront de calculer le coût de la destruction de nos écosystèmes et ce que représente la richesse de la nature dans le PIB. Il y a une prise de conscience que les ressources naturelles ne sont pas illimitées et que leur destruction a un coût.

L’objectif est donc d’allier écologie et économie, en se rapprochant d’une économie de sobriété. Pour cela, le principe de solidarité écologique est intégré dans le code environnemental, celui-ci demande la prise en compte des écosystèmes dans toutes les décisions politiques. Ce principe peut être comparé à une sorte de principe de précaution appliqué spécifiquement à l’environnement. Mais le symbole est fort, l’emploi du terme de solidarité renvoi à la reconnaissance d’un lien de réciprocité entre l’homme et la nature.

La mortalité des abeilles, symptomatique de notre retard dans la mesure de l'importance économique de protéger la biodiversité

La mortalité des abeilles, symptomatique de notre retard dans la mesure de l’importance économique de la biodiversité

La gouvernance est décisive 

Un deuxième objectif apparaît à plusieurs reprises dans le projet de loi et sur l’ensemble des politiques menées par le gouvernement en matière d’environnement. Il existe une volonté réelle de démocratiser les prises de décisions, par la consultation, la concertation et l’information des citoyens. Tout d’abord par la concertation entre scientifiques et société civile, le rôle de cette dernière est ainsi mis en avant. Pour se faire, un comité national de la biodiversité constitué par la société civile sera créé, ainsi qu’un conseil national, composé de scientifiques. Ces deux organes permettront un équilibre dans les prises de décision.

On considère désormais que les scientifiques ne peuvent donner seuls leur avis sur certaines politiques. L’accent mis sur la société civile s’illustrera notamment lors du sommet de Paris, fin 2015. Il sera organisé au Bourget un «village de la société civile», où sont attendu près de 40 000 personnes.

La consultation sera aussi renforcée au niveau local. Les décisions seront prises en concertation avec les régions, les municipalités, mais aussi les acteurs locaux, comme les agriculteurs. La représentation de l’outre-mer sera aussi renforcée, puisque ces territoires sont extrêmement riches en terme de biodiversité.

Pour faciliter les échanges, un interlocuteur unique sera créé au 1er janvier 2016 : l’Agence Française pour la Biodiversité. Elle rassemblera différentes structures existantes et sera parrainée par l’astrophysicien Hubert Reeves. Elle permettra de délivrer des conseils, des expertises aux collectivités, aux entreprises ou aux associations, et pourra financer des investissements. Son premier conseil d’administration pourrait se tenir dès janvier 2016.

La loi biodiversité doit maintenant être mise en oeuvre sans hésitation

La loi biodiversité doit maintenant être mise en oeuvre sans hésitation

Mise aux normes internationales

Par ce projet, la France fait aussi valeur d’exemple pour la COP21 en transposant le protocole de Nagoya dans sa législation. Ce protocole a été adopté en 2010, après avoir été énoncé comme principe en 1992 à Rio. Le traité vise notamment à protéger les ressources génétiques de la biopiraterie. Avant 1992, les ressources génétiques appartenaient à tout le monde, aujourd’hui elles sont nationales. Cela implique qu’une entreprise doit demander la permission à l’Etat concerné pour exploiter ses ressources. Ainsi, les avantages sont partagés, et les profits que l’Etat peut percevoir doivent être réinvestis dans la protection de la biodiversité.

Un peu d’avance sur le reste de l’Europe, mais retard sur le reste du monde

Au-delà de l’intégration du protocole dans sa législation, la France prend de l’avance sur l’Europe. En effet, alors qu’un moratoire européen est en cours sur les pesticides de type néonicotinoïdes, la France banni l’utilisation de ces derniers. Ces pesticides désorientent les insectes, dont les abeilles, en agissant sur leur système nerveux. Ainsi, ce projet représente de réelles avancées, mais comble aussi un certain retard, après avoir laissé en suspens de nombreux projets depuis les années 1990.

Cependant, de nombreuses questions restent sans réponse quant à la mise en oeuvre des réformes et leur efficacité. On ne sait notamment pas comment vont être intégrés les processus de consultation dans les prises de décisions, quelles seront les compétences exactes de l’AFB et si son budget suffira.

La France, comme les autres pays européens restent par ailleurs en retard, du moins du point de vue législatif, par rapport à certains pays en développement, tel que l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Ces pays ont une législation stricte, sur le papier, mais manquant toutefois souvent de clarté dans l’interprétation, et, certainement, de moyens dans l’application. Cela peut parfois les placer en mauvaise posture par rapport aux investissements des entreprises. En effet, ce que redoute le plus les entreprises sont les zones d’ombres, entre le légal et l’illégal et non une législation plus contraignante mais claire. C’est surtout le cas des petites entreprises qui ne peuvent risquer un procès.

Aucune excuse désormais. La France a donc désormais, entre son dispositif législatif et ses institutions, tous les moyens d’exercer l’exemplarité qui lui incombe. La résolution doit être sans faille et l’application de la loi rigoureuse.

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J'ai toujours été passionnée par l'écriture, la politique et le développement durable. Il est, selon moi, urgent de changer notre façon de consommer et...

3 commentaires Donnez votre avis
  1. En ce sixième cycle d’extinction des espèces corollaire du changement climatique et en cette période de rut, qu’ils passent stérilement et vainement à tourner en rond encore une année, Néré et Cannelito qui n’ont pas vu, en Béarn, la moindre femelle depuis 2004, date de la mort de Cannelle,( onze ans! ) restent pour le moins dubitatifs devant cette énième usine à gaz!… Cette Agence pour la Biodiversité fera t-elle que Cannelito, ultime porteur des gènes de la souche historique Pyrénéenne pourra enfin assurer sa descendance ?… Pourra t-on, à travers cette Agence, sauver ce symbole remarquable que représente le plantigrade en tant qu’espèce parapluie pour toute la biodiversité nationale et dont la présence au sommet de la pyramide écologique du cycle du vivant garantit l’excellence de nos derniers petits arpents de Nature, ce, alors que la politique Française est notoirement à l’éradication par stérilité du noyau ursin béarnais et au maintien d’une consanguinité délibérément délétère sur le noyau Central? Reste à savoir si la crédibilité, la cohérence et le courage l’emporteront enfin sur les lâchetés, les spéculations égoïstes et les hypocrisies habituelles?… C’est pas gagné !

  2. Que de voeux pieux ! Tout ceci est une mascarade politique. Surtout avec Royal qui méprise la faune française : loups ours bouquetins lynx par exemple, sans parler des soit-disant nuisibles. Je ne parle pas de la gestion de la flore et de la forêt, une catastrophe. Il n’y aura que peu d’effets, si ce n’est une fiscalité spécifique et répressive très certainement dans les tuyaux, et les lobbies du secteur agricole et agroalimentaire, ainsi que les députés chasseurs, vont se faire un plaisir de casser tout cela, avec la bénédiction de l’Etat bien sûr. D’autant qu’il n’y a aucun renouvellement des institutions décisionnaires, alors pourquoi les personnes qui aujourd’hui ne font rien feraient-elles quelque chose demain ?

    • @Sylvain: je suis complètement d’accord avec vous, tout ceci est une mascarade des socialistes pour pouvoir se faire réelir en 2017!
      Ségolène Royal est totu sauf du côté de l’environnement, elle est en faveur des OGM; pro corrida, pro tir aux loups, ni l’environnement ni les animaux sous son mandat n’ont été autant menacés!
      La France devait diminuer de 50% l0utilisation des pesticides d’ici 2015, rien a été fait,96,8% des eaux en France sont pollués, 90% des abeilles ont disparu en 10 ans grâce aux pollueurs comme Bayer, Saginta!!!

      Quant aux chasseurs, c’est scandaleux, ils détruisent l’environnement, massacrent des pauvres animaux en toute légalité car ce gouvernement leur donne tous les pouvoirs!

      Vivement 2017 que ces socialistes dégagent mais jusque là ils auront réussi à ruiner la France

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