Ikea, l’ambiguité éthique d’un champion du low cost

Rédigé par Jean-Marie, le 25 Feb 2011, à 19 h 32 min

Ikea, c’est l’inverse de la préférence à l’économie locale

mondialisation
Mondialisation extrême

Par ailleurs, quand un consommateur achète un meuble Ikea, il doit le faire en connaissance de cause : le produit qu’il acquiert aussi peu cher ne provient jamais de son propre écosystème régional.

Comme bien des produits modernes, le meuble Ikea incorpore en quelque sorte des dizaines de milliers de kilomètres parcours par ses différentes composantes (matières premières, pièces détachées, emballages, notice, …).

Il n’y a guère que les derniers maillons de la chaîne qui font travailler l’économie locale que le consommateur appelle souvent de ses voeux : le magasin lui-même bien sûr et parfois le marketing confié à des publicitaires nationaux (publicités, catalogues, …).

Pourtant, ironique paradoxe, Ingvar Kamprad, génial communicateur, a su marteler l’image d’un Ikea proche des valeurs petites gens : parcimonie, économie, modestie, labeur. Le fondateur lui-même cultive sa propre légende de simplicité et d’honnêteté, presque rustique qui se lit avec gourmandise après les révélations récentes : le « Testament d’un négociant en meubles » … et ajoute-t-on en Suède : « qui ne publie pas ses comptes et délocalise ses bénéfices par milliards ».

Cette légende vertueuse n’en est que plus en contraste avec la réalité d’une multinationale, féroce négociatrice avec ses fournisseurs, à l’éthique élastique face au fisc et au bien commun et dont l’opacité de la gouvernance alimente la suspicion.

Ainsi, fin 2009, un livre à charge contre le patron d’Ikea n’avait pas réussi à entamer sa popularité parmi les Suédois.  La Vérité sur Ikea (2) brossait un portrait pourtant acide d’ Ingvar Kamprad taxé de brutalité, pingrerie, misogynie, hypocrisie, opacité et népotisme. Excusez du peu.

Alors, faut-il regarder Ikea avec méfiance ?

Ses nombreuses initiatives en matière de développement durable ne sont-elles somme toute pas un peu dérisoires si on prend en compte le modèle global d’une entreprise qui par  nature lui fait prêter le flanc aux critiques éthiques et écologiques ? Que pèsent quelques salariés qui font l’effort de covoiturer face à la force irrésitible de magasins qui font se déplacer des millions de consommateurs en périphérie de villes … en voiture ? Que vaut l’achat de meubles FSC si on fabrique des meubles faits pour ne pas durer ?(3)

lekovoiturage ikeaEt finalement, toutes les grandes multinationales ne sont-elles pas prises dans ce paradoxe que leur impose leur modèle économique et qui les rend suspectes de greenwashing* ?

Ce qu’on peut au moins reprocher à Ikea, ce n’est pas d’être une entreprise mondialisée à bas prix mais plutôt d’entretenir une légende qui tente de la faire passer pour ce qu’elle n’est pas. On aimerait surtout que les initiatives mises en avant en matière de développement durable aillent plus loin.

Qu’il s’agisse de réduire les gaspillages en énergie (4), d’utiliser du bois vraiment durable (5), de se conformer à Reach en matières de produits chimiques (6), de covoiturage (le leko voiturage), de conditions de travail dans les usines sous-traitantes (7), …  de nombreux experts regrettent que les choses ne soient pas approfondies et s’arrêtent à des résultats de surface.

Ce n’est qu’ainsi que le temple de la grande consommation de la déco et de l’ameublement pourrait se concilier le consommateur moderne : celui qui veut acheter à une entreprise irréprochable qui partage pleinement ses valeurs.

Articles sur Ikea rédigé par Jean-Marie

(1) Ikea limite ses stocks au strict minium et fonctionne en flux tendus. Le réassort quotidien des magasins est assuré par 28 plates-formes logistiques géante à traver le monde. Le dépôt central se situe à Älmhult, au sud de Stockholm. Les sous-traitants jouent le rôle d’amortisseurs
(2) La vérité sur Ikéa, Sanningen om IKEA, de Johan Stenebo, ancien salarié d’Ikea.
(3) Voir l’article sur l’obsolescence programmée des produits modernes.
(4) Ikea a pris l’engagement de réduire de 25 % sa consommation énergétique totale par rapport à 2005 (par mètre cube vendu en magasin et mètre cube déplacé dans les dépôts centraux) et d’utiliser 100 % d’énergies renouvelables pour les besoins en électricité et chauffage des unités IKEA,
(5) Outre ses meubles, Ikea consomme du bois pour imprimer quelque 200 millions de catalogues papier.
(6) Ikea a fait partie des entreprises qui se sont engagées les premières à aller au-delà des normes imposées par la réglementation européenne Reach sur les produits chimiques
(7)En 1994, Ikea a été attaquée sur le travail des enfants chez ses sous-traitants indiens et a réagi par des mesures contre ces abus. En partenariat avec l’Unicef, Ikea a décidé de développer les bourses aidant à la scolarisation des adolescents, notamment certains repérés dans les usines de ses fournisseurs. En 200, Ikea a promu un code de conduite , « Iway », inspiré des conventions de l’OIT, l’Organisation internationale du travail.  Certains experts comme Lourthusamy Arokiasamy, de l’ONG indienne AREDS , Association of Rural Education and Development Service, partenaire d’Oxfam, regrette de ne pouvoir contrôler si ces dispositions sont appliquées ou pas du fait de l’éclatement de la chaîne de sous-traitance : « Chez les sous-traitants de la marque qu’on connaît, les ateliers sont souvent plus propres et les conditions de travail ne sont pas pires qu’ailleurs, bien que les salaires soient aussi bas. »
* Voici un exemple de communication officielle d’Ikea pour présenter ses initiatives dans un rapport annuel sur le Dev. Durable, ici en matière de choix d’essences de bois par exemple : « Parce que sa stratégie de développement a toujours intégré le respect des hommes et de l’environnement, IKEA a établi des partenariats avec plusieurs institutions et ONG afin de prendre les bonnes décisions« 

Pour aller plus loin sur Ikea

– Le rebond du modèle scandinave, Marie-Laure Le Foulon, éd. Lignes de repères, 2006.
– Ikea : un modèle à démonter d’Olivier Bailly, Denis Lambert et Jean-Marc Caudron, éd. Luc Pire, 2006
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Jean-Marie Boucher est le fondateur de consoGlobe en 2005 avec le service de troc entre particuliers digitroc. Rapidement, il convertit ses proches et sa...

14 commentaires Donnez votre avis
  1. Ikea ecolo, je me marre ! pur marketing bobo. En plus à part quelques merdes en plastoc mal foutues et presque aussi moches que chez gifi (le design se degrade de plus en plus de produits qui avaint du moins le mérite d’etre design et relativement solides sont remplacés par des machins de plus en plus cheap et banales genre il y a mieux au supermarket du coin comme les boite de rangement multimedia par exemple !), c’est vraiment SUPER CHER, en moyenne plus de 100 eurks pour un tas d’agglo difficile à monter et pas pratique c’est du fouage de gu… Plus les produits deviennent géographiquement accessibles, plus ils sont chers et nuls. Je n’appelle aps ça du low cost mais du LOW tout court.

  2. Il ne faut pas se leurrer. Ikéa n’est pas pire que la plupart des fabricants , des distributeurs , quels qu’ils soient.

  3. Ikéa, écolo? Je monte des cuisines Ikea tout le journée. S’il y a un fabricant pas écolo, c’est bien Ikea. Regardez la quantité industrielle de papier qu’on jette tous les jours. De véritables dictionnaires de manuels dans toutes les langues pour chaque appareil de la marque. Du papier inutile dans chaque panneau d’habillage, porte, meuble…etc…alors qu’une simple impression des instructions serait suffisante, imprimée sur le carton ou disponible en ligne pour les appareils. Quant au plastique, certaines fois on se demande pourquoi tant d’emballage de l’emballage de l’emballage!! De toutes façons ils s’en fichent, ce n’est pas eux qui s’occupent de traiter leurs déchets, ce sont sont les sociétés qui posent pour eux.

  4. Ikea me dégoute pas ces méthodes de management. Et Ikea ne traite pas pas mieux ces clients. Petit exemple : Après être passé à une de leur caisse automatique est payé mes achats, un vigile m’a interpelé pour me dire que je n’avait pas scanné et donc payé un article. Ce qui était vrai, je me suis donc excusé en toute franchise pensant que cela arrenterait la. Mais non! J’ai du signé un peu sous la contrainte un papier qui fait acte de vol à l’étalage. Papier qui est envoyé à la préfecture de police ensuite.
    Après cette épisode, je suis allé rendre tous mes achats (175 euros). Et avec ce que j’apprends sur les différents blog, je peux vous dire que je n’irai plus chez Ikea.

  5. IKEA c’est de la M…. Tu fais tes plans toi meme, tu chercher les produits toi meme, tu charge ton chariot toi meme, tu gere la livraison toi meme, tu demande un renseignement au vendeur et il ne bougera pas son C… donc tu te renseigne toi meme, tu paye à la caisse toi meme et si il y a un pb : c’est ta responsabilité puisque tu as tout fait toit même. Je crois qu’il ont pris les gens pour ce qu’il sont… naif et gentil…

    • C’est le principe même du low cost : faire participer le consommateur pour réduire les coûts !

      Définition extraite de Wikipédia : « Low cost, bas coûts ou encore bas prix est un modèle d’entreprise caractérisé par une proposition de prix attractifs aux clients contre une offre de produits manufacturés et de services réduite à l’essentiel. »

      Je ne comprends pas bien le fait de se plaindre que du low cost soit du low cost. C’est comme se plaindre qu’un produit de luxe soit cher.

    • Je répond à Brice, le low cost rime avec cow (vache en anglais). On est de vrai vaches à lait pour cette industrie. De plus Ikea c’est cher! Ce n’est pas du low cost comme tu dis. Mais c’est du jetable, une fois monté, au prochain déménagement c’est poubelle ou pas loin. Je n’ai pas de solution toute faite mais je vais réfléchir à consommer autrement. A+

    • je suis d’accord, et je rejoins Adlan, le low cost ikea c’est plutot du jetable cher :p

  6. Il y a deux ans, j’ai refait mon appartement en essayant d’utiliser des matériaux écologiques.. J’ai découvert le casse-tête qu’il y a à vouloir concilier souci écologique, goûts de deux personnes et budget limité… IKEA a su se construire une image, c’est vrai, mais en fait, pour la plupart des objets et matériaux que vous voyez en magasin, il est très difficile de connaître l’origine des matériaux et l’endroit où sont fabriqués les produits. Beaucoup trop de vendeurs vous regardent encore bizarrement quand vous demandez l’origine d’un bois…Je pense qu’il faudrait militer pour un étiquetage systématique de l’origine des matériaux et du lieu de fabrication…

    • C’est vrai, chez Ikea un vendeur m’a dit que « ça n’a pas d’importance » en parlant de peintures écologiques ou de bois labellisés… y’a du progrès à faire même si les produits sont bon marché et séduisants

  7. IKEA est juste une multinationale très maline qui a su depuis longtemps se cultiver une image en béton auprès du consommateur (du genre « nous faisons attention à vos enfants »).
    La réalité, c’est que IKEA est juste une multinationale comme les autres, pour qui la bonne image et la sympathie du public est juste un outil pour assurer un haut niveau de ventes, point barre. Et si demain il s’avérait que c’est en étant détesté du grand public que l’on vend le plus, je pense qu’ils n’hésiteraient pas une seconde à tout changer d’un coup ! Le grand public est séduit par leur excellent rapport qualité/prix, et en plus on lui raconte de belles histoires vertueuses. Mais tout cela, ce ne sont que des histoires, qui n’engagent que ceux qui ont envie de les entendre. C’est un peu le même principe (toutes proportions gardées) que le scandale de l’ARC : Jacques Crozemarie a pu rouler les gens dans la farine pendant des années car il se drapait lui-même des habits de la plus haute vertu en étant Président de la Ligue contre le Cancer. L’histoire a démontré que parfois il ne faut pas juste se fier aux apparences ou à la comm’ …

  8. super intéressant ; je ne voyais pas Ikea comme ça. Mais sans doute ikea est-elle comme beaucoup de très grandes sociétés non ?

  9. Je suis horrifiée à la lecture de votre article.
    Y at-il des associations ou groupe de contre pression pour informer un large public?

    • Jean-Marie

      Ikea n’est pas forcément plus horrible que bien d’autres multinationales….et je ne voudrais pas donner l’impression que tout est noir chez Ikea loin de là, mais souligner l’ambiguité fondamentale d’un modèle comme celui d’une telle multinationale. Difficile d’être vertueux sur le fond, surtout si votre dirigeant a une morale élastique :). Rien à voir avec l’irresponsabilité et l’immoralité permanente d’une partie des banques d’affaires américaines qui vivent dans une bulle d’argent qui coule à flot au détriment du monde qui les entoure.
      Je ne crois pas qu’il existe d’associations comme celles que vous mentionnez concernant Ikea.

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