François Fillon et les renouvelables : une position à revoir ?

François Fillon, le candidat de la droite à l’élection présidentielle considère que notre électricité ne pourrait pas provenir principalement des énergies renouvelables, et que le nucléaire est absolument indispensable. Vraiment ?

Rédigé par Marie-Jeanne Delepaul, le 16 Jan 2017, à 7 h 10 min
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Alors que François Fillon vient d’être investi samedi dernier, le candidat de la droite à l’élection présidentielle qui aime à rappeler qu’il était Premier ministre au moment du Grenelle de l’environnement, en 2007, puis ministre de l’Environnement, après le départ de Nathalie Kosciusko-Morizet en 2012, envisage le développement des énergies renouvelables « non pas comme une panacée mais comme un secteur industriel porteur ». Lui qui pense « qu’il est de notre devoir de laisser à nos enfants et petits enfants cette planète dans un état environnemental aussi bon, voire meilleur, que celui qui nous a été légué par les générations précédentes », considère les énergies renouvelables comme « complémentaires » et veut, pour assurer la transition énergétique, consolider la filière nucléaire, construire de nouveaux réacteurs, prolonger la durée de vie des centrale de quarante à soixante ans.

François Fillon, les énergies renouvelables et la transition énergétique

François Fillon, qui  a déclaré en mai 2016 sur BFMTV qu’« il est impossible de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production électrique française d’ici 2025 ». Fustigeant au passage la loi de transition énergétique votée par le gouvernement de François Hollande, le candidat de la droite a affirmé : « les énergies renouvelables ne peuvent pas remplacer les centrales nucléaires qui seraient fermées ».

En cause selon lui, le fait que « les énergies renouvelables ont comme caractéristique de ne pas produire d’électricité en continu », d’où le nécessaire maintien de capacités de production classiques telles que le nucléaire (ou les centrales à charbon en Allemagne) pour assurer l’approvisionnement en électricité lors des pointes de consommation.

Pour François Fillon, nucléaire et énergies renouvelables sont donc « complémentaires ». Dans son programme électoral, il considère ces deux formes d’énergie comme « propres », contrairement aux énergies fossiles. Défenseur du nucléaire, « un patrimoine industriel d’excellence mondial qui s’est forgé il y a plus de 60 ans » selon ses mots, il veut développer les énergies renouvelables… Tout en consolidant la filière nucléaire française.

Un discours qui sonne faux

A priori, imaginer un mix électrique 100 % vert en France est un scénario peu probable dans un pays où le nucléaire représente plus de 75 % de la production.

Comme l’a souligné François Fillon, le problème des énergies renouvelables est que certaines sont variables, c’est à dire qu’elles produisent au gré de la météo (éolien) ou des rythmes diurne et nocturne (le solaire). Or comme l’explique Patrick Criqui, directeur de recherche du CNRS à l’université de Grenoble, « l’une des caractéristiques de l’électricité est qu’elle se transporte bien mais se stocke assez mal ». Pour assurer l’approvisionnement des consommateurs, il faut que la demande et l’offre d’électricité s’égalisent à chaque instant, « la grande question est donc de savoir comment faire pour avoir un système électrique stable et éviter les blackout ».

L’interview de François Fillon par Jean-Jacques Bourdin (entre les minutes 3:30 et 7:25)

100 % d’électricité issue des renouvelables d’ici 2050 ?

Cependant, plusieurs études montrent qu’il serait possible d’avoir d’ici 2050, une production électrique en grande partie voire entièrement issue des énergies renouvelables.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) s’est penchée sur différents scénarios et a publié en octobre 2015, une étude en imaginant un mix électrique français composé à 100 % d’énergies renouvelables(1). Un autre rapport publié en octobre 2016 par l’université de Stanford aux États-Unis, aboutit à des conclusions similaires(2).

Ces études théoriques « ouvrent le champs des possibles »

Si elle est scientifiquement très solide et poussée sur le plan méthodologique, l’étude de l’Ademe est cependant prospective et purement théorique. « Elle décrit un futur possible sans indiquer comment on y arrive concrètement », déplore Patrick Criqui. Les auteurs de l’étude ne s’en cachent d’ailleurs pas : « L’horizon d’un tel mix électrique serait probablement très éloigné (post-2050) et l’étude ne s’intéresse pas à la trajectoire temporelle d’évolution du système électrique actuel ». Pour ses auteurs, l’étude vise à permettre « qu’une hypothèse jusqu’ici impensable pour la majorité des acteurs devienne une hypothèse techniquement possible »(3).

Outre cet écueil, les hypothèses formulées par l’Ademe sont assez optimistes, notamment sur la baisse de la consommation d’électricité, la flexibilité de la demande ou l’innovation en termes de stockage d’énergie dans le futur.

Des progrès technologiques encore à faire

« Le discours de l’Ademe est construit sur des hypothèses dans lesquelles sont systématiquement employées les meilleures technologies, explique Patrick Criqui. Elle a l’avantage de montrer qu’il est techniquement possible d’augmenter très largement la part d’énergies renouvelables dans le mix électrique français. Mais la réalité est bien sûr moins parfaite que les scénarios optimisés de l’Ademe. »

Malgré ces réserves, « nous avons fait énormément de progrès technologiques, explique Patrick Criqui. Il y a dix ans, on pensait que la part des énergies renouvelables dites « instables » ne dépasserait pas 20 % de la production électrique française. Aujourd’hui, il y a un consensus pour penser que cette part peut aller jusqu’à 40 voire 50 % ».

Il serait donc faux de dire qu’il est impossible d’augmenter considérablement la part des énergies renouvelables dans le mix électrique français jusqu’à pouvoir réduire la part du nucléaire à 50 % de la production. Selon le chercheur du CNRS, « c’est tout à fait réalisable à l’horizon 2025, 2030 ».

Des éoliennes  © pedrosala Shutterstock

 © pedrosala Shutterstock

L’électricité verte, moins chère que le nucléaire !

De plus, si aux yeux de François Fillon, la fermeture des centrales vieillissantes représenterait un gaspillage de l’argent du contribuable, l’une des conclusions majeures de l’étude de l’Ademe tend à montrer qu’une électricité verte ne coûterait pas plus chère que le maintien de la production nucléaire actuelle : « un mix 100 % renouvelable nécessiterait des adaptations très importantes du système électrique, son coût global serait vraisemblablement du même ordre de grandeur qu’un mix 40 % renouvelable ».

À noter que les experts s’accordent pour dire que le 100 % renouvelable serait considérablement facilité et moins coûteux s’il était envisagé non pas à l’échelle de pays isolés (France, Allemagne, RU, etc), mais à l’échelle de toute une zone (l’UE par exemple).

Alors si on peut porter la part d’énergies renouvelables variables à 40 ou 50 % de la production d’électricité, quid de l’objectif d’une électricité 100 % verte ?

Pas impossible, mais il faudrait pour cela surmonter des obstacles importants afin de gérer l’instabilité de la production d’électricité verte.

Quatre critères seront déterminants pour atteindre cet objectif :

  • développer la bonne gestion et l’intelligence des réseaux,
  • favoriser l’interconnexion des réseaux nationaux, pour bénéficier par exemple de l’éolien de la mer du Nord ou du photovoltaïque d’Espagne,
  • améliorer le stockage de l’électricité,
  • jouer sur la flexibilité de la demande, c’est à dire réduire ou reporter sa consommation d’électricité en cas de pic de consommation, grâce à des compteurs intelligents, et/ou en changeant ses habitudes de consommation.

Et, il faudrait aussi et surtout un cinquième critère déterminant : une volonté politique forte pour soutenir une politique énergétique ambitieuse.

Photo bannière : capture d’écran Paris Direct
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Étudiante en journalisme à Lille, je suis passionnée par les questions environnementales et sociales. Je file dès que possible dans ma campagne natale pour...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Certes,
    Pour l’ instant le nucleaire est le plus puissant producteur d’ électricité mais il faut être visionnaire et ambitieux, des alternatives sont possibles, il faut faire le premier pas…
    C’ est la ou les politiciens (visionnaires) doivent s’ engager.
    Merci

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