Bonne nouvelle : l’économie participative récupérée par les grandes marques

Rédigé par Paul Boucher, le 7 Jun 2015, à 10 h 30 min
Bonne nouvelle : l’économie participative récupérée par les grandes marques
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Pendant six semaines ce printemps, un camion de camping recyclé roulant au bio-fuel, à l’enseigne de Patagonia, a sillonné les Etats-Unis jusque Boston pour proposer de réparer des vêtements, du matériel et de vendre des produits d’occasion de la marque. De la part d’une entreprise qui est souvent associée aux produits de luxe, au point qu’on la surnomme parfois « Patagucci », la démarche peut surprendre. Comme elle pourtant, de grandes enseignes ne se contentent plus de soldes ou d’opérations de promotion, mais créent des communautés de clients, organisent des sites communautaires, louent plutôt que vendent pour améliorer leur chiffre d’affaires dans une période où la consommation des ménages a tendance à stagner.

S’agit-il d’un mouvement de fond, d’une transformation réelle et profonde de la consommation, ou d’un simple gadget commercial pour attirer les clients qui se détournent des modes d’achat traditionnels ?

Patagonia, pionnier du paradoxe : les grandes marques prônent l’anti-consommation pour récupérer des acheteurs…

C’est en fait depuis 2009 que Patagonia est engagée dans un programme d’anti-consommation qui a culminé en 2011 par un article en pleine page dans le New York Times intitulé « Don’t buy this jacket  ! », n’achetez pas cette veste. La publicité détaillait l’impact environnemental de la veste en peau de mouton R2, une de leurs meilleures ventes du moment, et demandait aux clients de réfléchir à deux fois avant de l’acheter ou d’acheter des produits similaires.

Résultat ? L’attention médiatique générée par cet article a permis d’augmenter de façon significative les ventes de Patagonia en 2012. Alors une arnaque de plus ou un réel changement d’attitude ?Et Patagonia continue de surprendre. La marque américaine vient de développer le Worn Wear Spot (patagonia.com/ca/worn-wear/), où on peut faire réparer ou échanger ses vêtements usagés.

Care & Repair, un service de Patagonia pour réparer soi-même ses vêtements

Care & Repair, un service de Patagonia pour réparer soi-même ses vêtements

Elle s’est associée aussi à iFixit.com, un site qui développe des clips pédagogiques sur l’auto-réparation. Résultat : les ventes de Patagonia poursuivent une courbe ascendante depuis le lancement de la campagne. Ce qui veut peut-être dire tout simplement que les clients sont d’accord avec cette approche, et souhaitent aller vers une consommation plus réfléchie, une consommation durable donc.

Anti-consommation pour de plus grands profits : les grandes marques s’y mettent

Il est donc normal que les marques, grandes et petites, essaient de suivre le mouvement, de coller au plus près aux désirs de leurs clients. Dans le même esprit, les magasins Leroy Merlin testent en ce moment la vente de produits d’occasion dans leurs magasins. Decathlon propose des ateliers rollers pour les enfants, vend du matériel d’occasion, accueille des manifestations sportives locales. Mr. Bricolage vient de lancer un site communautaire nommé Ladepanne.fr, à l’image de Leboncoin, pour les particuliers qui veulent vendre ou louer des articles d’occasion entre eux. Darty expérimente même un système de communauté d’entraide intégré aux fiches produits de son site marchand…

Starbucks : le développement durable comme levier de croissance

Reste une certaine ambiguïté aux yeux des consommateurs, un soupçon de cynisme. La stratégie de Starbucks en France illustre bien ce paradoxe. D’un côté, cette entreprise américaine, la plus grande chaîne mondiale de café, a inscrit le développement durable au coeur de son projet économique depuis ses débuts. Elle l’a fait d’abord en proposant du café produit selon des critères éthiques, en partenariat avec Conversion Internationale, et depuis 2011, avec Fairtrade, Max Havelaar.

Rapport responsabilité environnementale de Starbucks

Rapport responsabilité environnementale de Starbucks

C’était loin d’être le cas au début : pas de café équitable proposé malgré les demandes de ses riches et exigeants clients californiens par exemple. Aujourd’hui, ses salons intègrent des critères écologiques : choix des matériaux locaux et matériaux de récupération, de bambou, de caoutchouc recyclé. Et l’entreprise s’est engagée à s’approvisionner en énergie renouvelable à hauteur de 50 % et à réduire de 25 % ses consommations d’énergie.

Il est en même temps clair, d’après le rapport de responsabilité mondiale de Starbucks que la marque avait besoin de mettre en avant une image d’entreprise engagée dans l’écologie. Ce n’est pas un hasard si cette campagne a été lancée en France, où Starbucks peinait à s’installer. Elle a compris que, si elle voulait réussir en France, elle avait besoin de verdir son image auprès d’une clientèle très attachée au bio et au développement durable.

Crises et consommation durable

Il est certain que la crise économique générée par le débâcle bancaire de 2009 a conduit les consommateurs des pays développés à réfléchir à leur mode de consommation. Halte à l’achat impulsif, aux produits jetables ! La tendance est aux produits de qualité qu’on fait durer, qu’on répare, qu’on échange quand ils arrivent en fin de vie.

Ce mouvement rejoint diverses expériences liées, entre autres, à la problématique du changement climatique : consommation de produits locaux, nourriture bio, jardins collectifs… Les entreprises essaient de plus en plus de promouvoir une image responsable. Certaines se contentent d’un vague ripolinage, d’autres sont sincèrement engagées. A terme, les clients ne sont pas dupes : on n’attire pas des mouches avec du vinaigre !

Illustration bannière : Randonnée en Patagonie – © Galina Andrushko Shutterstock
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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Patagonia est effectivement une marque orientee vers des produits haut de gamme et chers, malgres cela elle reste largement dans la moyenne des prix de ses concurrents sur le meme genre de produits, simplement ces derniers sont moins connus du grand public. Attention a ne pas comparer des choses qui ne sont pas comparable. Exemple, Decathlon qui se presente comme un specialiste en matiere d’equipement sportif et qui lui, est bien connu du grand public. Mais qui ne proposera en realite que de pales copies, (accompagnee d’une qualite mauvaise), de produits de marques specialisees a un prix effectivement divise par 2 ou 3…sera consideree par comme une marque moins elitiste et mieux percue par le consommateur moyen. Cependant en therme de qualite, de duree de vie et d’innovation, ces derniers ne tiendront pas la comparaison. On pourrait effectuer la comparaison avec d’autres marques generalistes visant l’entree de gamme pour faire de gros volumes de vente. La qualite a un prix, il est parfois eleve certe, mais investir dans du materiel qui dure en soutenant des marques qui innovent dans leur secteur est sans doute le meilleur gage de consommation responsable.(desole pour les accents manquants, clavier QWERTY)

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