‘L’économie circulaire existe déjà, on s’en est déconnecté’

A l’occasion de la parution du manuel pour « Activer l’économie circulaire » publié par l’agence de design dédiée à l’économie circulaire Wiithaa, consoGlobe.com a rencontré ses auteurs pour faire le point sur ce concept essentiel pour un avenir durable de la production et de la consommation.

Rédigé par Stephen Boucher, le 22 Jan 2016, à 8 h 00 min
‘L’économie circulaire existe déjà, on s’en est déconnecté’
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Créée en 2012, l’agence Wiithaa accompagne les entreprises et les collectivités pour traduire dans la réalité le concept d’économie circulaire et « co-construire avec eux les objets, les services et les systèmes de demain », travaillant avec de grandes marques telles L’Oréal, Peugeot ou encore La Poste.

Selon Didier Toque, Directeur général de Nouvelle Attitude, la filiale du groupe La Poste qui a construit une filière pour le recyclage des papiers de bureaux, « L’économie circulaire est une vision de grande envergure qui peut entraîner les acteurs d’un département, d’une ville ou d’un quartier dans des innovations majeures pour sauvegarder leur environnement et développer leur économie. D’une portée considérable, elle permet d’apporter plus de richesse, de sécurité et de bien-être aux populations en créant des rapports entièrement nouveaux entre les citoyens et tout ce qui les entoure. »

Ainsi, Nouvelle Attitude a inventé avec les facteurs de La Poste la « logistique inversée » pour collecter les déchets valorisables des PME en utilisant le circuit de distribution du courrier, et a ainsi récupéré des dizaines de milliers de tonnes de vieux papiers, auparavant détruits. Un exemple parmi d’autres d’un retour au bon sens et à des principes de fonctionnement fondamentalement naturels.

consoGlobe.com – A quoi ressemblerait un monde et une économie qui seraient totalement « circulaires » ?

Brieuc Saffré – Ce monde existe déjà, mais on en est sorti. C’est un monde dans lequel la notion de déchet n’existe pas. Le vivant, le végétal, l’animal est organisé ainsi. C’est une économie calée sur le fonctionnement des écosystèmes. Dans la nature, il n’y a pas de déchets, il n’y a pas d’accumulations nocives dans l’environnement.

Donc c’est une économie qui essaie de s’inspirer de stratégies naturelles. Où tous les déchets sont les ressources des autres. Il n’y a que l’Homme qui en tant qu’espèce, s’est déconnecté de ce modèle et qui génère une quantité de déchets énorme, déséquilibrant des équilibres naturels de millions d’années.

consoGlobe.com – Quelles sont les priorités pour être sans déchet ?

BS – Comme c’est un changement total de société, c’est un ensemble de changements. Cela va de l’éducation à la façon de manger, de faire de l’énergie… C’est un système très complexe, plein d’impacts générés qu’il faut réussir à gérer et faire en sorte qu’ils soient positifs.

consoGlobe.com – En pratique, qu’est-ce qu’on peut faire ?

BS – A l’échelle individuelle et collective, ça ne se réduit pas à quelques gestes, mais certains sont emblématiques. Par exemple, nous devons valoriser nos déchets alimentaires, ne pas toujours acheter neuf, mais de seconde main ; vider nos placards, pour recycler les matières, les vieux habits, les jeux… pour qu’ils aient une nouvelle vie.

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Une illustration tirée de l’ouvrage et un exemple d’utilisation circulaire des ressources © Eyrolles

Dans une tonne de téléphones portables il y a plus d’or que dans une tonne de minerai en Afrique.

 

On peut aussi prendre l’exemple des téléphones portables que l’on garde dans le tiroir quand on en achète un nouveau « au cas où », alors que dans une tonne de téléphones portables, il y a plus d’or que dans une tonne de minerai en Afrique, et de même pour un certain nombre de terres rares et minerais précieux. Mais les téléphones ne sont pas aujourd’hui pensés pour être démontés. Les industriels aujourd’hui ne s’occupent que de l’or, alors que ces terres rares le sont de plus en plus…

Dans l’économie circulaire, on pense plus en termes de flux qu’en termes de stocks.

 

BS – Pour les industriels, l’une des priorités, c’est l’éco-conception. Ça implique de déterminer en amont quelles matières on va utiliser. Au lieu de vendre un produit sans penser à la suite de sa vie, on va plutôt penser à sa fonctionnalité, penser à l’accès à un service plutôt que juste à un produit. Et il faut penser à la valorisation en fin de vie. Il y a aussi les dispositifs d’écologie industrielle, pour faire en sorte que les déchets de production soient revendus à d’autres entreprises.

consoGlobe.com – Qui met en oeuvre ces principes aujourd’hui ?

BS – C’est ce que fait Michelin depuis plusieurs années : pour les flottes de véhicules professionnels, ils louent des pneus au kilomètre, au lieu de les vendre et de ne plus s’en occuper par la suite. Et donc d’un coup, ça change la façon dont on fabrique le produit, on va le penser différemment pour pouvoir remplacer la gomme, qu’il soit plus durable…

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Une autre illustration tirée de l’ouvrage © Eyrolles

Le service a été lancé début 2010, et la compagnie de transports en commun de Londres est par exemple passée à ce mode, très pratique pour eux, et qui leur permet de ne pas avoir de problème de trésorerie.

C’est ça qui est intéressant avec l’économie circulaire, si c’est bien pensé, tout le monde est gagnant : ici Michelin, qui entre dans une nouvelle relation durable avec son client. Le client, qui n’utilise que ce dont il a besoin. Et l’environnement y gagne, parce qu’on est beaucoup plus économe en ressources.

consoGlobe.com – Vous consacrez un chapitre de votre livre au thème « Innover selon les lois de la nature » : ça veut dire quoi ?

BS – On parle de biomimétisme, qui s’appuie sur trois principes fondamentaux. D’abord, les déchets des uns sont les ressources des autres. Ensuite, on va chercher à maximimiser les interactions locales.

Enfin, on chercher à optimiser plutôt qu’à maximiser les ressources : dans la nature, les espèces utilisent ce dont elles ont besoin et redonnent le reste, comme un arbre dans la forêt qui pousse plus haut que les autres mais redistribuent sous différentes formes l’énergie qu’il a collectée.

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Tiré de l’ouvrage « Activer l’économie circulaire » © Eyrolles

consoGlobe.com – Il y a eu récemment différentes initiatives en France, avec la loi sur la transition énergétique, et avec un nouveau paquet législative européen consacré à l’économie circulaire européen présenté en fin d’année passée par la Commission européenne : est-on sur la bonne voie ?

BS – Ces textes sont encourageants, mais on est encore plus dans la punition que dans l’incitation. Plus on va faire en sorte de faciliter le changement, plus ce sera efficace. Il faut multiplier les incitations à changer.

Par exemple, ce serait facile de réduire la TVA sur les produits revendus. Avec une TVA égale pour les produits d’occasion et pour les produits neufs, c’est clair qu’on n’incite pas à acheter des produits de seconde main.

A lire :

« Activer l’économie circulaire – Comment réconcilier l’économie et la nature », Nicolas Buttin, Brieuc Saffré, Ed. Eyrolles, 2016.

Le livre met à disposition des outils pour agir au niveau de l’entreprise, du territoire, de la collectivité, ou en tant que simple citoyen.

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

10 commentaires Donnez votre avis
  1. Acheter en seconde main, c’est très positif pour la réduction des déchets mais je ne vois pas en quoi cela rend le vêtement « circulaire », s’il est fait à base de produit pétrolier ou s’il n’est pas compostable, il restera un produit non circulaire. A l’inverse pour le téléphone, garder l’ancien en réserve provoque certes un doublement des matières premières nécessaire, mais ne change rien au côté circulaire, j’aurais presque tendance à dire que cela a des avantages non négligeable : on peux faire réparer un téléphone défectueux vu qu’on a de quoi tenir pendant ce temps (alors que sinon on court en racheter un), on peux aussi prendre un peu + de temps pour choisir un nouveau et donc éventuellement en choisir un – polluant (encore que je n’ai connaissance d’aucun moyen de choisir vu l’absence d’info, les téléphones par module changeable pourraient changer la donne s’ils sont un jour réalité). La récupération du papier utilisé par la poste, c’est une bonne chose vu que cela permet de maximaliser les véhicules qui roulent de toute façon. D’ailleurs, quasi l’entièreté du recyclage devrait se faire ainsi : rapporter les emballages au magasin. Cela éviterait à la collectivité de devoir payer/organiser des déchetteries alors que les grands magasins ont des camions de livraison qui retourne quasi à vide. Mais par contre, ce n’est de l’économie circulaire que si le produit et le transport l’est (principal problème : le carburant…il faudrait du bio-gaz ou électricité renouvelable). Le leasing par le fabriquant est un bon moyen de combattre l’obsolescence programmé/prématuré/low-qualité. Le leasing des emballages (la fameuse consigne) avait du bon, au moins à l’époque une bouteille en verre était réutilisé de nombreuses fois au lieu d’aujourd’hui la recycler ou plutôt la sous-cycler (mettez une bouteille verte et un bouteille bleu au recyclage, il en ressortira des produits d’une gamme inférieur.

  2. emballages comestibles?
    RIDICULE.
    Un emballages de produit alimentaire est destiné à le protéger des souillures.
    Manger l’emballage souillé par nature est donc une absurdité totale.
    Par contre que ce soit un produit compostable est plus raisonnable.

    • il est clair que la vente de boule de glace comestible en grande surface est risible, puisque cet exemple mémorable était dans un sur-emballage plastique. Par contre j’y vois un exemple d’utilisation (très réduit) : les fastfood et assimilé : le fastfood pourrait se faire livrer dans des récipients « circulaire » style verre transparent une grande quantité de mayonnaise ou glace et les distribuer à leur client directement sur leur plateau sans passer par un emballage plastique. Ceci dit, avant d’en arriver à traquer ces « grammes d’emballage », commençons par les emballages des fastfood qui sont recyclable/compostable (par exemple la boite en carton des burgers) mais qui dans la pratique ne le sont pas (jetés dans les poubelles pour l’incinération)

  3. « Par exemple, ce serait facile de réduire la TVA sur les produits revendus. »
    TVA = taxe sur la valeur ajoutée.
    Sauf que la revente ne permet pas de limiter la taxe à la seule valeur ajoutée qui est limité au négoce faute de pouvoir déduire la TVA antérieurement payés pour ce produit.
    C’est donc une exonération de TVA qu’il faut appliquer,
    – ce qui ce pratique pour la vente entre particuliers.
    – ce qui devrait ce produire en limitant la TVA aux apports de matière neuve dans la cas de réparation.

    • la fiscalité est déjà un dinosaure bourré d’exception, cela me semble bien compliqué de gérer/contrôler ce genre de cas. De plus un produit d’occasion est X fois – cher que le neuf, est-ce qu’un gain de tva va vraiment changer le comportement des gens qui ne veulent pas acheter d’occasion ? J’en doute. Même abaisser les cotisations sociales sur la réparation aurait des effets pervers, comme par exemple encourager les produits « à réparer » par rapport aux produits qui tombe – en panne. Si on veux favoriser la durabilité, il me semble + efficace d’augmenter la durée de la garantie obligatoire (aspirateurs, machine à laver, lave-linge, voiture : certains le fond déjà, c’est donc pas un problème technique). Si on veux favoriser la réparation, pour l’électronique, une mesure facile serrait de diminuer le nombre de pièce semblable mais non interchangeable et particulièrement 2 d’entre eux : les alimentations (ex ordi portable… les fabricants jouent à être différent du voisin parfois à – de 1V) et les vis (un nombre de vis différentes presque infini alors qu’elles pourraient être normalisée en taille et par exemple toutes en croix). Tant qu’on y est, il faudrait imposer aux appareils à pile de pouvoir fonctionner avec le voltage + réduit des batteries rechargeables. Mais c’est pas gagné vu le faible taux de contrôle.

  4. « Dans la nature, il n’y a pas de déchets, il n’y a pas d’accumulations nocives dans l’environnement. »
    C’est naturellement faut.
    il existe des lacs naturels de mercure, hautement toxique pour le vivant.
    Il existe des concentration naturelles de matière radioactive, mortifère.
    Il existe des exsudats naturel de pétrole dont on ne peux pas dire que le vivant y prospère.
    NON, la nature n’est pas naturellement bonne et a aussi ses déchets et ses zones toxiques.
    L’idéal serait que les humains n’en rajoute pas.

  5. L’économie circulaire a toujours existé.
    Elle a juste été oubliée durant 50 ans.
    Lorsque j’était gamin, il y avait en campagne des collecteurs de ferrailles, de tissus, de peau de lapin…
    Ce qui était organique passait au compostage (le tas de fumier en général)
    Les emballages étaient en papier ou en bois, donc recyclables…
    On réparait plus souvent que l’on remplaçait.

    • Par curiosité, comment était emballé à l’époque le jambon ou le patté chez le boucher ?

    • @Marc
      Dans du papier spécial, comme le fromage.

  6. L’économie circulaire a toujours existe.
    Elle a juté été oubliée durant 50 ans.
    Lorsque j’était gamin, il y avait en campagne des collecteur de ferraille, de tissus, de peau de lapin…
    Ce qui était organique passait au compostage (le tas de fumier en général)
    Les emballages étaient en papier, donc recyclables…
    On réparait plus souvent que l’on remplaçait.

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