Peurs sanitaires : comment distinguer info et intox ?

Rédigé par Stephen Boucher, le 15 Mar 2015, à 15 h 42 min
Peurs sanitaires : comment distinguer info et intox ?
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De nombreux débats enflammés portent sur les dangers pour la santé de nouvelles technologies : OGMs, nanotechnologies, ondes électromagnétiques. Comment s’y retrouver en tant que citoyen non expert ? Quelles règles appliquer pour distinguer l’info de l’intox, notamment sur internet où circule tout et son contraire ?

Connaître les techniques de manipulation de l’information sur Internet

Le professeur de sociologie à l’université Paris-Diderot Gérald Bronner, dans La démocratie des crédules (PUF, 2013), analyse les mécanismes par lesquels des rumeurs et informations fausses gagnent en audience et crédibilité par leur diffusion sur Internet, et parviennent à maintenir le doute même quand elles ont été scientifiquement démolies.

Comprendre ces mécanismes et savoir qu’on peut tous être victime de l’intox permet à chacun d’être plus vigilant, pour distinguer croyances et connaissances. Voici trois mécanismes psychologiques redoutables :

La technique du mille-feuilles 

Les conspirationnistes de tout poil procèdent par accumulation de « preuves ». Même si chacune est dénoncée, l’empilement des anecdotes et « faits » conduira le lecteur ordinaire, selon un mécanisme psychologique commun, à penser « qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et s’il y a autant de matière à soupçon, c’est qu’il doit y avoir soupçon ». Ne vous laissez pas noyer sous la masse d’informations que peut propager Internet, où rien ne disparaît et tout s’accumule.

Le biais de confirmation

C’est humain : bombardés que nous sommes au quotidien d’informations, nous ne pouvons tout retenir et avons tendance, chacun d’entre nous, à ne retenir que ce qui confirme nos croyances préexistantes. Si vous voulez être un honnête citoyen, interrogez-vous sur le bord pris par la publication que vous consultez, quand ce n’est pas une publication scientifique a priori neutre, et forcez-vous à aller consulter des sources – néanmoins crédibles et vérifiées – qui n’ont pas tendance à dire ce que vous voulez entendre.

L’effet râteau

C’est le défaut qui consiste à considérer le hasard plus régulier qu’il n’est vraiment. Lorsque les médias se sont alarmés d’une « vague de suicides » à France Télécom à la fin des années 2000, Bronner montre comment journalistes et observateurs sont tombés dans le même piège, celui d’isoler des événements de leur contexte. Le nombre de suicides à France Télécom était important, mais pas proportionnellement différent de celui de la société française en général, ni constituant « une vague » ou « une épidémie ».

Par ailleurs, tout pic dans les statistiques – un suicide de plus dans les jours précédents – était interprété comme une tendance, alors que la réalité, sur une période un peu plus longue, ne montre pas de différence significative entre la réalité à France Telecom d’autres sociétés. Comme l’écrivait G. Bronner dans le journal Le Monde à l’époque du phénomène, « si l’on ne porte son attention que sur une fourchette de temps choisie pour les besoins de l’actualité, on arrive rapidement à se convaincre qu’il se produit un événement qui est la manifestation d’une ‘loi des séries’. »

D’autres mécanismes sont à l’oeuvre, et l’on ne peut que vous encourager à lire l’excellent livre de G. Bronner. Celui-ci conclut que « l’urgence à diffuser une information augmente la probabilité du recours abusif aux stéréotypes et aux raisonnements captieux qui alimentent un empire fort prospère dans les démocraties contemporaines : celui des croyances ».

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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